Jean-Marc Hourse, avocat
Jean-Marc Hourse @William Pham
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"Les pêcheurs sont les premiers écologistes de France"

Jean-Marc Hourse, avocat lyonnais, spécialiste du droit de l'environnement, est mandaté par les élus de plusieurs dizaines de communes de l'Ouest lyonnais pour porter leur plainte contre X pour écocide.

Spécialisé dans les contentieux environnementaux au barreau de Lyon, Jean-Marc Hourse va porter la très probable plainte collective de trente-cinq communes de l’Ouest et du Sud lyonnais contre X pour écocide. Le dossier, explosif, promet d’être le prochain scandale "du mauvais traitement fait par les autorités administratives et des industriels", sur la pollution massive des perfluorés, qualifiés de "produits chimiques éternels". Ils sont partout et tous les milieux, sans exception, sont contaminés.

Lyon Capitale : Vous considérez-vous comme une grande gueule ?

Jean-Marc Hourse : Peut-être a-t-il fallu que je sois une grande gueule dans le barreau parce que ça rend parfois service quand on démarre sa carrière. Pour autant, je ne me considère pas comme une grande gueule, je pense plutôt être un technicien du droit.

C’est-à-dire ?

Avoir une réputation de grande gueule permet éventuellement de se faire repérer par certains clients. Après, l’exercice est limité, je ne vous donnerai pas les noms de certains confrères qui se sont brûlé les ailes (sourires).

“Pendant des décennies, on a appliqué le ‘ça ne se voit pas donc on ne pollue pas’”
@William Pham

Quel est votre dernier coup de gueule ?

Les PFAS – en barbare les polyfluoroalkylées – ces polluants dits éternels qui contaminent tout l’Ouest et le Sud lyonnais. Ce dossier, dont je m’occupe, est absolument incroyable tant il met en exergue le dysfonctionnement du système administratif français. Plus de trente communes m’ont demandé de les défendre en déposant une plainte auprès du procureur de la République de Lyon.


"Pour résumer la pollution aux perfluorés, on pourrait utiliser le triptyque suivant : ‘je ne savais pas’, ‘ce n’est pas moi’ et ‘ce n’est pas si grave’”


Pour résumer l’histoire, de quoi s’agit-il ?

On pourrait utiliser le triptyque suivant : “je ne savais pas”, “ce n’est pas moi” et “ce n’est pas si grave”. Concrètement, l’industriel dit qu’on ne lui a jamais rien dit, que par voie de conséquence ce n’est pas sa faute parce qu’après tout il fallait que l’administration fasse son boulot et lui donne une liste de produits à ne pas utiliser. Et en définitive, ce même industriel nie la gravité de la situation au motif que si c’était si sérieux que cela, on serait tous morts puisque plus de 95 % des gens ont des perfluorés dans leur organisme. La boucle est bouclée.

Cela sous-tend-il que les industriels ont dissimulé des informations ?

Ils ont surtout volontairement méconnu le principe de précaution. Dans les faits, des affaires similaires se sont produites sur le continent nord-américain, elles ont abouti à des transactions judiciaires. Il n’y a donc pas de raisons d’imaginer que ce qui était nocif pour nos cousins américains puisse être bénéfique pour les Européens.

À une certaine période, ces petites communes de l’Ouest lyonnais, touchées par cette pollution, ont-elles pu s’accommoder de la présence de ces grosses usines de pétrochimie, Arkema et Daikin pour ne pas les citer, parce que pourvoyeuses d’emplois et généreuses en taxe professionnelle ?

Je ne crois pas qu’on puisse incriminer les communes parce que, très honnêtement, le niveau de conscience du produit ne pouvait pas se faire au niveau de toutes ces mairies. On ne pouvait pas dire aux maires qu’ils auraient dû mener une enquête pour savoir que les produits utilisés par les industriels étaient toxiques. Ces communes doivent donc être pleinement disculpées. Le second point, c’est qu’on ne peut pas reprocher à un maire de vouloir développer son territoire et d’attirer des emplois. Et tant qu’à choisir, ces communes auraient préféré des industriels qui travaillent à peu près proprement. Je pense que si on avait appliqué le principe de précaution, on aurait très certainement pu traiter ces polluants par des bassins de décantation en amont, et le traitement des eaux, plutôt que de faire comme on le fait habituellement, à savoir balancer à la rivière. C’est formidable : ça sort chez toi, ça coule chez le voisin et ça se voit plus. Quand j’étais gamin, et que j’allais à la pêche, je me rappelle qu’il y avait toujours un endroit où ça sentait mauvais, avec un tuyau qui balançait une espèce de boue nauséabonde. On a fait ça avec un biais cognitif pendant des décennies : ça ne se voit pas donc on ne pollue pas.


“Certains parlementaires pensent qu’il y a sans doute eu des actions de lobbying industriel”


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