Procès Jamel Leulmi : la défense avance ses pions

Le deuxième jour du procès de Jamel Leulmi s’est tenu devant la cour d’assises de l’Essonne. Après une matinée consacrée aux témoignages de ses parents et de l’une de ses sœurs, les gendarmes ont détaillé l’enquête judicaire menée à la suite de la plainte pour vol de Julie Derouette, en juin 2010.

L’après-midi consacré à l’audition des gendarmes-enquêteurs chargés de mener le dossier a finalement été riche en enseignements. Deux OPJ de gendarmerie ont expliqué le processus de mise en relation des différentes enquêtes : la plainte pour vol de Julie Derouette, son accident de voiture au Maroc, la souscription aux assurances décès, la fouille dans le passé de Leulmi et, le cas échéant, la découverte du décès de son épouse Kathlyn dans un accident de la route en janvier 2007.

“Pour avoir un meurtrier, encore faut-il un meurtre !”

Du contre-interrogatoire mené par Me Dupond-Moretti et Me Kaminsky, on devine les contours de leur défense pour affirmer l’innocence de leur client. L’avocat lillois ne cesse de prononcer le terme “accident”, comme un leitmotiv pour persuader les jurés. Il veut faire voler en éclats la théorie du meurtre déguisé en accident : "Il faisait nuit noire, tous les témoins expliquent qu’on ne pouvait pas faire la différenciation entre la personne en premier sur le vélo et la seconde", évoque-t-il en lisant les conclusions de l’enquête menée à l’époque. De sa forte voix, il avance : "Pour avoir un meurtrier, encore faut-il un meurtre !"

Face au ténor du barreau, les gendarmes restent stoïques, une enquêtrice esquisse même un sourire.

Une enquête défaillante ?

Par ailleurs, Me Dupond-Moretti tend à décrédibiliser les dires de Julie Derouette. L’avocat évoque les SMS de la jeune femme adressés à Jamel : "Ben, bon voyage, marie-toi et je m'en tape", cite-t-il. Il reproche aux enquêteurs de ne pas avoir suivi la piste des appels téléphoniques faits par Julie au Maroc et adressés à trois personnes différentes. Me Kaminski s’interroge sur la non-venue des gendarmes à Casablanca, la ville où Jamel Leulmi prétend être le jour de l’accident de Julie. Les avocats visent ainsi, selon eux, une enquête bâclée et en soulignent les nombreuses failles.

Le matin même, des témoignages des parents et de la sœur aînée de Leulmi, il ressort deux informations : pour ses proches, Jamel Leulmi est le héros de la famille, forcément innocent, et le caractère décidément très secret du mariage entre Jamel et Kathlyn, qu’il épouse civilement en novembre 2006.

“Mon frère est un homme très beau”

Jamel Leulmi suscite l’extrême admiration de sa famille. Pour son père, aidé d’un interprète comme sa mère, "mon fils, il travaille bien". Pour sa sœur aînée, Sabrina, dont il se dit très proche, "c’est vraiment un homme très beau, répétera-t-elle plusieurs fois. Mais, dans cette famille musulmane pratiquante, il est préférable qu’un fils épouse une jeune femme "venue du Bled", comme l’explique sa mère. Celle-ci, comme son époux, voyait d’un mauvais œil les conquêtes de Jamel.

Une ombre nommée Kathlyn

Ainsi Kathlyn Vasseur, qui habitait le même immeuble que la famille Leulmi, ne vient jamais chez ses beaux-parents. Tout comme sa propre mère n’apprendra qu’à sa mort la vérité sur son mariage avec l’enseignant. La propre sœur de Jamel, Sabrina, a cette phrase étonnante : "Je ne l’ai pas connue de son vivant." Pourtant voisine avec la jeune femme, elles ne font qu'échanger des politesses. Visiblement très occupée par la préparation d'un concours, elle ne prend pas le temps de lier connaissance. Kathlyn était comme une ombre, son mariage aussi, une noce célébrée avec deux témoins et qui se termine dans une pizzeria.

La famille de Jamel Leulmi décrit un homme dévasté par la mort de son épouse, "empêtré dans son mutisme". Selon son avocat, il en avait perdu la voix. De sa relation avec Céline D., Sabrina dit comprendre les liens qu’ils ont pu développer, elle et Jamel. Après le décès de Kathlyn, "elle a su trouver les mots car il était inconsolable. Pendant deux ans, il était impossible de lui parler", insiste-t-elle. "Pour mon frère, il y aura toujours Kathlyn dans son cœur, Céline le sait et elle vit avec", conclut-elle. Cette jolie brune, à peine plus âgée que son frère, qui se dit "émancipée", est allée jusqu'au Maroc en octobre 2010 pour recueillir des informations au sujet de l'accident de Julie. "Ça n'avançait pas en France", avance-t-elle, décidée à prouver l'innocence de son frère.

Dès mercredi matin, les témoins d’environnement de l’accusé seront entendus par la cour d’assises, notamment son actuelle compagne, Céline D., cadre dans une grande enseigne de distribution. Elle n’a jamais souscrit d’assurance décès au profit de Jamel Leulmi, avec lequel elle est mariée religieusement. Elle fut un temps inquiétée par la justice pour un rôle éventuel dans cette affaire, avant d’être totalement mise hors de cause.

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