Mohamed Chihi, adjoint au maire de Lyon en charge de la sécurité, en juillet 2022. ©Romane Thevenot-Terreiro

Mohamed Chihi : "la violence ne fait que le jeu du pouvoir"

Mohamed Chihi, adjoint à la Ville de Lyon en charge de la sécurité, revient sur les débordements qui émaillent l'opposition à la réforme des retraites à Lyon.

Une dizaine de jours après une manifestation non-déclarée qui a vu la mairie du 1er arrondissement être dégradée, Mohamed Chihi, adjoint à la Ville de Lyon en charge de la sécurité, rappelle que la collectivité n'est en rien responsable du maintien de l'ordre lors de ces évènements : "cela relève du maintien de l'ordre. Notre police municipale n'a aucune compétence en la matière". Les opposants des écologistes pointent depuis quelques jours la responsabilité de la mairie dans des manifestations qui dégénèrent parfois. "Nous n'avons pas été associés jusqu'à présent assez à ces trajets de manifestation".

"Traduire les black blocs en justice"

L'adjoint à la sécurité demande à la Préfecture du Rhône et à la police nationale de prendre des mesures concernant les "400 black blocs qui se déplacent dans les manifestations". "On a besoin de savoir pourquoi, nous, avec les services dont on connaît largement la qualité, nous n'arrivons pas à les identifier tout simplement pour les responsabiliser et et les traduire en justice. Parce qu'en fin de compte, ils reviennent systématiquement et on a besoin à un moment donné de dire stop", poursuit-il.

Mohamed Chihi revient aussi sur son appel à la désobéissance sans violence : "la violence est une impasse. Elle ne nous mènera nulle part et surtout pour les personnes en fait qui se battent pour leurs droits, pour leurs droits sociaux et ici pour les les droits à une retraite à 62 ans. La violence en fait ne fait que le jeu du pouvoir et nous devons sortir de cette impasse là. Et quand je parle de désobéissance, je parle de grève".


La retranscription intégrale et textuelle de l'interview avec Mohamed Chihi

Paul Terra : Bonjour à tous et bienvenue! Vous regardez six minutes chrono, le rendez vous quotidien de la rédaction de la capitale. Et aujourd'hui, on accueille Mohamed Chihi.

Mohamed Chihi :Bonjour!

Paul Terra :Alors vous êtes adjoint à la sécurité à la ville de Lyon? Avec vous, on voulait revenir sur les manifestations qui ont eu lieu contre la réforme des retraites et puis celles qui vont avoir lieu. On pense notamment à la grande manifestation qui est annoncée par l'intersyndicale pour le 1ᵉʳ mai. On a vu que ces manifestations à Lyon pouvaient parfois dégénérer. Récemment, la mairie du premier arrondissement a été partiellement envahie et très partiellement incendiée. Il y avait eu la mairie du quatre au début des oppositions contre la réforme des retraites. Vos opposants vous accuse finalement d'une certaine manière de mal gérer ces manifestations, de les de laisser des dégradations se produire dans le sixième sur le nouveau tracé des manifestations ou sur ces mairies d'arrondissement? Est ce que vous avez une part de responsabilité dans ce qui se passe?

Mohamed Chihi :Bon, sur cette question là, il faut être absolument clair. Tout ce qui relève des manifestations revendicatives relève du maintien de l'ordre. Notre police municipale n'a aucune compétence en la matière. Nous ne pouvons pas faire de maintien de l'ordre simplement parce que, légalement parlant, cela n'est pas possible. C'est donc une prérogative qui est strictement étatique. C'est la police nationale et les forces étatiques qui doivent gérer ces temps là d'une part. Donc, ça, c'est pour la gestion durant les manifestations et sur les manifestations revendicatives comme celles que nous connaissons depuis plusieurs, plusieurs jours, plusieurs soirées. Il s'agit d'abord de manifestations qui sont déclarées en préfecture, pas en mairie. Donc nous, nous n'avons pas de prise là dessus.

Paul Terra :Vous pouvez peut être discuter avec la préfecture sur des tracés de manifs et ce qui vous entendre est ce qui vous entend de pas. Qu'est ce que vous demandez vous?

Mohamed Chihi :Nous n'avons pas été associés jusqu'à présent assez à ces trajets de manifestation. Disons que pour connaître un peu la situation lyonnaise, cette situation est très contrainte. Nous sommes une ville très ramassée et les manifestations de manière coutumière passent très régulièrement devant la manufacture des tabacs. Et on enchaîne sur le cours Gambetta pour arriver sur Bellecour, parfois par de Jean-Jaurès. Et la multiplication des des jours de manifestations a fait que ce sont toujours les mêmes, les mêmes lieux, les mêmes commerçants qui ont été impactés par ces manifestations et par les dégradations qui ont pu, qui ont pu émailler le parcours, dégradations qui venaient de personnes qui étaient venues pour en découdre. Pas de la part des manifestants qui dans leur écrasante majorité sont des manifestants pacifiques.

Paul Terra :Et sur les manifestations non déclarées qui ont lieu les soirs, notamment celles où finalement il y a presque plus de dégradations ou en tout cas la dernière où il y a eu quelques dégradations dans le premier arrondissement. Est ce que là dessus vous avez un rôle, vous, à jouer? Est ce que vous pouvez protéger vos vos bâtiments municipaux? Est ce qu'il y a des choses qui peuvent être anticipées puisqu'on sait maintenant qu'elles peuvent dégénérer?

Mohamed Chihi :Protéger nos bâtiments municipaux, ça veut dire potentiellement se retrouver confronté à une foule hostile. Et donc là, on serait typiquement dans le cadre d'une d'une situation de maintien de l'ordre. En fait, là, sans rien faire aujourd'hui, on doit s'en remettre exclusivement aux forces étatiques pour pouvoir faire cette protection là et faire ce travail là. Et aujourd'hui, on se rend compte qu'on a des manifestants qui ont bien compris comment ça marchait et ont des modes de manifestation pour ceux qui sont dans les manifestations non déclarées pour une partie d'entre eux très mouvant, très mobile, qui s'adapte en permanence aux activités et aux réponses de la police nationale et et et des équipes qui font le maintien de l'ordre. Et là dessus, il y a une réponse à adapter, il me semble, là dessus, et il me semble être pour le mois le plus important dans cette affaire là, d'identifier ce qui casse pour justement en fait les rendre responsables de cette casse.

Paul Terra :L'impression que ce travail est pas forcément fait.

Mohamed Chihi :En tout cas, nous on a besoin d'en savoir un peu plus de la part des services de l'Etat là dessus, quand on a environ 400 black blocs qui se déplacent dans dans les dans les manifestations, on a en besoin de savoir pourquoi, nous, avec les services dont on connaît largement la qualité, nous n'arrivons pas à les identifier tout simplement pour les responsabiliser et et les traduire en justice. Parce qu'en fin de compte, ils reviennent systématiquement et on a besoin à un moment donné de dire stop.

Paul Terra :C'est aussi un groupuscule donc parce que personne ne cherche à démanteler.

Mohamed Chihi :Non, je dirai pas ça, je dirai pas ça.


Paul Terra :C'est ce qu'on pouvait traduire de vos propos.

Mohamed Chihi :Non, non non, mais alors ce n'est pas entre les lignes. Non, c'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que ce sont des des individus qui s'organisent. Et je pense que ces individus, on peut aller les chercher au travers de l'enquête pour les mettre hors d'état de nuire. Voilà ce que je dis, pas autre chose. Et il y a. Ni plus ni moins dans mes propos.

Paul Terra :Après les dégradations de la mairie du premier arrondissement, vous avez emprunté une ligne de crête. Ça peut être compliqué une ligne de crête surtout peut être en 2023 qui n'est pas vraiment l'époque de la nuance. Vous dites oui à la désobéissance, non à la violence. La frontière, elle peut être mince. Et est ce que d'une certaine manière, vous justifiez pas finalement de sortir du cadre de la loi en appelant à la désobéissance? La désobéissance, elle va être lue par chacun à sa manière.

Mohamed Chihi :Et bien non, pas du tout. Et merci de me permettre...

Paul Terra :Ce n'est pas une sorte de et en même temps que vous faites.

Mohamed Chihi :Non, pas du tout. Alors là, pour le coup, le. En même temps, je serais très critique vis à vis de ce en même temps et dénoncer la violence.

Paul Terra :Mais vous vous appelez à la désobéissance, c'est compliqué.

Mohamed Chihi :Alors il faut rappeler simplement que la grève c'est une désobéissance. Le débrayage c'est une désobéissance et c'est inscrit dans la grève, en tout cas dans la Constitution. Donc non, je ne suis pas en dehors du cadre de la loi en disant ça. Ce que je dis tout simplement, c'est qu'il n'y a pas de lutte qui prend, qui réponde.

Paul Terra :Mais par exemple, une manifestation non déclarée, c'est une forme de désobéissance. Ça vous gêne pas?


Mohamed Chihi :Oui, pour tant qu'elles ne sont pas violentes, c'est encore une fois, encore et toujours, la nécessité de bien poser un cadre. Moi ce que je dis clairement, c'est la violence est une impasse. Elle ne nous mènera nulle part et surtout pour les personnes en fait qui se battent pour leurs droits, pour leurs droits sociaux et ici pour les les droits à une retraite à 62 ans. La violence en fait ne fait que le jeu du pouvoir et nous devons sortir de cette impasse là. Et quand je parle de désobéissance, je parle de grève, je parle de débrayage comme je vous l'ai dit. Et bien sûr qu'il faut qu'on s'interroge collectivement sur la manière dont on fait de la désobéissance. Je ne suis pas là pour faire une injonction à manifester de cette manière là. Organisez vous de cette manière là ou d'une autre. Je ne suis pas là dedans. C'est pour ça que j'utilise un terme assez général. Mais la désobéissance, encore une fois, c'est ça qui nous permet de dire Vous ne pouvez pas choisir le cadre sans nous. Donc nous voulons vous rappeler combien nous sommes importants, combien nous sommes nécessaires et combien il est important de travailler avec nous à définir le cadre que nous allons tous vivre. C'est ça, C'est simplement ça l'approche que l'on doit à mon sens adopter.

Paul Terra :Merci beaucoup. Merci pour ces éclaircissements. Merci d'avoir répondu à notre invitation à nos questions. Moi je vous retrouve très prochainement pour une nouvelle édition de six minutes chrono. Au revoir!

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