Les avocats de la défense, mais aussi des parties civiles veulent le renvoi du procès de Francis Heaulme, accusé du double meurtre de Montigny-lès-Metz. Le témoignage d'Henri Leclaire a viré à un interrogatoire de garde à vue, pendant plus de trois heures, devant la cour d'assises de Moselle.
"Vous avez vu comment cela s’est passé ce matin, cela ne peut pas continuer comme cela", estime Me Glock, l'avocate de Heaulme, à la sortie d'audience peu avant 13h. "Nous avons, au milieu du prétoire une personne accusée, pour ne pas dire mitraillée d’accusations. En tant qu’avocat, je ne peux pas accuser une personne au milieu d’une cour d’assises, s'il n’est pas défendu. Il est là comme l’agneau à l’abattoir." Son avocat n'a en effet pas pu intervenir durant l'interrogatoire, et confié aux journalistes que l'on s'orientait vraisemblablement vers une mise en examen de son client.
Henri Leclaire, témoin ou accusé ?
Ce matin, le président Steffanus n’a pas été tendre avec Henri Leclaire. L’homme au front dégarni, trapu, désormais âgé de 66 ans, parle peu. Inlassablement, il répète "je ne me rappelle plus". Il nie avoir été présent ce jour, près du talus, lui qui avait pourtant l’habitude de surveiller les bennes de son entreprise d’imprimerie le week-end. Même Ginette Beckrich, la grand-mère d’une petite victime, affirme, encore aujourd’hui à la barre, l’avoir vu ce dimanche. Steffanus s’acharne, hausse le ton. "Mais vous dites n’importe quoi", tonne-t-il, en lisant les aveux de Leclaire à l’époque. "Quand dites vous la vérité ?"
Le président demande alors à Francis Heaulme de s’exprimer, l’accusé oublié d’une matinée d’audience étonnante. Il le fait même sortir du box, pour mieux l’entendre. "J’ai vu un homme, descendre en courant le talus, avec du sang", explique le tueur en série. "J’ai vu deux personnes, deux enfants. J’ai eu peur et je suis parti", affirme-t-il. "C’est cet homme que vous avez vu ?" demande le président en désignant Henri Leclaire.
- "Oui", répond Heaulme en regardant Leclaire.
Le témoin surprise
Le nouveau témoignage de Marie Christine Blintauer, épouse d’un avocat, défait un peu plus Henri Leclaire, et y révèle ses propres contradictions. Il y a environ 2 ans, l’homme, chargé de lui porter ses courses, vient chez elle. Et il se confie, explique-t-elle. Il évoque l’affaire de Montigny-lès-Metz, qui "lui a ruiné la vie". L’homme lui explique qu’il a peur d’une réouverture du procès, lui qui n’a pas été mis en cause dans cette affaire. Et il raconte son travail, il était chargé de vider les bennes.
"Il me raconte que des enfants gênaient son travail. Il s’en est pris à eux, mais, me dit-il, il ne les a pas tués !", affirme cette femme d’une cinquantaine d’années. Elle raconte qu’elle commence à avoir peur, Leclaire devenant plus énervé, "rouge de confusion". "Il mimait les gestes", dit elle en serrant les poings et les secouant. Interrogée sur son silence depuis deux ans, elle explique que son époux, avocat, lui a dit de ne rien dire. "Je regrette de ne pas avoir parlé plus tôt", avoue-t-elle.
Les méthodes contestées du président
Plus de trois heures d’audience, et pas de suspension. Le Président poursuit son interrogatoire, comme dans une garde à vue. "Ne croyez-vous pas qu’il est temps de parler ?", demande-t-il, encore au témoin. "Ce n’est pas moi qui les ai tués". "C’est un accident, c’est ça c’est un accident ?", insiste le magistrat. Silence. "Ben je ne sais pas, je n’étais pas là", répond enfin Leclaire.
Invitée à interroger le témoin, Me Glock s’y refuse : "Je n’ai pas l’habitude de participer à la curée. Ce procès est illégal". Car depuis ce mardi matin, c’est au procès d'Henri Leclaire auquel on assiste. Pas celui de Francis Heaulme.