Le volet “belge” de l’affaire du Carlton a été examiné ce jeudi par le tribunal correctionnel de Lille. Dominique Alderweireld, dit Dodo la Saumure, et sa compagne Béatrice Legrain sont soupçonnés d’avoir “fourni” trois prostituées à René Kojfer.Avec ses bons mots, l’homme a fait ricaner la salle. Sauf quand Jade, une prostituée, a repris la parole.
Dodo la Saumure, 65 ans, a la silhouette trapue, le visage rond. L’art du verbe, il le manie plutôt bien. Son casier judiciaire français est fourni : 14 mentions, dont deux pour proxénétisme en 1995 et en 1999.
Le DSK, une politique commerciale
Dodo la Saumure, Français installé en Belgique, le reconnaît volontiers : il a ouvert de nombreux établissements de charme. "J’en avais six, je n’en ai plus que cinq", prend-il le soin de préciser. Il avait d’ailleurs l’intention d’ouvrir le Dodo Sex Club (DSK).
"C’était une provocation, souligne le président Lemaire.
– Non non, c’était une politique commerciale”, répond le prévenu à la repartie assurée.
De l’interrogatoire, on apprend que l’homme a passé une licence de droit et fait l’Issec, une école de commerce. "C’est l’Essec façon pâte à modeler", explique Dodo alors que le président demande de lui préciser la fonction de l’école.
“Vous n’avez donc pas fait de maîtrise de droit ?
– Euh, non. Vous savez, j’avais déjà un bon passé, je ne me voyais pas faire avocat ou magistrat, ce n’était pas sérieux , tente de plaisanter l’homme rondouillet.
– C’est dommage, souligne le président, narquois. En passant votre maîtrise, vous auriez appris ce qu’est le proxénétisme aggravé."
Au sujet du fonctionnement des maisons closes, tolérées dans un certain cadre par la loi belge, le discours de Dodo la Saumure est bien rodé : "Toutes les filles sont indépendantes, elles viennent quand elles veulent. Nous leur louons des chambres à un prix raisonnable, 20 ou 30 euros, quand elles ont un rapport avec un client.
– Et vous appelez cela une location de chambre ? s’étonne judicieusement le président.
– Oui. S’il y avait deux rapports, c’était 80 euros.
– Oui, donc vous ne louez pas la chambre, c’est au nombre de rapports...”
Le comportement de Dodo la Saumure n’a jamais vraiment été sujet à caution. Il a même créé une association, Marie-Madeleine, à Tournai pour aider les jeunes femmes à trouver à se loger ou une école à leurs enfants. "Si elle a un peu de confort, elle reste un peu plus longtemps", explique le proxénète, décidément très pragmatique.
Les prostituées, de la viande sur des esses
Pourtant, le tableau, un brin sympathique, dépeint par Dodo la Saumure est remis en cause par l’une des parties civiles, Jade : "Je n’ai jamais rien reçu des clients directement. C’est la gérante qui encaissait et après on percevait nos gains." Si elle admet qu’elle a travaillé en indépendante, comme le prévoit la loi belge, beaucoup de Françaises n’avaient pas ce statut.
Au club Madame, les choses n’étaient pas si idylliques, loin de là. "Les filles étaient dans des chambres, entassées. Moi, je préférais la cave. Quand un client arrivait, on nous sonnait. On descendait dans la cuisine pour se préparer et ensuite on nous présentait comme de la viande sur des esses. Il y avait de tout : des petites, grandes, grosses, maigres, blondes, black, rousses. Il fallait de la variété." Les mots sont difficiles, mais Jade parle d’une voix claire.
Kojfer, le “guignol”
Les relations de René Kojfer et Dodo la Saumure se résument à une amitié vieille de quarante-cinq ans. Visiblement, Dodo la Saumure aimait rabaisser son vieil ami, "pour plaisanter", et l’affubler de petits noms d’oiseau :
"Je l’appelais la honte de la communauté hébraïque de Lille, un grand lâche, le guignol.
– Ce n’était pas sympa”, lâche le président.
Sur le dossier même, Dodo la Saumure réfute toute accusation : "Je n’ai jamais influencé personne, insiste-t-il. Kojfer a pris directement contact avec Jade, il la connaissait car il l'avait rencontrée au bar. Moi, ce n’était pas dans mon intérêt de la voir partir à Lille…”
Au sujet du mal-être des prostituées, l’homme déclare : "Si toutes les entreprises devaient refuser les gens fragiles, il y aurait beaucoup de gens au chômage."
L’interrogatoire prend fin. Dodo lui-même l’admet : "Je suis comme ça, je fais de l’Audiard." Pâle imitation, tout de même.
Les hôtels de Lille et des environs sont pleins, pour trois semaines. Figurez-vous qu’il y a près de 300 journalistes au tribunal
Pauvre France qui se rince l’oeil au procès DSK.