4ème journée
Les plaidoiries de la défense
A deux foulées du Nouveau palais de justice, l'affiche d'une exposition qui se tient au Centre d'histoire de la résistance et de la déportation interpelle : "Peuple tsigane - Le silence et l'oubli". En salle C du tribunal correctionnel, l'omerta qui avait court dans le réseau mafieux tsigane - suspecté de proxénétisme aggravé et association de malfaiteurs - a bel et bien été brisée.
Il est 9h30, un doux soleil brille. Dans le tribunal, des policiers en faction plaisantent entre eux, les avocats blaguent. Certains font les cent pas, répétant leur plaidoirie. C'est à la défense de clore ce procès de l'infâme. Dans le box des accusés, Ilie Gologan, le chef présumé, a une sale tête.
Ce matin, ce sont les "petites peines" qu'on défend. Tour à tour, les avocats plaident la relaxe : Gabriela Ferrariu, à la double casquette de proxénète et de prostituée, repartie en Roumanie malgré son contrôle judiciaire; Jasmin Gusinac, un jeune yougoslave qui s'est retrouvé plus ou moins impliqué dans le réseau, "par amour" pour une des filles; Paula Mandash "qui n'est même pas dans l'organigramme" du clan; le gérant de l'hôtel Formule 1 de Saint-Priest où certains des proxénètes avaient leurs habitudes; Mihela Trofin, l'un des deux mères maquerelles présumées, qui "n'a fait qu'obéir aux ordres"; et enfin Constantin Cristian Blilauca, qui devait s'occuper de surveiller les filles et que son conseil juge "plus bête que méchant" et alcoolique chronique.
La matinée s'achève. Ilie Gologan, Robert Chiriac, Ilie Nicai et Ionel Ciurariu, la tête pensante et les lieutenants du clan, quittent la salle, menotées les uns aux autres. Tous à la queue-leu-leu, ils ricanent.
Les failles du dossier
14h30, reprise des débats. C'est le temps des vrais méchants. Robert Chiriac, trapu aux cheveux noirs tirés en arrière. Son avocat parle de "sentiment bizarre", soulignant les "incohérences du dossier". On lui reproche d'être le proxénète de sa petite amie. "J'en doute" lance l'avocat. Relaxe demandée. Vient le tour de Ilie Nicai, grand gabarit à la mine patibulaire. "On l'a jeté en pâture. Ce n'est pas le lieutenant dont on a parlé, ni le recruteur. Il y a des absents à ce procès, et du coup, tout retombe sur cet homme là". Ces absents en question, l'avocat d'Aurika Popescu, une des maquerelles du clan, en parlera longuement. Notamment Irina Gologan, nièce de Ilie Gologan, qui devrait être jugée en octobre à Lyon. "Dossier tronqué". "Aurika Popescu n'est qu'un fusible. Elle n'est peut-être pas une mère attentionnée, mais elle n'est pas proxénète pour autant". Il est 15h17. Quatre jeunes hommes rejoignent les parties civiles. Regards vers le box. "Laissons s'installer les nouveaux" ironise le président. L'interprète se rapproche alors de Ionel Ciurariu, considéré comme "le coupeur". Après une analyse détaillée des lois roumaines en matière de prostitution et de proxénétisme, son avocate explique qu' "on a là un petit voleur tant au niveau du porte-monnaie que de l'esprit". "Quand on arrive en Roumanie, on a l'impression que c'est le Moyen-Âge de la femme. Cela explique certaines déclarations de Ciurariu, sans pour autant vouloir les amoindrir". Et d'ajouter : "il n'y a aucune preuve des terribles violences dont il est accusé."
Les sourires du Président
Il est 15h54. Me Christophe Buttin s'approche à la barre. Ilie Gologan est impassible. Pendant 1h15, le brillant avocat tente de faire tomber la réputation de "parrain" de Ilie Gologan. Sa plaidoirie se base sur deux faits : d'une part, les accusations sont fondées sur deux témoignages de prostituées "pas tout à fait suffisants pour entrer en culpabilité", d'autre part sur une complexe histoire d'amour à trois entre Ilie Gologan et deux prostituées jalouses l'une de l'autre. A écouter Me Buttin, Ilie Gologan ne roule pas sur l'or mais a un quotidien ce qu'il y a de plus miséreux. Le président Fernand Schir esquisse un sourire. Les parties civiles et une partie de l'assistance aussi. "Ilie Gologan est victime d'un effet de masse dans sa réputation". Me Buttin demande de revoir la peine de 10 ans requise contre Ilie Gologan, et de ne pas "se fier" au jugement de Paris qui a récemment condamné le principal prévenu à 6 ans de prison, dans une affaire similaire. "Paris vaut bien une messe" rétorque et conclut le président du tribunal. Il est 17h12, les accusés se lèvent et sont menotés. Jugement vendredi 16h.
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Lire la 2e journée : Princesse Diana
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Lire la 1ère journée : la gang des barbares