Frédéric Volle, secrétaire général du SNUDI-FO, un syndicat d'instituteurs, est l'invité de 6 minutes chrono.
Ce mercredi 13 septembre, des syndicats enseignants organisent un rassemblement devant le rectorat pour protester contre les conditions jugées insatisfaisantes de cette rentrée scolaire. "En maternelle et en primaire, les problèmes qui vont se poser sont les problèmes du remplacement. Très rapidement, avec le froid, les enseignants malades, vous allez avoir, nous allons avoir comme chaque année, nombre d'enseignants absents, non remplacés. Et la deuxième élément qui nous font beaucoup de crainte, c'est les enseignants spécialisés qui s'occupent des élèves en situation de handicap, qui s'occupent des élèves en difficulté, qui ne sont pas assez nombreux, tout comme les AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap. Donc il y a des gros manques concernant les élèves en difficulté ou en situation de handicap", regrette Frédéric Volle.
Ce syndicaliste évoque aussi le manque d'enseignants dans les collèges et lycées : "il y a une double explication. La première, c'est que le ministre Ndiaye et le ministre Attal ont supprimé 2000 postes d'enseignants en cette rentrée scolaire dont on voit les effets maintenant. Et il n'y a pas assez de candidats au concours d'enseignants. Du fait, un, des salaires qui sont trop bas et deux, des concours de recrutement placés beaucoup trop haut à bac plus 5".
La retranscription intégrale de l'entretien
Aujourd'hui on accueille Frédéric Volle. Vous êtes secrétaire général du syndicat des instituteurs, le SNUDI-FO. On vous a invité pour faire un point sur la rentrée scolaire, avant de parler du cas plus particulier des écoles primaires et maternelles, un point plus général : le ministère de l'Education nationale avait promis qu'il y aurait un enseignant devant chaque classe. Visiblement la promesse n'a pas forcément été honorée puisque un autre syndicat pointe que dans une classe sur deux, il n'y a pas assez de profs. C'est aussi les retours que vous avez, vous localement ?
Oui, je confirme sur les retours ce matin ou en fin de semaine dernière. Je peux vous dire par exemple qu'au lycée Colbert, il manque un enseignant d'éco droit, un enseignant d'anglais, une infirmière, un assistant d'éducation. Qu'au lycée La Martinière, à Lyon 9, les élèves en seconde première ou terminal sont dans des classes parfois de 35 à 38 élèves. Qu'il y a un groupe de BTS en espagnol à 48 élèves, que les élèves dans leur TD où il n'y a que 18 payas, ils sont 21. Qu'au collège Charcot, à Lyon 5, il manque un enseignant technique. Je m'arrête ici, mais vous voyez qu'on pourrait faire les 6 minutes rien qu'avec cette liste.
Comment se fait-il qu'il y ait finalement cette pénurie d’enseignants ?
Il y a une double explication. La première, c'est que le ministre Ndiaye et le ministre Attal ont supprimé 2000 postes d'enseignants en cette rentrée scolaire. Donc on voit les effets maintenant. Et deuxième effet, c'est qu'il n'y a pas assez de candidats au concours d'enseignants. Du fait, un, des salaires qui sont trop bas et deux, des concours de recrutement placés beaucoup trop haut à bac plus 5. Même si des fois il y a des contractuels qui sont embauchés ? Oui, même s'il y a des contractuels qui sont embauchés, on demande leur titularisation d'ailleurs. Mais bien évidemment, nous on est attaché au statut, au recrutement de ce concours avec des enseignants formés.
Dans le primaire et en maternelle, vous n'avez pas du coup ces difficultés là. Est-ce que la situation pour autant est satisfaisante pour vous en cette rentrée ?
Non, pas du tout puisqu'en maternelle et en primaire, les problèmes qui vont se poser sont les problèmes du remplacement. Très rapidement, avec le froid, les enseignants malades, vous allez avoir, nous allons avoir comme chaque année, nombre d'enseignants absents, non remplacés. Et la deuxième élément qui nous font beaucoup de crainte, c'est les enseignants spécialisés qui s'occupent des élèves en situation de handicap, qui s'occupent des élèves en difficulté, qui ne sont pas assez nombreux, tout comme les AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap. Donc il y a des gros manques concernant les élèves en difficulté ou en situation de handicap. Il y a bon nombre d'élèves aujourd'hui dans le département qui n'ont pas d'AESH, d'accompagnants d'élèves en situation de handicap. Les enseignants des RAZ, des enseignants spécialisés, font défaut. Il y en a très peu, alors qu'il y a beaucoup d'élèves en difficulté qu'on devrait mieux accompagner. Or, de ce point de vue-là, c'est une catastrophe.
Pour ce qui est notamment du primaire, on pense au CP, au CE1, il y avait eu une promesse du ministère, pas de classe à plus de 24. Cette promesse, elle est honorée ?
Elle n'est pas honorée dans toutes les écoles puisque nous avons des écoles rurales où, en particulier avec des niveaux multiples, nous avons des classes à plus de 24, donc tous les élèves des niveaux cités par le ministre n'auront pas des classes à 24 ou moins. Par contre, petit problème, c'est que les classes de CM1, CM2 qui sont pas faciles non plus, eux, ça peut monter jusqu'à 25, 26, 27, ce qui n'est pas une sineécure.
Il y a une promesse aussi qui est présentée depuis longtemps, celle de un peu relever le niveau, notamment en maths et en français, puisque les chiffres sur le nombre d'élèves qui ne savent pas forcément bien lire à l'entrée en 6e sont édifiants. Est-ce que vous avez l'impression que l'Éducation nationale, telle qu'elle est organisée, telle qu'elle prépare les rentrées, peut finalement arriver à relever ce défi-là ? Est-ce qu'on peut finalement redevenir un peu plus fier de notre éducation nationale ?
Écoutez, pour élever le niveau de tous les élèves en mathématiques, en français ou dans d'autres matières, nous, on a des propositions très simples, pas une seule classe à plus de 20 élèves, et une prise en charge par des enseignants spécialisés de tous les élèves en difficulté, car aujourd'hui, ces élèves-là, qui nous font tous souci, n'ont pas l'aide qu'ils devraient avoir.
Est-ce que vous voyez aussi une concurrence finalement du privé qui a accru ? Est-ce que vous avez l'impression que l'école publique est finalement dévalorisée, ou en tout cas la perception est plus négative qu'elle pouvait l'être il y a quelques années ? Est-ce que vous ressentez cette tension, cette pression du privé ?
Oui, c'est sûr. En particulier à Lyon, où il y a quand même une tradition importante d'école privée. On a une concurrence qui s'exprime souvent soit à l'entrée en CP, soit à l'entrée en 6e, avec des parents qui, étant donné les conditions un petit peu dégradées dans le public, non pas du fait des enseignants, mais du fait du ministre, mettent leurs enfants dans le privé. Et si je peux me permettre, au moment où le ministre parle beaucoup de laïcité, on rappelle quand même que l'Etat, à hauteur de 12 milliards chaque année, finance l'enseignement privé confessionnel. Pour nous, nous préférerions que tout l'argent public aille à l'école publique.