Thomas Dossus
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Thomas Dossus (EELV) : "Un agriculteur demande de pouvoir vivre de sa production"

Thomas Dossus, sénateur Les Ecologistes du Rhône, revient sur le malaise agricole dans 6 minutes chrono.

La crise des agriculteurs tournent autour de plusieurs revendications et l'une d'elles porte sur le grand nombre de contraintes environnementales qui pèse sur les producteurs. Pour Thomas Dossus, sénateur écologiste du Rhône, les ressorts de cette crise sont surtout économiques : "la colère agricole actuelle, n'est pas lié 100% aux normes qui sont imposées parfois de façon peut-être mal accompagnée aux agriculteurs. On voit bien que la question du revenu agricole, la question de la politique agricole commune, la question du libre-échange est plus au cœur du malaise, c'est-à-dire comment un agriculteur peut vivre de sa production, il est là l'enjeu. L'enjeu climatique est très important aussi, il faut savoir que l'année dernière, les aléas climatiques ont coûté 1 milliard d'euros à la filière agricole. Donc on voit bien que ça aussi c'est un enjeu et donc il faut adapter notre modèle agricole, y compris l'adapter pour mieux anticiper les aléas climatiques. Mais là aujourd'hui, la question du revenu, c'est-à-dire de la distribution entre le producteur de l'alimentation et le consommateur, c'est les marges que font la grande distribution ou le modèle agro-industriel. C'est ça pour nous, ce qui alimente la colère du monde agricole et donc c'est là-dessus qu'il va falloir très vite travailler".

Le sénateur écologiste note aussi la différence d'attitude du gouvernement entre la colère agricole et les mobilisatins écologistes : "ce mouvement montre qu'il y a un deux poids deux mesures du côté du gouvernement. Sa répression est politique. Et là, c'est une démonstration flagrante des errements du ministre de l'Intérieur qui est toujours très fort avec les faibles et faible avec les puissants".

La retranscription intégrale de l'entretien avec Thomas Dossus

Bonjour à tous et bienvenue, vous regardez 6 Minutes Chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale et aujourd'hui nous accueillons Thomas Dossus. Vous êtes sénateur Les écologistes du Rhône, on vous a invité pour évoquer le malaise, la colère du monde agricole puisqu'il est souvent pointé, comment dire, un facteur environnemental dans leur mécontentement. Je ne dis pas que ce sont des normes que vous les écologistes vous avez prises, vous êtes aux manettes à Lyon, mais pas au niveau européen ou national. Mais il se pose cette question de l'agriculture intensive qui permettrait de nourrir la population est-elle compatible avec l'environnement, puisque c'est un des points qui est souvent pointé par les agriculteurs. Pour vous, en quoi est-ce que c'est un faux débat ?


Pour nous, le malaise agricole, en tout cas la crise, la colère agricole actuelle, n'est pas lié 100% aux normes qui sont imposées parfois de façon peut-être mal accompagnée aux agriculteurs. On voit bien que la question du revenu agricole, la question de la politique agricole commune, la question du libre-échange est plus au cœur du malaise, c'est-à-dire comment un agriculteur peut vivre de sa production, il est là l'enjeu. L'enjeu climatique est très important aussi, il faut savoir que l'année dernière, les aléas climatiques ont coûté 1 milliard d'euros à la filière agricole. Donc on voit bien que ça aussi c'est un enjeu et donc il faut adapter notre modèle agricole, y compris l'adapter pour mieux anticiper les aléas climatiques. Mais là aujourd'hui, la question du revenu, c'est-à-dire de la distribution entre le producteur de l'alimentation et le consommateur, c'est les marges que font la grande distribution ou le modèle agro-industriel. C'est ça pour nous, ce qui alimente la colère du monde agricole et donc c'est là-dessus qu'il va falloir très vite travailler.

Ce sont des combats sur lesquels vous dites souvent on peut se rejoindre. Pour vous, quels seraient les pistes de sortie de cette crise si, prenons votre pari, c'est simplement qu'une question de revenu ?


Ce qu'il faut bien comprendre pour le revenu, c'est que actuellement, l'année dernière, le producteur agricole a fait baisser ses prix de vente à son intermédiaire direct de 8%. Il s'est moins rémunéré. Et derrière, le prix de l'alimentation pour le consommateur final a augmenté de 9%. C'est bien qu'entre les deux, la grande distribution et l'agro-industrie font des marges qui sont au-delà de ce qui est entendable. Et donc, il va falloir encadrer le prix d'achat des productions agricoles. La loi Egalim, elle prévoit que le prix d'achat est fixé par le producteur. Mais aujourd'hui, elle n'est pas appliquée par les grandes coopératives ou, en tout cas, les grandes filières de distribution. Et donc, on a un enjeu de faire respecter cette loi et même de mieux encadrer ces marges-là. C'est ce qui fait qu'un agriculteur pourra vivre de sa production parce que c'est ce qu'il demande. Il ne demande pas plus que ça. Il demande de pouvoir vivre de sa production. Et effectivement, il demande aussi de passer moins de temps dans son bureau à faire de la paperasse. Mais ça, ça viendra en second temps. Il faut d'abord qu'il puisse se rémunérer sur ce qu'il produit.


Cette question quand même des normes environnementales, vous dites que ce n'est pas le combat prioritaire. Mais ils en parlent quand même des agriculteurs sur le terrain. Est-ce que vous pouvez entendre ce qu'ils disent ? Est-ce que vous pensez qu'ils ont raison de le dire ?

Oui, ils ont raison. Je pense qu'on a un plan qui s'appelle Ecophyto en France, qui a été pris il y a quelques années pour faire baisser le volume d'intrants chimiques dans nos terres et dans l'eau qu'on consomme. Et donc, ce plan Ecophyto a été mal accompagné puisque non seulement le volume d'intrants n'a pas réellement baissé, mais en plus, vous l'avez dit, ça fait peser des contraintes qui sont très lourdes puisqu'elles ne sont pas accompagnées. Et donc aujourd'hui, on doit encourager les acteurs, au lieu de leur taper dessus, je pense à l'ANSES, qui a été la cible du ministère de l'Agriculture il n'y a pas si longtemps que ça, qui est la grande agence d'État qui travaille sur la santé environnementale et qui propose un certain nombre d'alternatives aux produits Ecophyto. Et donc, il faut qu'on arrive à mieux accompagner les changements de pratique. Ça passe par un changement de la politique agricole commune. Ça tombe bien, il y a des élections européennes au mois de juin qui permettront aujourd'hui de confronter des modèles entre le modèle du libre-échange du toujours plus prôné par la droite et renaissance et le modèle qu'on propose, c'est-à-dire une PAC mieux adaptée aux plus petits pour accompagner le changement de modèle.


Vous avez longtemps dit l'agriculture biologique, ce sera la solution de l'agriculture. Vous, les écologistes, on voit bien depuis la crise inflationniste que le secteur bio, c'est plutôt celui qui souffre, celui qui se casse la gueule. C'est quand même une pierre dans votre jardin, ça. On voit bien que ce modèle-là, pour l'instant, c'est une impasse. C'est pas le marché plein de perspectives qu'on a pu entrapercevoir.


Je ne dirai pas que c'est une impasse. Je dirai que c'est un des objectifs du modèle agricole, mais qu'il doit être mieux accompagné. Aujourd'hui, l'aide à l'installation et l'aide à la conversion a beaucoup baissé. On a alerté plusieurs fois le ministère, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée. On les a alertés sur les baisses d'aide à la conversion. Il faut qu'on accompagne mieux les changements de pratiques. C'est là où est la clé. C'est-à-dire qu'on ne peut pas dire aux gens qu'il faut produire bio sans les accompagner. C'est ce qui se produit actuellement. La PAC, qui aide pas forcément suffisamment ce changement de pratique, doit être réorienté là-dessus. Et pour ça, il faut qu'aussi, dans les restaurations collectives, dans les grandes collectivités, on augmente la part de bio dans les cantines. La restauration collective en France, c'est 3 milliards de repas servis chaque année. 3 milliards de repas, c'est une filière énorme. Et si on augmente le taux de produits bio dans les assiettes de la restauration collective, on augmente la part de la filière. Et donc, on accompagne mieux les agriculteurs en leur offrant des débouchés. C'est là tout le projet qui va, en gros, de la fourche à l'assiette. C'est ce qu'on propose, nous, écologistes. C'est ce qu'on fait quand on est en responsabilité dans les collectivités ou la vue sur les cantines scolaires à Lyon, qui ont augmenté drastiquement la part de locale et la part de bio. Et c'est comme ça qu'on accompagnera le changement de pratique en offrant des débouchés.


Il y a un dernier point que je voulais aborder avec vous. On a souvent entendu les écologistes aussi, depuis le début du mouvement, dire qu'il y a quand même un truc bizarre quand nous, on va manifester à Sainte-Soline contre les mégabassines. Quand vous êtes opposés, par exemple, au projet de Lyon-Turin, vos actions, elles ne durent pas très longtemps. Les forces de l'ordre interviennent rapidement. Vous avez l'impression, vous, qu'il y a une forme de délit de sale gueule ou en tout cas qu'il y a des gens qui ont un coup de sang légitime et d'autres illégitimes. Vous avez l'impression d'avoir des coups de sang illégitimes ?

On voit bien qu'il y a un deux poids deux mesures. Mais je veux rappeler qu'à Sainte-Soline, il y avait aussi des agriculteurs. On n'était pas que des écologistes acharnés. On avait aussi des agriculteurs qui remettaient en cause le modèle de captation de l'eau par des gros céréaliers. Et donc, on a besoin aussi d'alliances très larges entre écologistes et agriculteurs. Et je pense que ce mouvement qui vient, qui a cours en ce moment, est un mouvement qui montre qu'il y a un deux poids deux mesures du côté du gouvernement. Sa répression est politique. Et là, c'est une démonstration flagrante des errements du ministre de l'Intérieur qui est toujours très fort avec les faibles et faible avec les puissants.

Mais vous, vous pourriez aller sur un des barrages ?

Oui, je pourrais. Il y a plusieurs de nos élus, des élus régionaux, qui y sont allés la semaine dernière. Je pourrais bien sûr aller sur un barrage à la rencontre des agriculteurs. Je n'ai pas de problème avec ça. Moi, je pense qu'en plus, bloquer une autoroute, c'est toujours un moment pour se questionner sur nos mobilités. Donc, c'est intéressant.

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