Salman Rushdie © Rachel Eliza Griffiths

Salman Rushdie : "Le Couteau", le livre qui déchire !

Je compris qu’il fallait que j’écrive le livre que vous êtes en train de lire avant de pouvoir passer à autre chose. Écrire serait pour moi une façon de m’approprier cette histoire, de la prendre en charge, de la faire mienne, refusant d’être une simple victime. J’allais répondre à la violence par l’art.” Ainsi Salman Rushdie évoque-t-il son dernier livre, Le Couteau, réflexions suite à une tentative d’assassinat, à l’intérieur même de celui-ci. Il est remarquablement parvenu à l’objectif qu’il s’était assigné : répondre à la violence par l’art.


L’auteur des Versets sataniques s’était déjà confronté à l’autobiographie avec Joseph Anton, sorti en 2012. Un pavé de 900 pages, passionnant mais touffu, enchevêtrant différentes histoires et couvrant plusieurs décennies. Le Couteau est un livre, si l’on ose dire, beaucoup plus tranchant, incisif et bref. Ce qui lui permet d’aller à l’essentiel.

Tout en étant extrêmement précis sur la nature de l’agression qu’il a subie, le 12 août 2022, lors d’un colloque qui portait, ironie du sort, sur la sécurité des écrivains. Il décrit comment, dans un état de sidération absolue, il vit surgir des premiers rangs un jeune homme vêtu de noir qui le poignarda à quinze reprises, sans prononcer une parole. Avant que des organisateurs et des spectateurs – Rushdie rend un vibrant hommage à leur courage – ne parviennent à maîtriser le forcené. Qui se révélera être un abruti fini, le cerveau – ou la bouillie qui lui en tient lieu – essoré par des prêcheurs islamistes sur Internet. Comme s’il allait exécuter la fatwa qui poursuit Salman Rushdie, décrétée par l’ayatollah Khomeini quelques mois après la parution des Versets sataniques, en 1988…

Clarté et humour caustique

Passé tout près de la mort, n’ayant désormais plus qu’un seul œil, Rushdie s’en sort par miracle et après une convalescence éprouvante, durant laquelle il tient une minutieuse chronique.

Il évoque aussi les grands écrivains encore vivants à l’époque, Martin Amis, Paul Auster, Colum McCann et d’autres, auxquels il est lié par une solidarité littéraire et une solide amitié. Il s’exprime avec une clarté et un humour caustique sur ce tout qui l’a aidé à se remettre en selle : la littérature, la confiance, malgré ses malheurs, en l’avenir et l’amour des siens. À cet égard, les quelques pages qu’il consacre à sa compagne, la poète et photographe Rachel Eliza Griffiths, sont simplement bouleversantes.

Le Couteau, réflexions suite à une tentative d’assassinat – Salman Rushdie, éditions Gallimard, 275 p., 23 €.

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