Jean-Charles Kohlhaas
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ZFE : "l'enjeu c'est d'améliorer la qualité de l'air", assure Jean-Charles Kohlhaas

Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole de Lyon en charge des mobilités, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale

Elargie aux véhicules Crit'air 3, la ZFE (zone à faibles émissions) de Lyon est la grande nouveauté de ce début d'année 2023. Elle concerne 60 000 à 160 000 voitures selon les chiffrages et pourrait se révéler une mesure très impopulaire à un an des élections métropolitaines. "L'enjeu c'est d'améliorer la qualité de l'air donc on est tout à fait prêt à le faire et surtout prêt à accompagner les habitants. Donc depuis trois ans, on travaille avec les entreprises, avec les habitants pour essayer de mettre en place un système qui puisse fonctionner parce qu'on sait que c'est compliqué évidemment pour beaucoup de gens", reconnaît le vice-président de la Métropole de Lyon en charge des mobilités. Il rappelle l'existence de dérogations pour les petits rouleurs ou les professionnels.

Alors que la ZFE doit s'élargir à tous les véhicules diesel en 2028, Jean-Charles Kohlhaas assure que la situation n'est pas définitive : "Cette qualité de l'air, elle s'améliore. On l'a dit, elle s'améliore plus vite dans la métropole de Lyon que dans toutes les autres villes françaises parce qu'on a mis en place des mesures, parce que la circulation diminue, parce qu'on a un réseau de transport en commun qui est de plus en plus développé et qu'il était déjà beaucoup avant. Donc si on continue de s'améliorer suffisamment et qu'en 2028 on atteint des seuils qui sont intéressants, on n'interdira pas les Crit'air 2 en 2028".

La retranscription intégrale de l'entretien avec Jean-Charles Kohlhaas

Bonjour à tous et bienvenue, vous regardez 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale et aujourd'hui nous accueillons Jean-Charles Kohlhaas. Vous êtes vice-président de la métropole en charge des mobilités, je voulais revenir avec vous sur l'instauration au 1er janvier 2025 de la ZFE pour les véhicules Crit'air 3, donc en gros on est sur les diesels et les véhicules les plus anciens. Globalement ça concerne entre 60 000 ou 160 000 véhicules selon les différentes études, c'est une mesure qui peut être décriée, qui est souvent présentée par vos opposants comme une zone de forte exclusion puisqu'elle impacterait forcément les ménages les plus pauvres qui n'ont pas pu changer de voiture. On ne fait pas d'omelette sans casser d'oeuf ?


Alors d'abord les ZFE c'est une mesure qui a été mise en place par l'Europe en 2008, la France a attendu 2021. Les gouvernements ont reculé et ils nous ont maintenu l'obligation pour la métropole de Paris et la métropole de Lyon de mettre en place une ZFE, donc c'est pas un projet de la métropole de Lyon, c'est un projet de l'État et nous sommes obligés de le faire.

Mais vous l'assumez plus tôt ? C'est une obligation que vous endossez avec j'imagine plus de facilité que les coupes budgétaires qui vont vous être imposées.


Bien sûr, l'enjeu c'est d'améliorer la qualité de l'air donc on est tout à fait prêt à le faire et surtout prêt à accompagner les habitants. Donc depuis trois ans, on travaille avec les entreprises, avec les habitants pour essayer de mettre en place un système qui puisse fonctionner parce qu'on sait que c'est compliqué évidemment pour beaucoup de gens. Alors d'abord sur le nombre de voitures. Si on compte effectivement toutes les voitures immatriculées dans le Rhône, c'est 160 000. On peut aussi compter toutes celles de la France, on est à 1 million 66 000. En réalité, en pratique, nous on a fait un comptage par un bureau d'études externe, neutre, 45 000 à 50 000 véhicules Crit'air 3.

Les 160 000 c'est l'agence d'urbanisme de Lyon...

Mais ça ne veut pas dire que les véhicules circulent et encore moins qu'ils circulent dans la ZFE. Donc ça, c'est le premier point. Dans ceux qui viennent dans la ZFE, il y a ceux qui viennent ponctuellement pour sortir. Au quotidien, ils prennent les transports en commun mais pour aller le soir au restaurant ou au cinéma, ils prennent leurs voitures. Là, ils ont droit à une dérogation petit rouleur qu'on a mise en place qui donne 52 jours par an d'accès à la ZFE, même avec un Crit'air 3. Et puis on a ceux qui travaillent et qui sont plutôt pauvres et qui du coup ont des vieilles voitures, qui travaillent en horaires décalés, qui commencent après 21h ou avant 6h du matin. On a mis en place une dérogation sur déclaration de l'employeur pour les gens qui travaillent en horaires décalés. Par ailleurs, on développe toutes les alternatives, les transports en commun, bien sûr les modes actifs. Et puis on avait mis en place, on a toujours mis en place d'ailleurs une aide au renouvellement des véhicules avec une subvention de la métropole qui venait s'ajouter aux 6 000 euros possibles d'aide de l'État. Mais le gouvernement Barnier a décidé juste avant d'être démissionné de supprimer cette aide de l'État, ce qui est complètement ridicule. On a deux ZFE qui sont maintenus, Paris et Lyon, et on ne peut plus aider les habitants de Paris et Lyon à changer de véhicule pour des véhicules plus propres. Mais bon, la cohérence et la logique ne sont pas obligatoirement des marqueurs de nos gouvernements actuels.


Cette dimension-là sociale, elle existe, c'est une réalité. Elle va être encore plus tangible en 2028 avec l'élargissement de la ZFE aux véhicules Crit'air 2. Est-ce que ça peut finalement vous amener à prendre en compte ça, à reculer, surtout maintenant que le gouvernement aide moins qu'il ne le faisait avant ?


Alors vous savez, je le redis, notre objectif et l'objectif de l'Europe et de l'État français normalement, c'est la qualité de l'air. On a quand même des dizaines de milliers d'enfants qui sont malades de la pollution et en particulier du dioxyde d'azote qui est majoritairement produit par les véhicules diesel. Cette qualité de l'air, elle s'améliore. On l'a dit, elle s'améliore plus vite dans la métropole de Lyon que dans toutes les autres villes françaises parce qu'on a mis en place des mesures, parce que la circulation diminue, parce qu'on a un réseau de transport en commun qui est de plus en plus développé et qu'il était déjà beaucoup avant. Donc si on continue de s'améliorer suffisamment et qu'en 2028 on atteint des seuils qui sont intéressants, on n'interdira pas les Crit'air 2 en 2028.

Il faut trois années consécutives sous les seuils. Ça veut dire que ça se joue dès maintenant ?

Bien sûr que ça se joue dès maintenant et surtout que l'Europe a décidé qu'en 2030 les seuils allaient baisser drastiquement puisqu'ils sont divisés par deux. Bon l'OMS voulait diviser par quatre mais l'Europe n'a fait que diviser par deux. Si on atteint ou si on a une trajectoire qui nous dit qu'on est capable d'atteindre les seuils prévus par l'Europe en 2030, on ne mettra pas en place l'interdiction des Crit'air 2. On en rediscutera en tout cas. En revanche, si on ne les atteint pas, on sera obligé de les mettre en place parce que sinon la France est condamnée par l'Europe et ça c'est des amendes qui se chiffrent en milliards d'euros.

Pour l'instant, la ZFE c'est une réalité, en revanche c'est un outil qui n'est absolument pas contrôlé. La préfecture du Rhône l'année dernière avait verbalisé seulement 10 automobilistes, la ville de Lyon qui met un peu plus de zèle en avait verbalisé 8000. le dispositif petit rouleur permet de contourner très très facilement. Finalement vous pouvez prendre votre véhicule tous les jours puisque vous devez vous enregistrer soit avant soit dans les 24 heures après. Donc si vous êtes contrôlé, vous avez 24 heures pour aller vous enregistrer, régulariser. Le seul problème c'est si vous vous y est contrôlé plus de 52 fois. Vu le zèle mis par les forces de l'ordre, il y a peu de chance que ça arrive. Donc en gros pour l'instant ça sert à rien...

Alors vous avez raison et en même temps c'est pas trop embêtant. Vous avez raison en 2019…

Ça ne vous dérange pas qu'une loi ne soit pas appliquée ?

En 2019 la ministre des transports de l'époque Elisabeth Borne avait promis à David Kimelfeld, alors président de la métropole, des radars en 2020. Maintenant ils sont attendus pour fin 2026. Donc l'Etat n'est pas au rendez-vous, l'Etat recule à chaque fois. Exactement comme sur les autres modes de contrôle, on a 200 radars vitesse qui attendent et que le ministre de l'intérieur monsieur Darmanin a bloqué pendant des mois et des années, je ne sais pas si on les aura un jour. On a un vrai souci avec la délinquance routière en France en particulier. Après est-ce que c'est vraiment embêtant ? On a aujourd'hui deux types de contrôles, vous l'avez dit, les polices municipales qui contrôlent essentiellement en stationnement et qui ont beaucoup d'autres choses à faire, donc ils ne font pas que ça.


Villeurbanne a dit, nous en plus on ne le fera pas parce qu'on considère que c'est
socialement injuste...

Non, il n'a pas dit qu'il ne le fera pas, parce que d'abord un maire ne peut pas dire je ne respecte pas la loi, un maire ne peut pas dire à un policier assermenté vous ne faites pas respecter la loi, c'est impossible. Mais ce n'est pas votre priorité. En revanche, vous avez beaucoup d'autres choses à faire et on le sait bien que les polices municipales ont beaucoup d'autres choses à faire, donc moi il n'y a aucun problème là-dessus. Mais c'est aussi une manière de se désolidariser, d'une mesure qu'ils trouvent peut-être socialement injuste. on est tous d'accord là-dessus, moi je n'ai aucun problème avec ce qu'a dit Cédric Van Styvendael, je partage complètement son analyse. Moi je sais que la police municipale de Lyon met, vous l'avez dit, quelques milliers d'amende par an avec quasiment un million de véhicules qui circulent tous les jours dans la métropole de Lyon, ça ne fait quand même pas beaucoup de contrôle. Cela dit, la préfète, vu que les radars sont encore reportés, a dit on va faire des contrôles de la police nationale en circulation. Pareil, la police nationale elle a un autre travail à faire, beaucoup d'autres, et donc elle ne fera pas du contrôle quotidien. Ce n'est pas très grave. L'enjeu c'est que l'information passe, que de plus en plus d'habitants se sentent concernés et viennent à l'agence des mobilités ou téléphonent pour avoir des renseignements, pour être accompagnés, pour changer de pratique ou pour changer de véhicule, et que petit à petit ça se mette en place. Si dans deux ans, deux ans un peu plus, on a des radars qui contrôlent, les gens ont eu le temps de s'adapter, de s'habituer et ça aura bien fonctionné. C'est mon objectif, ce n'est pas une mesure violente, mon objectif ce n'est pas le bâton, c'est plutôt comment est-ce qu'on accompagne les gens pour que ça se passe, parce que l'enjeu c'est quand même la santé humaine.

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