Ludovic Ouvry
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Armement : "nos PME ne voient pas énormément de commandes pour l'Ukraine"

Ludovic Ouvry, président du cluster Eden qui regroupe des PME de la défense, est l'invité de 6 minutes chrono.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, en février 2022, les ventes d'armes dans le monde progresse. Mais cette embellie économique ne ruisselle pas vers tous les acteurs de l'industrie de l'armement. "Nos PME ne voient pas énormément de commandes pour l'Ukraine, ce qui n'est pas le cas des grands groupes. Il faut bien voir que les donations qui sont faites par la France à l'Ukraine sont des contrats d'État à État et pas des contrats de droit privé d'industriels vers l'Ukraine", constate Ludovic Ouvry, président du cluster Eden qui regroupe des PME de la défense.

Cet entrepreneur lyonnais souligne, en revanche, la force du tissu industriel : ". On a on a vraiment une capacité de production souveraine française sur le territoire national, on va dire 70 % des capacités. Sur des capacités qui ne sont pas stratégiques, la France peut s'appuyer sur plusieurs fournisseurs étrangers. Certaines filières sont parfois abandonnées. On ne peut pas être bon partout". Il note toutefois que des relocalisations sont à l'étude comme la relance de fusils militaires par le groupe Verney-Carron dans la Loire.

La retranscription intégrale de l'entretien avec Ludovic Ouvry sur l'industrie de l'armement

Aujourd'hui nous accueillons Ludovic Ouvry. Vous dirigez le groupe Ouvry qui est une entreprise notamment qui fait des des textiles, des vêtements de protection qui servent parfois à des militaires. Et c'est le sujet de notre émission. Vous dirigez aussi le cluster Eden qui regroupe des PME du secteur de la défense. On voulait évoquer avec vous cette industrie de la défense et de l'armement puisque depuis le début de la guerre en Ukraine, beaucoup d'armement sont livrés aux Ukrainiens. On se posait la question de savoir si ça profitait aux entreprises françaises entreprises de l'armement et plus particulièrement aux entreprises de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Est ce que vous constatez, vous, depuis un peu plus d'un an que la guerre a commencé une hausse de vos commandes ? 

Au niveau des commandes pures, il faut être très clair, c'est que nos PME ne voient pas énormément de commandes pour l'Ukraine, ce qui n'est pas le cas des grands groupes. Il faut bien voir que les donations qui sont faites par la France à l'Ukraine sont des contrats d'État à État et pas des contrats de droit privé d'industriels vers l'Ukraine. Donc à qui profite la plus part aux grands groupes de défense français. 

Par exemple ici, nous on a dans la région le groupe Nexter qui fabrique les canons SESAR. Donc eux, finalement, ils vont reconstituer les stocks de l'armée française, puis c'est l'armée française qui donne à l'Ukraine. Mais l'Ukraine ne passe plus de commandes aux entreprises directement françaises ? 

Très peu. On a très peu d'activité directement aux entreprises françaises. Alors, vous l'avez dit, une société comme Nexter ou une société comme Thalès, des sociétés de l'armement comme MBDA vont profiter un petit peu, vont avoir une augmentation d'activité, ce qui est un vrai challenge pour eux parce qu'on leur montre qu'on leur demande de monter en puissance en cas de durcissement du conflit. Et évidemment, un certain nombre de PME sous traitantes de ces grands groupes vont voir leur carnet de commandes et leur une visibilité accrue. Mais c'est une minorité. C'est une toute petite minorité des sociétés, des 100 PME du cluster Aiden. 

Est ce que, en France, on a un appareil productif pour aller pas vers une économie de guerre mais en tout cas, est-ce que notre appareil productif peut permettre déjà de compenser le matériel qui a été donné à l'armée ukrainienne ? Et est ce qu'on a une vraie capacité de production ? 

Alors, on a évidemment, et c'est une particularité de l'industrie de la défense,. une capacité de production souveraine française sur le territoire national, sur on va dire 70 % des capacités, sur des capacités qui ne sont pas stratégiques, sur lequel la France peut s'appuyer, sur plusieurs fournisseurs étrangers. Là, c'est leur choix. Certaines filières sont parfois abandonnées, on ne peut pas être bon partout. 

Il y avait une filière de pointe dans la région et notamment dans la région stéphanoise qui était sur le fusil, le fameux FAMAS qui était fabriqué à Saint-Étienne à la manufacture d'armes qui aujourd'hui est fabriqué en Allemagne. Est ce que ça, on peut imaginer qu'il y ait des relocalisations ?

Sur ces filières là, on peut imaginer des relocalisations. Et d'ailleurs, un de nos adhérents à la société Verney Caron, travaille sur ces activités de relocalisation. Ça faisait partie des filières qui avaient été comme la munitions, la fabrication de munitions. Finalement, pourquoi remettre des fabrications de munitions alors qu'aujourd'hui en Europe, nous disposons de sept ou huit fournisseurs. La réponse  de la Direction générale de l'armement ou des grands stratèges du ministère de la Défense, c'est. On ne peut pas être bon partout finalement, on ne peut pas avoir un très bon porte avion, faire du spatial, avoir des nouveaux avions de chasse. Et il y a des capacités forcément qui ne sont pas prioritaires. Pour revenir à l'Ukraine, l'Ukraine c'est donc des commandes indirectement par les grands groupes. Mais la principale leçon de l'Ukraine, ça a été deux choses finalement qui sont importantes et qui sont positives pour nos PME. La première c'est je dirais un retour des banques qui qui montrait quelques quelques réticences à financer le secteur de l'armement en termes d'image, puisque potentiellement c'est une société d'armement qui fournirait des matériels ssur un conflit qui viendrait et pourrait constituer une perte d'image importante pour la banque. C'est ce qu'on observait dans les années 2020-21 et le 24 février a changé, a modifié ce paradigme. Et on a compris que le secteur de la défense, qui est un secteur qui s'ouvre, qui crée de l'emploi en France en plus, était finalement un secteur propre qui garantissait notre sécurité. Et les investisseurs reviennent. Donc ça, ça a été un effet, un effet positif, je dirais, de la guerre en Ukraine. Le deuxième effet positif, c'est exactement comme les masques pour la grippe aviaire, pour la grippe, pour le Covid, on l'a vu pour la grippe aviaire en 2008, on la revue pour le Covid et en 2008 et en 2020, on n'était pas prêt puisqu'on n'avait pas de stocks stratégiques. Et le ministère de la Défense est bien conscient, depuis le 24 février, qu'il faudra qu'il faut et qu'il faudra constituer des stocks de matériels pour pouvoir imaginer un conflit haute intensité pour pouvoir durer dans le conflit à haute intensité. Et ça, ça veut dire des commandes et une planification des commandes et donc potentiellement de la visibilité pour nos PME. Et la visibilité, c'est ce dont on a besoin pour piloter nos entreprises. 

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