Renaud Payre est le vice-président de la métropole de Lyon en charge du logement.
Renaud Payre est le vice-président de la métropole de Lyon en charge du logement.

"Le Rassemblement National est en passe d'avoir la majorité absolue", alerte Renaud Payre

Renaud Payre, vice-président de la Métropole de Lyon et politologue, est l'invité de 6 minutes chrono pour revenir sur le 1er tour des législatives.

L'ancien directeur de Sciences-Po tente de tirer les leçons du premier tour des élections législatives qui laissent de nombreuses questions en suspens : absence potentielle de majorité absolue le 7 juillet, émergence d'une vie politique autour de trois blocs, efficacité du front républicain ou encore l'impact de la participation en hausse. "C'est quand même un choc, même si on s'y attendait, de voir que même avec un regain de participation, le Rassemblement National arrive largement en tête et que sans une action pendant les prochains jours, il peut avoir la majorité absolue", redoute-t-il.

Pour lui, le vote RN dépasse le simple vote de colère qui lui a longtemps été accolé : "C'est un vote mobilisé. Quand vous avez la participation extrêmement importante, parmi les plus importantes, des 30 ou 40 dernières années, et que le Rassemblement National est en tête, oui, c'est un vote mobilisé. Effectivement, ça c'est une des leçons du scrutin en ce 30 juin 2024. C'est un vote mobilisé. Donc ça veut dire des choses. Ça veut dire que les Françaises et les Français qui votent Rassemblement National le souhaitent, souhaitent effectivement faire rupture".

La retranscription intégrale de l'entretien avec Renaud Payre

Bonjour à tous, bienvenue pour ce 6 minutes chrono spécial élections législatives que nous enregistrons dans les salons de la préfecture. Nous sommes avec Renaud Payre, vice-président de la métropole de Lyon. Aujourd'hui on veut plutôt aussi vous interroger avec votre autre casquette, celle de la vie d'avant j'ai envie de dire, où vous étiez directeur de Sciences Po, politologue. Comment vous analysez ce soir ces résultats un peu compliqués quand même avec finalement ces trois blocs. C'est une configuration assez inédite en France. Et cette incertitude sur est-ce que le Rassemblement National, puisque c'est les seuls qui aujourd'hui, semblent être en mesure d'avoir une majorité. Qu'est-ce qu'elle vous inspire cette configuration totalement inédite ?


Je joue avec mes casquettes, mais néanmoins je suis aujourd'hui un élu. Et donc d'abord c'est quand même un choc, même si on s'y attendait, de voir que même avec un regain de participation, le Rassemblement National arrive largement en tête et que sans une action pendant les prochains jours, il peut avoir la majorité absolue. Même s'il faudra regarder quand même dans le détail. Donc en tout cas ça c'est ma première réaction. Et évidemment on appelle tout le monde à faire en sorte de bloquer la victoire du Rassemblement National pour de nombreuses raisons évidentes par rapport à notre tradition républicaine. Et en terme d'analyse, oui c'est très surprenant. C'est très surprenant et en même temps pas si en rupture avec une dynamique qui s'est quand même consolidée au fil des dernières élections. La montée du Rassemblement National ne date pas du début de l'été 2024. Et c'est bien pour cela qu'on pouvait quand même être un peu étonné de la décision d'un président de la République de dissoudre le soir où le Rassemblement National était à 32%. Et de ne pas laisser retomber la pression d'essayer de trouver d'autres solutions avec les outils qu'il pouvait avoir. Il a choisi de dissoudre. On se trouve ce soir dans une situation assez complexe. Si nous ne réagissons pas, toutes et tous, je veux dire les républicains et les démocrates, eh bien le Rassemblement National est en passe d'avoir la majorité absolue.


D'habitude le Rassemblement National était très haut quand il y avait une participation très basse. Là on voit, ça fait deux scrutins, parce que pour les européennes il y avait eu quand même une participation nettement supérieure. Est-ce que finalement ça ne montre pas aussi une certaine forme de maturité du pays ? Est-ce que vous avez l'impression qu'on en est à ce moment-là finalement dans notre histoire politique ?


Je crois que vous avez tout à fait raison. C'est un vote mobilisé. Quand vous avez la participation extrêmement importante, parmi les plus importantes, des 30 ou 40 dernières années, et que le Rassemblement National est en tête, oui, c'est un vote mobilisé. Effectivement, ça c'est une des leçons du scrutin en ce 30 juin 2024. C'est un vote mobilisé. Donc ça veut dire des choses. Ça veut dire que les Françaises et les Français qui votent Rassemblement National le souhaitent, souhaitent effectivement faire rupture. Je ne suis pas sûr qu'ils adhèrent à toutes les idées du Rassemblement National, mais ils disent qu'il y en a assez, que leur territoire soit peu considéré, qu'il y en a assez que leurs droits ne soient pas entendus. C'est leur droit au chômage pour certains, c'est le droit à une retraite à 60 ans pour d'autres, c'est aussi un pouvoir d'achat en berne. Et tout cela fait monter une colère qui probablement était inscrite depuis des années, et notamment lorsqu'on avait cette volonté du macronisme de dépasser les clivages, et nous dire qu'en dépassant les clivages, on sera le rempart au Rassemblement National. Ce n'est pas vrai. On ne peut pas décider d'un coup, d'un seul, de dépasser les clivages. Les clivages, ils existent. Ils existent dans la colère. Ils existent dans la rue. Ils existent aussi précisément dans un vote de type Rassemblement National. C'est cela que nous avons mesuré, que nous mesurons ce soir. Maintenant, il reste quelques jours quand même.


Mais est-ce que ça peut encore marcher, le Front républicain ? Vous, vous avez appelé au Front républicain sans forcément utiliser ces termes-là, mais est-ce qu'il est encore possible de faire barrage ?


C'est plus que le Front républicain, ce qui est dit ce soir. C'est que là, si nous ne faisons rien, le Rassemblement National est en passe d'avoir la majorité absolue. Donc il faut que tout le monde comprenne ce que ça veut dire. Ce que ça veut dire, c'est que les collectivités territoriales vont devoir résister. Ça veut dire que très concrètement, demain, nous aurons un gouvernement, mais aussi une administration locale, je veux dire déconcentrée, préfectorale, qui sera aussi aux ordres précisément d'un gouvernement qui est quand même un gouvernement qui marque une rupture avec notre histoire républicaine par ses propos excluants. Et je veux dire, les dix derniers jours ont marqué, notamment sur les binationaux, ont montré le vrai visage du Rassemblement National. Sans parler de la brutalité qui est celle de cette force politique. Donc il faut que tout le monde comprenne. Donc c'est pas le front républicain, c'est dire tout faire pour battre le Rassemblement National. Et cette fois-ci, parce que si nous ne le faisons pas, la majorité absolue est possible pour cette force politique qui est en rupture avec l'histoire de notre République et de notre manière de vivre ensemble.


Mais quoi qu'il arrive, finalement, dimanche prochain, le 7 juillet, il y aura un saut dans le vide, une inconnue, puisque soit il y aura une majorité absolue du Rassemblement National, qui est possible, soit pas de majorité. Comment on gouverne un pays sans majorité ? Alors, je ne sais pas si vous aviez fait une spécialisation dans le droit constitutionnel mais qu'est-ce qui peut arriver ?

C'est totalement inédit dans l'histoire de notre République. La seule solution, c'est d'imaginer une coalition gouvernementale sur des principes très clairs, sur un certain nombre de propositions. Je ne sais pas à l'heure où on se parle. D'abord, c'est beaucoup trop tôt. Il faudra voir le 7 juillet au soir si c'est ce scénario-là qui se profile. Et à ce moment-là, que chacun et chacune prenne ses responsabilités. Et en disant, est-ce qu'on laisse les Français sans gouvernement, avec un gouvernement technique, comme les Belges l'ont connu pendant un an ?

Ils ne s'en sont pas toujours mal portés.

Ils ne s'en sont pas si mal sortis, mais je crois que quand même les défis qu'on a au moment où l'économie était en train de reprendre, au moment où on avait des premiers signes de reprise, notamment, je le voyais aussi en matière d'immobilier et de logement, mais dans bien d'autres domaines, au moment où on a tant d'attentes sur un certain nombre de droits, au moment où on accueille le monde entier, au passage, avec les Jeux Olympiques. Je ne crois pas que ce soit la bonne solution. Mais on verra bien, c'est beaucoup trop tôt. Aujourd'hui, ce qui s'écrit, même s'il faut regarder quand même plus finement, circonscription par circonscription, c'est plutôt une force politique qui est en passe de l'emporter. Si c'était ça le pari d'Emmanuel Macron, ça me désolerait. Si ça n'était pas cela, il a perdu. Mais néanmoins, il faut qu'on trouve une solution entre républicains, entre démocrates de tous bords, pour trouver, pour précisément, être à la hauteur de ce pays.

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