Joris Mathieu, le directeur du TNG, sur le plateau de Lyon Capitale, en mai 2022.

Culture : Joris Mathieu dénonce le climat de peur sur les subventions régionales à Lyon

Joris Mathieu, directeur du TNG à Lyon, revient sur la suppression de la subvention de la région à son théâtre dans 6 minutes chrono.

La réaction ne s'est pas faite attendre. Quelques jours après la publication d'une tribune dans Télérama pour dénoncer une politique de la terreur que ferait régner la région Auvergne-Rhône-Alpes sur le monde culturel, Joris Mathieu a vu sa subvention de 140 000 euros annulée par la vice-présidente du conseil régional en charge de la culture. "Il ne se reconnaît pas dans les choix de la Région, et donc nous retirons nos subventions à la structure", justifie-t-elle.

"A l'origine, cette tribune est une tribune syndicale publiée non pas directement dans la presse, mais sur le site du syndicat dont je suis élu au bureau national. Ce qui nous interroge aujourd'hui, c'est la la validité en fait d'une sanction prise sur une structure, sur un projet, sur une équipe, sur les habitants concernés par l'action de ce projet, non pas sur l'évaluation de critères objectifs de la qualité du projet ou de sa concordance avec les les intentions politiques de la région, mais bien sur la base d'une expression syndicale", s'interroge aujourd'hui Joris Mathieu.

La perte de ces 140 000 euros va amener le TNG à revoir selon son directeur des actions culturelles menées par la structure dans la région : "concrètement, ça représente une mise en danger de plus de 1000 heures d'intervention artistique et culturelle dans les établissements et notamment les lycées de toute la région, entre 20 et 30 représentations par an qui sont proposées en territoires ruraux, en lien avec des communautés de communes qui contribuent et collaborent avec nous sur notre projet, des artistes en résidence sur les territoires qui permettent d'installer de manière pérenne des démarches artistiques en lien participatif avec les habitants".


La retranscription intégrale de cet entretien

Paul Terra : Bonjour à tous et bienvenue! Vous regardez six minutes chrono, le rendez vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale et aujourd'hui on accueille

Joris Mathieu. Bonjour, bonjour!

Paul Terra : Alors vous êtes directeur du Théâtre Nouvelle génération, le TNG. On vous a invité pour revenir sur une tribune que vous avez fait paraître notamment dans la presse culturelle et Télérama, tribune dans laquelle vous dénonciez le climat de terreur que faisaient peser Laurent Wauquiez et le conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes sur le monde de la culture, en particulier à Lyon. Référence à des précédents de baisses de subventions qui étaient arrivées il y a un an. Visiblement, le message est bien passé puisque la Région a carrément supprimé le reste de vos subventions en disant finalement, vous reprochant un petit peu de mordre la main qui vous qui vous nourrissait. Finalement, il donne la région par cette baisse de subventions a validé vos propos.


Joris Mathieu : Sur ce point, chacun se fera un peu sa sa propre opinion. Peut être que c'est important de rappeler que, à l'origine, cette tribune est une tribune syndicale publiée non pas directement dans la presse, mais sur le site du syndic dont je suis élu au bureau national et que cette tribune a été relayée par la suite par des médias cultureux culturels, notamment Télérama. Et donc, ce qui nous interroge aujourd'hui, c'est la la validité en fait d'une sanction prise sur une structure, sur un projet, sur une équipe, sur les habitants concernés par l'action de ce projet, non pas sur l'évaluation de critères objectifs de la qualité du projet ou de sa concordance avec les les intentions politiques de la région, mais bien sur la base d'une expression syndicale.


Paul Terra : D'accord, donc pour vous on est plus sur comment dire. Vous avez espoir finalement que le fait que ce soit une expression syndicale, ça puisse les placer dans une situation où on a ou qui pourrait être perçu comme de la répression syndicale et pas finalement le libre choix de à qui on distribue des subventions en matière culturelle.


Joris Mathieu : Au delà, tout.


Paul Terra : Si ça peut être perçu comme une répression syndicale.


Joris Mathieu : Ça peut l'être. Et au delà de ça, de toute façon, la liberté d'expression citoyenne existe encore dans ce pays. Heureusement en 2023, et il semblerait que la région n'ait pas perçu comment cette tribune était le reflet non pas de la parole d'un seul, mais de l'expression d'un ensemble large d'acteurs culturels qui, en effet, depuis maintenant un an, ont des difficultés à pouvoir s'exprimer en toute sincérité, voyant une menace planer en permanence sur le maintien de leurs subventions. Et qui donc, ensemble de syndicats qui dénoncent ces pratiques et ces méthodes puisque depuis plus d'un an et demi maintenant, nous n'avons jamais été concertés sur la mise en œuvre de la nouvelle politique culturelle de la région?


Paul Terra : Mais c'est quoi ce climat de terreur que vous dénoncez?


Joris Mathieu : Bien, c'est ce que je viens de vous dire, c'est.


Paul Terra : C’est à dire un chantage aux subventions, d'aller plus loin pour être un peu plus précis.


Joris Mathieu : Je n'ai pas envie d'entrer réellement sur ce terrain terrain là. C'est à dire qu'il faut se mettre à la place des directrices ou directeurs d'institutions culturelles qui ont des missions de service public, qui devraient voir en la région un partenaire de dialogue et qui se voit fermer la porte au dialogue depuis un an et demi avec un exécutif qui dit en permanence qu'il va changer et réorienter sa politique, qui refuse d'y réfléchir et d'y travailler avec l'expertise de terrain qui est la nôtre, qui ne donne aucune information sur la reconduction ou non des subventions d'année en année. A titre d'exemple, ça fait deux années tout de même que c'est au mois de mai qu'on apprend quel sera l'aide apportée par la région à des projets qui ont commencé en janvier. C'est une incertitude permanente. Les arbitrages sont découverts dans la presse ou au moment des votes, et les équipes ainsi que les les directions des structures vivent dans une incertitude qui, oui, fait planer une peur et une menace. Comment parler, comment s'exprimer, comment travailler sur son projet quand on a aucun élément tangible pour savoir comment on va pouvoir exécuter ce projet?


Paul Terra : Et vous, vous pensez aujourd'hui faire figure d'exemple avec vous? Ils ont fait un exemple.


Joris Mathieu : Le président Laurent Wauquiez a récemment déclaré dans la presse, en écho à ce qui s'est passé l'année dernière, où 140 structures ont subi des coupes massives en les découvrant là aussi dans la presse ou au conseil municipal, sans avertissement préalable aux structures et sans d'ailleurs que les autres partenaires financiers que sont les villes, l'État n'aient été informés. Le président Laurent Wauquiez a dit dans les colonnes du Progrès Nous avons lancé un message J'espère qu'il aura été compris par le plus grand nombre. Pour moi, ce type de message est assez étrange. Que fallait il comprendre? Je le demande aujourd'hui.


Paul Terra : C'est 140 000 € que vous perdez. C'était déjà l'année précédente. L'exercice financier précédent avait été délicat. Ça vous contraint à annuler quoi? De perdre 140 000 € de budget?


Joris Mathieu : Naturellement, comme c'est la région qui se retire, qui annonce se retirer parce que je rappelle que le vote n'a pas encore eu lieu et qu'il sera normalement proposé le 12 mai en commission régionale. Naturellement, ça remet en cause précisément toute l'action que le théâtre nouvelle génération mène depuis de nombreuses années sur le territoire large régional. On n'a pas attendu que la Région s'intéresse à la décentralisation culturelle pour la mettre en œuvre. Ça fait partie de nos missions et de nos cahier des charges. Et donc concrètement, ça représente une mise en danger de plus de 1000 heures d'intervention artistique et culturelle dans les établissements et notamment les lycées de toute la région, entre 20 et 30 représentations par an qui sont proposées en territoires ruraux, en lien avec des communautés de communes qui contribuent et collaborent avec nous sur notre projet, des artistes en résidence sur les territoires qui permettent d'installer de manière pérenne des démarches artistiques en lien participatif avec les habitants. Plus de 200 jours d'installation de nos dispositifs immersif, innovant, d'immersion dans la culture, la littérature et la littérature dramatique en particulier. Chaque année, le théâtre le Centre dramatique national investit près du double de ce que la Région nous confiait en subvention dans ses actions de proximité sur l'ensemble du territoire.

Paul Terra : Merci beaucoup Jaurès Mathieu d'avoir répondu à notre invitation à nos questions. Je vous donne rendez vous très bientôt pour une nouvelle édition de six minutes chrono. Au revoir!

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