Isabelle Bertolotti, directrice du Musée d'art contemporain de Lyon, est l'invitée de 6 minutes chrono.
Le Musée d'art contemporain de Lyon (MAC) a rouvert le 8 mars avec trois nouvelles expositions. L'une est consacrée à une toile récemment acquise par le musée aux dimensions atypiques et via un procédé d'acquisition qui l'est tout autant, par le crowdfunding. "J'avais vraiment envie qu'on mouille le plus de personnes possibles sur cette barque mais qu'on avait vraiment envie que ça se sache, que tout le monde se sente impliqué dans cette aventure là parce que c'est une vraie aventure et puis c'est un moment un peu solennel, un peu exceptionnel parce que 140 mètres c'est plus grand qu'un stade de foot, c'est immense et je crois qu'on n'arrive pas bien à imaginer la taille de ce que ça peut être. Pour l'instant c'est la plus grande toile au monde, la plus longue faite par une femme aussi", décrit Isabelle Bertolotti.
La retranscription intégrale de l'entretien avec Isabelle Bertolotti
Bonjour à tous et bienvenue, vous regardez 6 minutes chrono le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale et aujourd'hui nous accueillons Isabelle Bertolotti. Vous êtes directrice du Musée d'art contemporain de Lyon, le Mac qui a rouvert ses portes avec deux nouvelles expositions, il y en a notamment une de Sylvie Selig et avec une œuvre pour le moins atypique puisqu'elle mesure 140 mètres, vous l'avez acquise récemment, question peut-être simplement logistique, comment on expose une toile de 140 mètres de long ?
Alors d'abord on se pose quelques questions, on mesure et finalement on se dit qu'on va le tenter et ça rentre, donc on a fait alors un truc très simple, pas du tout numérique avec des bouts de ficelles comme on dit, avec une vraie ficelle, un plan et on a installé, on s'est dit ça devrait rentrer et après, astucieusement, on a modelé on va dire des accroches, un système qui fait que sur les 140 mètres de long, l'œuvre reste suspendue et le visiteur peut déambuler autour de l'œuvre.
C'est un cheminement autour de l'œuvre ?
C'est un cheminement parce que l'œuvre elle-même raconte le voyage de trois personnages sur une rivière et donc l'idée était de faire participer aussi le visiteur sur le plan de l'image qu'il a mentalement, mais aussi sur son corps, c'est-à-dire que lui-même se balade en parallèle, on va dire presque, des trois jeunes personnages qui sont sur la barque.
En fait, vous êtes l'ancêtre quasiment du dessin animé où on tournait les pages pour faire apparaître l'animation, c'est nous qui fabriquons le dessin animé en nous déplaçant ?
C'est un peu ça et c'est assez drôle parce qu'elle l'a conçu un peu comme un film, un peu comme une histoire, une aventure et on devient partie prenante de cette aventure en étant spectateurs, comme si on était un peu sur la rive pendant qu'ils sont sur leur barque, même s'ils accostent de temps en temps. On suit l'aventure jusqu'au bout de 140 mètres.
C'est une œuvre qui avait été acquise par le Musée d'art contemporain de Lyon par du crowdfunding. C'était un choix d'utiliser cet outil participatif ou c'est une nécessité pour acquérir des œuvres aujourd'hui quand on est à un musée ?
Alors c'est vrai que d'une part c'était une nécessité puisqu'on n'avait pas les financements suffisants pour l'acheter, mais en même temps c'était un choix parce qu'on aurait pu chercher des mécènes spécifiques qui nous auraient aidé sur cette opération là. Moi j'avais vraiment envie qu'on mouille le plus de personnes possibles sur cette barque mais qu'on avait vraiment envie que ça se sache, que tout le monde se sente impliqué dans cette aventure là parce que c'est une vraie aventure et puis c'est un moment un peu solennel, un peu exceptionnel parce que 140 mètres c'est plus grand qu'un stade de foot, c'est immense et je crois qu'on n'arrive pas bien à imaginer la taille de ce que ça peut être. Pour l'instant c'est la plus grande toile au monde, la plus longue faite par une femme aussi. Donc les deux choses m'intéressaient, c'est-à-dire vraiment essayer d'impliquer tout le monde sur cette aventure là.
Parce qu'aujourd'hui un musée comme le Musée d'Art Contemporain de Lyon, est-ce qu'il a les moyens financiers de pouvoir continuer à étoffer sa collection permanente puisqu'on voit le prix de l'art contemporain, les prix du marché atteignent souvent des sommes délirantes, est-ce que un musée municipal peut participer à cette course là ?
Alors sur cette course là, non, on a des budgets modestes mais on a pas mal de dons puisqu'en fait on soutient beaucoup d'artistes, les artistes nous font des dons, on a aussi des collectionneurs qui nous font des dons et puis on a des soutiens financiers aussi avec des personnes qui achètent directement pour nous un cercle d'amis qui nous financent aussi des acquisitions. Donc on essaye de trouver différents moyens d'enrichir les collections et là on avait trouvé cette idée d'être avec plein plein de gens qui n'ont pas forcément d'habitude envie d'acheter de l'art contemporain ou même l'idée de le faire et puis qui sur cette aventure là, pouvaient venir avec nous et on a fait l'ouverture vendredi avec les donateurs et beaucoup nous ont dit si vous recommencez, on est avec vous, on a envie de continuer l'aventure, donc c'était assez chouette.
Dans les nouvelles expos, il y en a aussi une où vous exposez finalement une partie de la collection d'un collectionneur de la région, Antoine de Galbert, il y a 250 oeuvres qui sont exposées, issues de sa collection. Quelles oeuvres comme ça vous conseilleriez au public de venir voir quelles pièces majeures sont présentes dans cet expo ?
Il y a des pièces extrêmement différentes qui vont presque du cabinet de curiosité, c'est à dire des grandes vitrines avec plein de petits objets très différents, des pièces plus monumentales dont une qui est par exemple un personnage qu'on voit de dos, mais on ne sait pas très bien dans une sorte de chambre avec un petit castor qui est en train de ranger la console qui est sur les côtés avec un petit bruit. Il y a à la fois des environnements, à la fois des installations avec des gros requins. Il y en a un peu un univers, j'allais dire presque pour les enfants et pour ceux qui ont d'imagination et en même temps qui parlent de plein de choses qui sont, je crois que ça s'adresse à tout le monde, donc on en trouve pour tout le monde et la collection que revendique Antoine d'ailleurs, c'est très ouvert sur des univers qui sont pour lui important dans sa vie à lui, mais qui s'ouvrent à tout le monde, donc c'est ça aussi qu'on a envie de défendre, c'est à dire des formes d'art très diverses avec des artistes très peu connus, des artistes beaucoup plus connus de tous les âges et avec toute forme de matériaux et de médium.