RÉCIT - C’est un Stéphane Moitoiret bavard qui s’est exprimé devant la cour d’assises du Rhône. Accusé du meurtre du petit Valentin en 2008, l’homme était jusqu’alors presque muet, parlant par onomatopées lors de son premier procès.
Cette première journée a été consacrée au curriculum vitae des accusés et non pas aux faits mêmes. Clairement, qui sont-ils ?
Moitoiret s’exprime, enfin
Le président commence à interroger Stéphane Moitoiret, sur sa famille. Peu à peu, l’accusé semble s’habituer à parler, chose dont il était incapable en première instance, lors du procès à Bourg. Sur sa famille, "je ne voulais pas les voir car je n’aimais pas le beau-père" ; sur son père, "il habitait dans la maison de ma grand-mère, il créait des inventions, il cherchait pour colmater des appareils pour les os des mains cassées". Les phrases sont malmenées certes, mais il s’exprime. Le président Taillebot l’interroge sur l’armée, là aussi il se dévoile, disert : "Je n’aimais pas l’armée, cela ne me plaisait pas, je ne voulais pas y aller."
Au sujet de sa rencontre avec Noëlla Hégo, elle-même jugée pour complicité d’assassinat, cette fois l’accusé a du mal à exprimer ses sentiments envers elle. En revanche, il s’exprime volontiers au sujet de leur propre enfant, une petite fille née en 1991 : "On n’a pas eu le temps de la connaître. On a créé des problèmes, on a préféré faire une adoption secrète. On avait acheté plein d’affaires, avoir un enfant c’est un rêve", termine-t-il, la voix rauque.
“Je crois en la réincarnation, au karma…”
Étrangement, lorsque le président l'interroge sur ses prétendus voyages en Italie, aux États-Unis voire en Australie, lui qui se dit “roi d’Australie”, Stéphane Moitoiret ne répond pas : "Je préfère ne pas en parler, cela ne m’intéresse pas."
“Et vos loisirs, lance le président. Vous faites quoi en prison ?
– Je lis le livre Le Seigneur des anneaux, je trouve cela magnifique !”
Presque involontairement, Me Gilbert Collard lance Stéphane Moitoiret sur son délire mystique en lui posant la question sur sa phrase sur les enfants.
"Pour les hommes, leur rêve c’est de fonder une famille, avoir un enfant, avoir une belle maison ; mais Dieu en a décidé autrement." Le discours de Stéphane Moitoiret avance, étrangement cohérent à travers des propos hallucinés, devant une salle d’assises médusée, parfois souriante.
“Je crois en la réincarnation, quand Dieu crée une créature, on est très sophistiqué”, explique-t-il très sérieusement devant un président ébahi.
Dans son discours, il fait une rapide référence au meurtre du petit Valentin : "Je me suis rappelé d’une chose, en prison à Corbas : on me disait dans le futur que j’allais avoir un problème avec la mort d’un enfant qui s’appelle Valentin."
“Même si je parle, cela ne va pas changer grand-chose à la sentence”
C’est au tour des avocats de la défense d’interroger leur propre client.
“Pourquoi on en est là ? lance Me Berton.
– Pour qu’il y ait une meilleure justice pour moi. Je parle quand même, mais cela ne changera pas grand-chose à la sentence, lance Stéphane Moitoiret avec lassitude.
– Vous êtes bavard, fait remarquer son avocat.
– Je vais mieux par rapport à avant. Je ne trouvais pas mes mots lors du premier procès.”
Si bien que Stéphane Moitoiret estime que son avocat, ténor du barreau, est "défaillant". Me Berton lit une lettre de l’accusé adressée à sa mère. "Cela est tout à fait déplacé, Me Berton, lâche Moitoiret. On ne lave pas son linge sale devant tout le monde. Franchement, je préfère la mentalité des avocats américains. Franchement, je trouve que vous m’enfoncez.”
Cela ne l’empêche pas de continuer dans son histoire alambiquée, savamment entretenue par ses propres avocats. “Pouvez-vous nous décrire votre parcours mystique ?” demande Me Delarue.
Même le président s’y perd : “Elles vous viennent d’où, toutes vos croyances ?
– De mes vies antérieures.
– Ah ! fait le président.
– C’est gros, ce que je vous raconte, mais il y a des obligations divines où il faut sacrifier des innocents. Comme un saint, les saints ont souffert… Enfin, j’ai perdu le fil de l’aiguille…”
La partie civile ébranlée par l’attitude de Moitoiret
La salle aussi, les jurés et le président sans doute. Face à cette nouvelle attitude de Stéphane Moitoiret, les parties civiles ne sont pas dupes. "Il veut se faire passer pour un fou, tonne, furieux, Me Collard lors de la suspension d’audience. La maman du petit Valentin estime elle aussi qu’“il ne faut pas se laisser abuser” par cet autre Stéphane Moitoiret.