Denis Verneau
Denis Verneau, chef sommelier chez La Mère Brazier. Meilleur ouvrier de France, master of Port 2015.

"En France, on est le premier consommateur de vin de porto"

Denis Verneau, chef sommelier de La Mère Brazier, est l'invité de 6 minutes chrono.

C'est l'un des sommeliers les plus en vue de Lyon. Meilleur ouvrier de France et Master of Port (qui couronne l’excellence des sommeliers experts en vins de Porto), Denis Verneau officie chez La Mère Brazier, le deux étoiles Michelin de Mathieu Viannay et Matthieu Gufflet, un riche homme d’affaires bordelais.

Pendant une semaine, il mettra en scène, avec le chef Mathieu Viannay, les vins de porto avec la cuisine de la Mère Brazier. Un face-à-face pour le moins étonnant qui, selon les dires du sommelier matchent plutôt bien.

Lire aussi : Tables mythiques de Lyon - La Mère Brazier, le saint des saints

Du 6 au 13 novembre, ce gardien du temple et temple de la modernité (le 12 rue Royale est à la gastronomie ce que le 10 Downing Street est à la politique) se met en effet à l'heure portugaise pour la première édition de la "Porto Week", organisée à l’initiative du Syndicat des grandes marques de Porto (SGMP) et en partenariat avec l’Union de la sommellerie française (UDSF).

Porto- Mère Brazier, une incongruité dans la capitale de la gastronomie ? A écouter les accords-mets vin de Denis Verneau, on ne peut qu'applaudir au rapprochement des deux nations.

Cerise sur le bacalhau : l'une des plus vieilles appellations de vignoble au monde (1756) est la plus consommée... en France.


La retranscription intégrale de l'entretien avec Denis Verneau

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono, nous recevons aujourd'hui Denis Verneau, bonjour.

Bonjour.

Denis Verneau, vous êtes chef sommelier de la Mère Brazier, mythes parmi les mythes, auréolé aujourd'hui de deux étoiles au guide Michelin. Du 6 au 13 novembre, la Mère Brazier participe avec une dizaine d'autres restaurants double et triples étoilé à la première édition de la Porto Week qui est organisée par le syndicat des grandes marques de Porto et l'Union de la sommelerie française. Le oorto et la cuisine de la Mère Brazier, comme ça on se dit, c'est assez étonnant. Est-ce que vous arrivez justement à ce que le porto va bien se marier avec la cuisine de la Mère Brazier ?

Oui, parce que le porto est une des plus vieilles appellations du vignoble dans le monde.

1756.

1756, exact, qui a un spectre très large, trois couleurs, blanc, rouge, rosé et deux grandes familles, réducteurs, oxydatifs. Des vins qui vieillissent peu en fût, qui ont un potentiel de garde, et des vins qui ont un vieillissement en fût avec des notes un peu oxydatifs et donc qui a un spectre suffisamment large pour aller avec différents plats de la Mère Brazier et de la cuisine française.

Qui est de la cuisine, oui, on va dire, qui est très française, c'est ça, classique.

Classique, oui. Nous on a un vrai plat emblématique de la maison qui est l'artichaut foie gras. Oui, bien sûr. Et un plat avec beaucoup de textures, beaucoup d'équilibre entre la générosité du foie gras et les amertumes de l'artichaut. Et si on part sur un porto blanc, la maison Niepoort par hasard, par exemple sur un caractère dry, où on ne va pas vraiment jouer sur la sucrosité mais plutôt sur la gamme aromatique, l'abricot, les fruits secs. Et il y a vraiment un aspect très intéressant et des saveurs qui sont complémentaires. Mais on parle d'entrée, ça peut être un poisson, si on va sur un lieu jaune avec un laquage, avec un autre vin portugais qu'est le madère, la noix fraîche, le chou rave. Là on peut aller sur un porto blanc qu'on connaît moins, les portos blancs oxydatifs, la maison Dalva, sur un millésime 2007. On peut partir sur une viande, le pigeon de Bresse, on connaît beaucoup la volaille de Bresse, mais il y a un joli pigeon de Bresse, de la maison Mieral. Il y a côté sanguin, il y a une texture intéressante et là on va aller sur les portos rouges, plutôt de type LBV, commeun millésime 2017, la maison Quinto do Noval, très jolie. Et puis peut-être plus classique sur des desserts, on a encore sur la fin des desserts sur le thème de la figue.

C'est vrai que le porto on a plutôt tendance à se dire, c'est plus sur les desserts sur le sucré.

Oui, en France on est le premier consommateur de vin de porto, alors souvent à l'apéritif, des portos type rubis, d'entrée de gamme. Mais on sait que le porto sur des fromages, fromages persillés, sur type roquefort, des bleus, c'est très intéressant. Et puis c'est vrai qu'on a tendance à le mettre sur le dessert. Alors le dessert intéressant, il faut faire attention souvent, sucré, ça peut être compliqué. Alors là on va plutôt avec des portos rouges oxydatifs, ce qu'on appelle des tawny. Et là on peut partir avec la figue, où on a des choses intéressantes à travailler sur des portos tawny, un petit peu âgés, les 20 ans d'âge de la maison Ramos Pinto, sur une quinta, sur une ferme qui est vraiment en plein milieu du vignoble du Douro, qui est très intéressant.

En tout cas, c'est vrai que ça nous met l'eau à la bouche et c'est vrai que tous les exemples que vous venez de donner, voilà, on est en France, on pense plutôt à nos vins rouges classiques, j'allais dire, nos vins blancs. Finalement, on peut mixer ça, matcher ça avec des portos. Donc vous faites effectivement, comme je disais, la Mère Brazier, partie des, je crois qu'il y a 11 tables, il y a des doubles étoilés comme la Mère Brazier, des triples étoilés aussi, comme Mirazur par exemple, ou la maison Lameloise. Donc vous êtes Master of Port en 2015, vous êtes également meilleur ouvrier de France en 2015. Master of Port, c'est quoi ? C'est une sorte de meilleur ouvrier de France mais en Porto ?

Oui, c'est un concours, c'est un des premiers, presque un des seuls concours dédiés à un seul produit, le porto, qui a été créé en 1988 et c'est le concours du meilleur sommelier en connaissance sur les vins du Portugal, enfin surtout du porto uniquement.

Et je voulais vous poser la question, donc 2015, vous passez ce Master of Port que vous réussissez, pourquoi au départ vous avez choisi de passer le Master of Port ? Est-ce qu'avec Mathieu Vianney, qui est le chef cuisinier de la Mère Brazier, il y avait cette idée déjà d'associer des…

Il y a déjà un gros travail souvent du porto dans le travail des sauces, dans le travail des produits pour complémenter et agrémenter et assaisonner certains plats. Et puis c'est vrai que moi c'est un vignoble que je trouve extraordinaire, que j'aime beaucoup, qui a une grande histoire. On dit souvent que le vignoble du Douro, c'est le plus beau vignoble du monde. Alors j'en ai visité quelques-uns, en France on a de très beaux vignobles, à l'étranger aussi, mais c'est vrai que c'est un vignoble exceptionnel, qui est vraiment très intéressant. Et puis le Portugal, il y a plein de choses. Il y a une reconnaissance du monde des vins, il y a une histoire, une identité, il y a des hommes, il y a une culture, il y a beaucoup de choses qui sont très très intéressantes.

Vous en parliez un peu tout à l'heure, donc il y a les oxydatifs et les réducteurs. Finalement, basiquement, comment ça se vinifie le porto ?

Porto, c'est ce qu'on appelle un vin muté, c'est-à-dire que pratiquement au début de la fermentation alcoolique, on va stopper cette fermentation en ajoutant de l'eau de vie, une eau de vie neutre à 77 degrés. Et une fois qu'on a cette base, en fonction des récoltes, on va soit avoir des portos, ce qu'on appelle rubis, donc les réducteurs, ceux qui vont vieillir le moins de temps possible dans les fûts. Des vins qui ont une couleur rubis, rouge, qui sont sur des gammes, plutôt sur des fruits frais, et qui ont des tannins, des matières très proches des vins. On fait les premiers vins en entrée de gamme, les rubis classiques, et on fait ce qui a fait la grande renommée des vins de Porto, les vintage. Et puis après, on a des vins, ce qu'on appelle oxydatifs, ce qu'on appelle les toniques, qui ont cette couleur un peu fauve, qui eux vont vieillir dans des fûts particuliers, ce qu'on appelle des pipas, des fûts très allongés, on va avoir le plus grand contact d'oxygène au niveau de ces vins, et eux vont vieillir et vont avoir ces notes un peu de figue, un peu de rancio, de tabac blond, ces notes un peu caramel, un peu pâtissier. Et donc là, on va les garder 10, 15, 20, 30, 40 ans, où on fait des millésimés, ce qu'on appelle les Colheita, un petit peu comme les vintage, mais pour ces vins oxydatifs. Et donc là, on a vraiment un spectre très large.

Un spectre très large, que les amateurs pourront venir déguster la Mère Brazier, donc du 6 au 13 novembre, juste le prix d'un repas, par exemple.

On est sur les premiers prix sur un menu sur le déjeuner, qui va être autour de 95 euros le menu, on va faire un accord, mets et Porto, qui va tourner autour des 120 euros à peu près. C'est un aussi des avantages des vins de Porto, c'est que beaucoup de travail et vraiment un prix très intéressant. Et à savoir, toute l'année sur la Mère Brazier, on a environ 35 vins de porto au verre.

Bon, très bien pour toutes ces informations. Ce sera le mot de la fin et le goût de la fin. Pour plus d'informations, notamment sur ces repas organisés pendant la Porto week à la Mère Brazier. Merci beaucoup, à très bientôt. Au revoir.

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