Pierre Botton
Pierre Botton, dans les locaux de Lyon Capitale, le 10 décembre 2023 @Antoine Merlet
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“La radicalisation est devenue une franc-maçonnerie chez les détenus”

L'ancien homme d'affaires lyonnais Pierre Botton, détenu à la prison de la Santé, raconte par le menu l'envers du décor des cellules françaises.

Pierre Botton. Un nom qui résonne comme le stigmate de l’un des plus gros scandales politique et financier français du milieu des années 90. Le businessman, alors gendre et directeur de campagne de l’ancien ministre et maire de Lyon Michel Noir, avait été impliqué dans une retentissante affaire aux côtés de l’homme politique. Il avait été condamné en appel pour abus de biens sociaux. Vingt-cinq ans après sa première incarcération, Pierre Botton est à nouveau reconnu coupable pour abus de biens sociaux. Il sera libéré le 12 juin 2022. Soit, au total, 1 332 jours en prison. Il vient de publier l’ouvrage QB4 (éditions Robert Laffont) dans lequel il raconte l’envers du décor des prisons françaises, entre “poids de l’argent de la drogue”, “corruption”, “ultra violence” et “omniprésence de l’islam radical”. Lyon Capitale l’a rencontré.

Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ?

Oui, dans le sens où je dis ce que je pense. Mais plus que grande gueule, je dirai lanceur d’alerte car je dénonce ce que personne ne dit et ne voit. J’ai passé 602 jours en prison lors de ma première incarcération, deux ans lors de ma seconde. Moi, c’est du vu et du vécu. Juste dans les dix-huit cellules du quartier dit VIP, aujourd’hui appelé QB4, où j’ai été enfermé, j’ai côtoyé un violeur de nourrissons, un gars de vingt-trois ans qui a tué et violé une dame handicapée de quatre-vingts ans, un copain de l’assassin de Samuel Paty, originaire de Vénissieux, qui a fait circuler les photos de la tête décapitée, un gros, gros, gros dealer, un tueur à gages qui a abattu sept personnes, un autre complètement décérébré qui a incendié un immeuble, causant la mort de huit personnes. Pour le spectacle, on peut rajouter Jean-Luc Lahaye, Georges Tron, Claude Guéant. Mais entre mes deux incarcérations, à vingt-cinq ans d’intervalle, les choses ont bien changé.

Avant de revenir sur ces évolutions de la prison, cela signifie que les prisonniers ne sont pas classés en fonction de leurs crimes ?

Non. Je milite, en vain, depuis des années et main dans la main avec les syndicats de surveillants pour le tri des prisonniers en fonction des actes qu’ils ont commis. J’ai éprouvé, horrifié, l’aspect insensé du mélange des détenus. Cela ne peut qu’entraîner des drames scandaleux, souvenez-vous du meurtre d’Yvan Colonna par un détenu radicalisé. On n’entre pas en prison pour y mourir sous les coups d’un fou identifié comme tel ! Or, j’ai vécu, et à plusieurs reprises, exactement les mêmes scènes que celle qui a conduit au décès de Colonna. C’est insensé et inadmissible.

Entre 1996, année du début de votre première détention, et 2020, année du commencement de la deuxième, qu’est-ce qui a fondamentalement changé dans les prisons françaises selon vous ?

La population pénale d’abord. 85 % des détenus sont originaires d’Afrique. Visiblement, on ne peut pas dire ce genre de choses, mais qu’on ne se trompe pas, je ne fais que constater ce que j’ai vu. Ce n’est pas raciste, c’est seulement une réalité que l’on ne peut pas masquer. Aujourd’hui, c’est la cité qui domine tout en prison, absolument tout. La première question que les détenus posent à leur arrivée est d’ailleurs de savoir s’il y a des types de leur cité. La deuxième question qu’ils posent, c’est de situer La Mecque pour pouvoir prier. Un jour, j’ai entendu un ancien dire : “Tu vois ton lavabo ? Tu pries la tête vers le lavabo, c’est la direction de La Mecque.” Sauf que les cellules ne sont pas disposées à l’identique… Le deuxième gros changement, c’est donc l’omniprésence de l’islam, bien plus frappante que lors de ma première incarcération. Mais ce n’est pas l’islam tel qu’il est pratiqué par des millions de Français. Celui-ci est colporté par des imams autoproclamés qui cautionnent la délinquance au motif du mauvais traitement que la République leur réserve. Il en découle, c’est la troisième évolution majeure dans les prisons, une hyper violence inouïe. Aujourd’hui, la discussion est impossible, le seul mode de communication des jeunes, ce sont les hurlements et la violence. Et il y a un rapport de force très tendu entre les surveillants et ces “gamins”. Le moindre “non” d’un gardien se termine en insultes et parfois en coups. Ils ont été élevés dans la violence, ils ne connaissent que ça. Un exemple parmi tant d’autres : lors d’une promenade en février 2021, je m’en rappelle car le détenu dont je vais vous parler portait un masque anti-Covid avec des inscriptions de Daesh, m’a-t-on dit. Ce détenu, donc, qui connaissait l’assassin de Samuel Paty, m’avait un jour expliqué, geste à l’appui, les difficultés à découper une tête avec un couteau de 38 centimètres et que depuis ses treize ans, il avait toujours connu les kalachnikovs et les Glock pour la drogue. Tout ça pour dire que si en1996, je ne me suis jamais senti en danger, en 2020, c’était une fois par semaine.

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