Jugé depuis ce mardi matin, Bernard Preynat, accusé d’agression sexuelle sur plusieurs mineurs de moins de 15 ans au moment des faits, a avoué avoir commis des agressions tous les week-ends “pendant vingt ans”. Durant les camps de scouts, il pouvait y avoir jusqu’à cinq victimes par semaine.
Après un premier jour d’audience reporté en raison de la grève des avocats, le procès Preynat a bien débuté ce mardi. Face aux victimes, le prêtre pédophile a exprimé ses excuses et des remords. Pour la première fois aussi, Bernard Preynat a avoué l'étendue des faits qui lui sont reprochés. “Ça arrivait presque tous les week-ends. Parfois, il n'y avait rien. Parfois, le samedi après-midi, il pouvait y en avoir un ou deux [enfants]”, lâche-t-il à la barre.
“Ça pouvait être plus ? interroge la juge.
– Je ne pense pas qu'il pouvait y en avoir plus, assure le prêtre.
– Et durant les camps, c'était tous les soirs ?
– Non, ce n'était pas tous les soirs. Par exemple, pendant un camp d'une semaine, il pouvait y avoir cinq enfants.
– Ça fait pratiquement tous les soirs !”
La magistrate poursuit.
“Et ça pendant vingt ans ?
– Oui.”
L’armure des victimes se fend
Pendant la matinée, François Devaux et M.F. ont été interrogés sur les faits qu'ils ont subis il y a vingt ans. Des caresses sur la cuisse, dans le slip pour le second (ce que Bernard Preynat conteste), des bisous, sur les paupières et la bouche. Le prêtre avoue, minimise certains gestes, mais ne conteste pas les versions des victimes. Les parties civiles évoquent leur jeunesse brisée. Leur impossible reconstruction affective. François Devaux, plus prolixe pour parler des autres que de lui-même, relate pour la première fois ses échecs scolaires, sa recherche permanente du danger, sa tentative de suicide, la douleur qu'a été son adolescence pour ses parents, ses frères et sœurs. “Avec ce procès, je vis le moment le plus dur depuis le début de cette affaire, en 2015. Ce que l'on fait là, c'est une thérapie familiale”, lance le fondateur de La Parole Libérée.
Le prêtre dit ne pas avoir eu conscience de blesser, à l'époque. Me Jean Boudot, l'avocat de M.F., lui demande de préciser.
“Pour moi, c'était des câlins et des caresses. Effectivement, il s'agit d'agression sexuelle, je le sais maintenant. Et je le reconnais. Je pensais à l'époque que le fait de ne pas toucher le sexe ce n'était pas une agression sexuelle. C'était une erreur et je le reconnais aujourd’hui.
– Qu’est-ce qui vous a fait comprendre que c’en est une ? demande l’avocat.
– C'est l'accusation qui m'est faite de la part de la victime. C'étaient des enfants de 10 ans, face à l'adulte. Face au prêtre que j'étais. Ils n'avaient pas de défense.”
La juge reprend.
“Il faut que ce soit les victimes qui vous le disent. Vous n'aviez pas conscience qu'il ne fallait pas toucher le sexe, les fesses ou les cuisses d’enfants ?
– Je savais que ces gestes étaient interdits.
– Pourtant, ce n'était pas une agression sexuelle dans votre esprit ?
– Pour moi, c'étaient des gestes interdits à faire devant les parents ou en public. Donc, comme c'était en cachette, c'était interdit. Mais la qualification d’agression sexuelle, je ne la savais pas.”
Me Boudot le reprend de volée : “Monsieur Preynat, ce n'est pas parce que c'est en cachette que c'est interdit, mais c'est parce que c'est interdit que c'est en cachette.”
Il le questionne de nouveau.
“Aviez-vous un plaisir sexuel ?
– Oui, effectivement, il y avait un plaisir sexuel de ma part.
– C'était donc une démarche à caractère sexuel pour vous ?
– Maintenant je le reconnais.
– Vous parlez d'immoralité, donc c'était sexuel. À l'époque, vous en aviez déjà conscience. Sinon, quel intérêt de se cacher ?
– Je l'admets tout à fait. Mais il y avait une différence dans ce que je pensais à l'époque et maintenant. J'avais tout de même conscience que c'était interdit puisque je le faisais en cachette.”
“Je suis bouleversé en moi et dans mon cœur”
Avant l’interruption de séance à midi, Bernard Preynat est rappelé à la barre. M.F. vient de regretter son manque d’émotion lorsqu’il a présenté ses excuses. Le prêtre lui répond : “Je peux dire que je ne suis pas d'un tempérament qui exprime facilement ses sentiments. Quand je le fais, ça peut apparaître parfois simplement dans des mots. Je suis bouleversé en moi et dans mon cœur par ce que viennent de dire MM. Devaux et F. Ce ne sont pas que des mots. Je le pense vraiment.”
L'audience reprendra à 13h45 par un huis clos partiel, à la demande d'une des victimes qui n’a pas souhaité que son nom soit médiatisé. D’autres parties civiles se succéderont à la barre ce mardi après-midi et mercredi matin. Le prêtre, interrogé sur les faits avant chaque audition d’une nouvelle victime, sera personnellement questionné sur le fond du dossier demain. Le rôle de sa hiérarchie et le contexte de la paroisse de Sainte-Foy-lès-Lyon seront évidemment évoqués.