Vendredi 24 février, le militant italien Vincenzo Vecchi, sera jugé pour la troisième fois en appel, à Lyon, dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen émis en 2016. L'homme est poursuivi pour avoir participé aux manifestations altermondialistes de Gênes en 2001.
La salle de réunion de l'ordre des avocats dans le 3e arrondissement de Lyon était comble ce jeudi matin. Ligue des droits de l'Homme, militants associatifs, comité de soutien et avocats, tous étaient mobilisés pour "le sauvetage de la liberté de Vincenzo Vecchi".
Militant altermondialiste Italien, l'homme aujourd'hui âgé de 49 ans, a participé aux manifestations du 20 juillet 2001 à l'occasion du sommet du G8 à Gênes. Elles rassemblèrent environ 300 000 personnes, et la répression y fût particulièrement violente. Un homme, Carlo Giulani, y perdit la vie et des centaines de blessés furent à déplorer.
"Il faut sauver Vincenzo de la terrifiante et effroyable injustice dans laquelle on essaye de le conduire."
Pascale Jaouen, soutien de Vincenzo Vecchi, ancienne avocate et magistrate
L'Italie décide d'arrêter dix personnes, s'appuyant sur la loi "dévastation et pillage", une loi promulguée sous Mussolini par le ministre de la Justice Alfredo Rocco. Elle permet, entre autres, de réprimer un citoyen par simple "concours moral" à un trouble à l'ordre public.
En 2012, après avoir passé un an en détention provisoire, cette loi fasciste permet ainsi de condamner définitivement le militant à 12 ans et demi de prison. La seule preuve à charge : un photo du militant avec du mobilier urbain. Anticipant une peine démesurée, Vincenzo Vecchi s'était déjà réfugié en Bretagne.
Deux pourvois en cassation
En 2016, l'Italie émet deux mandats d'arrêts européens à l'encontre du militant altermondialiste. Cette "affaire emblématique pour nos libertés fondamentales", selon les mots de Pascale Jaouen, ancienne avocate puis juge, a déjà été jugée à deux reprises. En 2019, la cour d'appel de Rennes ordonne la remise en liberté de Vecchi, estimant que le code pénal avait été violé au cours de la procédure.
Le parquet général se pourvoit alors en cassation, la juridiction suprême casse l'arrêt de Rennes et renvoie l'affaire devant la cour d'appel d'Angers. Cette dernière refuse elle aussi la remise de Vecchi à l'Italie, estimant que la loi "dévastation et pillage" n'a pas d'équivalent français et que la peine prononcée à son encontre est disproportionnée.
"Un danger pour tous les citoyens européens"
Une fois encore, le procureur général se pourvoit en cassation, un choix politique pour les soutien du militant (en France, le procureur est sous l'autorité du ministère de la Justice) et l'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Lyon, ce vendredi 24 février.
Si la mobilisation est si forte pour Vincenzo Vecchi, c'est parce que cette affaire "est un danger pour tous les citoyens européens, insiste Pascale Jaouen. Il faut sauver Vincenzo de la terrifiante et effroyable injustice dans laquelle on essaye de le conduire." D'autant que le crime de "dévastation et pillage" retenu contre les dix manifestants incriminés "n'avait pas été utilisée depuis 76 ans", rappelle Me Maxime Tessier, l'un des conseils de Vincenzo Vecchi. A titre de comparaison, la France a connu par deux fois une loi "dévastation" dans son histoire. En 1832, pour réprimer l'insurrection républicaine de Paris, puis en 1960 pour "pacifier l'Algérie". Dans les deux cas, ces "infractions profondément politiques" étaient punies de la peine de mort.
Une peine non proportionnelle
"Nous demandons à la cour d'appel de Lyon de mettre fin à cette injustice", ajoute-t-il. Les conseil du militants dénoncent un dévoiement du mandat d'arrêt européen, "un outil qui ne repose plus sur les valeurs qu'il a construites", détaille Me Catherine Glon, conseil de Vecchi et bâtonnière du barreau de Rennes, au premier rang desquelles la proportionnalité de la peine, pourtant consacrée à l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
L'audience débutera ce vendredi à 11 h au palais des 24 colonnes. Le décisions devrait être rendues dans les prochaines semaines. De nombreux avocats venus de toute la France sont attendus, "tous très inquiets", assure Me Catherine Glon.