Le centre territorial éducatif et d’insertion de Vénissieux, qui accueille chaque jour des jeunes délinquants de 16 à 18 ans, nous a ouvert ses portes.
"J'ai oublié de mettre le sucre avant de découper le gâteau !" s'exclame Guillaume*, embarrassé. Le jeune homme en baskets, un tablier blanc noué sur son survêtement, s'empresse de parsemer de sucre glace, une à une, chacune des 100 mignardises qu'il a préparées toute la matinée. "Aujourd'hui, c'est portes ouvertes au centre !" poursuit le jeune homme, toujours affairé.
Ambiance des grands jours donc au centre territorial éducatif et d'insertion de Vénissieux où, à l'occasion des 70 ans de la Protection judiciaire de la jeunesse (institution qui organise le suivi judiciaire des mineurs), on recevait en grande pompe des élus, des acteurs de la justice et des journalistes de la région.
Apprendre aux jeunes à structurer leur vie quotidienne
Pour superviser la préparation du buffet par les adolescents accueillis ici, Marion, la trentaine, nous reçoit le sourire jusqu'aux oreilles. L'animatrice de l'atelier cuisine, l'un de ceux qui rencontrent le plus de succès, explique : "En plus de préparer leur insertion sociale par le travail, notre objectif premier est de réapprendre à ces jeunes l'essentiel pour vivre en société : la politesse, le respect des horaires... Mais aussi leur réapprendre à structurer leur vie quotidienne."
C'est que les 24 jeunes de 16 à 18 ans – une fille et 23 garçons – accueillis quotidiennement au centre, en application d'une décision de justice, cumulent les difficultés : déscolarisés souvent depuis plus de quatre ans, ils sont généralement issus de familles modestes, monoparentales et en grande fragilité. De multiples infractions à la législation sur les stupéfiants ou des condamnations pour vol remplissent déjà leurs casiers judiciaires.
Un suivi sur 3, 6 ou 9 mois
Franck est en charge des ateliers menuiserie et horticulture. Il décrit avec passion son travail quotidien au centre, qu'il exerce depuis plus de cinq ans : "Les jeunes sont accueillis ici pour trois, six ou neuf mois, et signent dès leur arrivée une convention de stagiaire de la formation professionnelle en vertu de laquelle ils sont payés 130 euros par mois [330 euros pour ceux de 18 ans, NdlR]. Le jeune suit alors un emploi du temps hebdomadaire adapté, préparé par son animateur référent, et participe à différents ateliers d'une demi-journée : remise à niveau en français, cuisine, informatique, découverte des métiers du bâtiment, etc.”
“Il faut valoriser ces jeunes en permanence. Ça ne leur est jamais arrivé”, affirme la psychologue de l'établissement, qui animera d'ici quelques semaines le nouvel atelier théâtre. Et de poursuivre : “Dans leur vie quotidienne, ce sont les vilains petits canards. Les dérives qui les ont conduits ici ont pour origine directe ce manque de confiance en soi !” Ce que confirme Yacine, en charge du sport : "Le sport nous ouvre un terrain favorable pour entamer un vrai travail de fond sur leur confiance."
Dans le couloir qui conduit au réfectoire, les textes de loi affichés rappellent que l'on se trouve bien dans une institution judiciaire. Mais c'est vrai que l'on tendrait bien vite à l'oublier. Non seulement à cause du mantra “Partager, apprendre à vivre ensemble” placardé çà et là, mais également à cause des rires et des traits d'humour auxquels se livrent les jeunes avec leurs invités. Appliqués à servir des brochettes de poulet, ils préparaient depuis dix jours ce “buffet”, un mot qui jusqu'alors n'évoquait rien pour eux, mis à part pour certains une pièce de mobilier.
Un véritable lieu de vie
Ici Hassan*, debout sur une chaise, photographie l'assemblée avec l'appareil prêté par notre photographe. Là, Frédéric* détaille à un élu local les ingrédients composant la verrine de légumes qu'il est en train de déguster. Educateurs, jeunes et visiteurs discutent plusieurs heures dans un brouhaha généralisé.
Alors que l'après-midi est déjà bien entamé, l'on s'affaire à remettre en état le réfectoire qui, une fois par semaine, deviendra “La table de Vénissieux”, une table d'hôte ouverte aux habitants du quartier. Un nouveau projet tenant à cœur aux animateurs, qui prennent bien soin d'en faire la publicité et de distribuer autocollants et prospectus auprès de leurs invités.
“Ici, c'est un vrai lieu de vie”, souligne M. Boudjaja, éducateur en établissement pénitentiaire pour mineurs, en remplacement, pour quelques semaines encore, au centre de Vénissieux. Loin de la prison, ce qu'il apprécie ici c'est “la liberté” dont bénéficient ces jeunes, qui ont échappé à l'incarcération et qui, finalement, ne sont plus si loin du retour à la vie “normale”.