Des cabines du téléphérique toulousain @AnthonyFaure

Reportage : on a visité le téléphérique de Toulouse… et il est incomparable avec le projet à Lyon

Au printemps 2022, Toulouse aura son téléphérique, Téléo. Un transport par câble de 3km qui franchira notamment la Garonne. Un projet et une technologie intéressants mais incomparables avec le projet du Sytral entre Francheville et Lyon. A Toulouse, il ne survole que des espaces très peu urbanisés. Reportage et décryptage.

De notre envoyé spécial à Toulouse.

La ville rose va avoir son transport par câble. Dès 2022. Le téléphérique toulousain a en effet de l'avance sur le projet lyonnais, qui n'en est qu'à ses (tourmentés) débuts. L'origine du Téléo, c'est le nom du téléphérique toulousain, date du début des années 2000. Après l'explosion et la catastrophe AZF. Un projet qui a près de 20 ans. Porté par la droite, puis la gauche, puis encore la droite. Emporté par un consensus politique local.

Un projet original, innovant, adapté à la géographie toulousaine

Au final, Téléo fera 3km et reliera l'Université Paul Sabatier (environ 30 000 étudiants) au nouveau quartier de l'Oncopole (environ 10 000 emplois) en passant au-dessus de la colline et de la Garonne avec une station intermédiaire à l'Hôpital Rangeuil (environ 200 000 consultations médicales par an). A l'Université Paul Sabatier, Téléo est incorporé au sein d'un pôle multimodal, avec un arrêt de métro et une gare de bus.

Nous l'avons visité. L'ouvrage, actuellement en phase de tests, et dont les travaux ont commencé en 2019, se fond bien dans le paysage avec 5 pylônes et 3 stations sur un parcours de 3 km. Des pylônes de 30 mètres à 70 mètres de haut, de 125 à 400 tonnes. Le téléphérique toulousain utilise la technologie 3S (tricâble), les cabines sont imposantes (elle peuvent accueillir jusqu'à 35 personnes, il faut plutôt compter 15-20 places) et il peut en circuler une toutes les deux minutes (il y en a 14 en tout). L'ouvrage ne fait quasiment aucun bruit, et peut fonctionner jusqu'à des rafales de vent à 108km/h.

Ce pylône fait 47 mètres de haut. Le plus haut fait 70 mètres de haut @AnthonyFaure
Une cabine du téléphérique toulousain @AnthonyFaure

Les points positifs :

  • le téléphérique toulousain ne fait pas de bruit (il utilise la technologie 3S, les premières études à Lyon privilégient plutôt la solution monocâble)
  • des cabines spacieuses
  • des stations à hauteur d'homme (pour deux d'entre elles sur trois)
  • l'accessibilité, pour les personnes à mobilité réduite
  • la possibilité d'embarquer à bord des vélos
  • l'ouvrage se fond assez bien dans le paysage, mais peu de cabines
  • il résiste bien au vent (à confirmer pour une technologie monocâble)
  • il permet de faire en 10 minutes un parcours de plus de 30-35 minutes
  • aucune expropriation

3 questions à Fabienne Cresci, la directrice générale des services de Tisseo-Collectivités, l'équivalent du Sytral Toulousain

Lyon Capitale : Pourquoi cette utilité du téléphérique à Toulouse ?

Fabienne Cresci : Les premières idées de survol à Toulouse interviennent en 2003. Cet ouvrage nous permet de faire ce qu’on appelle la ceinture sud à Toulouse, c’est-à-dire une desserte transversale, extrêmement importante pour Toulouse car elle était beaucoup moins traitée. C’est un projet qui passe par des équipements importants pour les toulousains (hôpital, université et oncopole), c'est important de relier ces pôles. Il y a la colline, la Garonne et le service bus est extrêmement lourd. On était sur des trajets supérieurs à 30 minutes. Grâce à Téléo, on va avoir une desserte importante pour des territoires qui se développent énormément.

Qu'est-ce que ce téléphérique survole ?

FC : Il enjambe la colline, il passe au-dessus de la Garonne mais cet ouvrage survole des espaces peu urbanisés et peu habités. Le corridor (le trajet) du téléphérique a posé très peu de problèmes.

Comment ce projet a-t-il été accepté par la population ?

FC : Très bien. Cela s’explique aussi par les zones de survol. A Toulouse, ce sont des zones très naturelles. On a eu un problème à un moment donné pour le survol d'un lycée. La station de départ (à l'université Paul Sabatier) devait être de l’autre côté de la gare de bus. Le lycée était totalement opposé à cela. Du coup, une autre option a été retenue. On a eu de grosses problématiques de compensation d'arbre. Mais sinon, c’est un objet d'intérêt pour la population. Dans l’imaginaire des gens, ce téléphérique s’apparente à quelque chose d’intéressant, d’original.


"Toulouse, ce n'est pas comparable (avec le projet à Lyon)

Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole de Lyon et du Sytral


Pour résumer, c'est un projet original, innovant, et plutôt bien adapté dans la géographie toulousaine. Mais peut-il vraiment être comparé au projet lyonnais, qui fait tant et tant débat depuis son annonce détonante en décembre 2020, qui suscite tant et tant de débats dans l'ouest lyonnais ? Clairement, non. "Ce n’est pas du tout les mêmes types de projets, ce n’est pas comparable", reconnaît Jean-Charles Kohlhaas, vice-président écologiste de la Métropole de Lyon en charge des déplacements, et vice-président délégué du Sytral.

Kohlhaas pilote ce projet au Sytral. Il détaille son sentiment sur le téléphérique toulousain : "J’étais plutôt convaincu que c’était un bon système. J’ai été bluffé, notamment par l’absence de bruit. C’est impressionnant. Au pied du pylône, on entend la voirie qui est à 1km, on n’entend pas le câble qui circule. Je suis encore plus convaincu que c’est un bon projet. Après, je ne remets pas en question les enjeux d’insertion et de survol qui peuvent impacter la population. Il faut travailler ça. C’est un très beau mode de transport pour traverser des obstacles sur des distances qui ne sont pas très longues". Le téléphérique toulousain utilise la technologie 3S (tricâble) avec des cabines imposantes (elle peuvent accueillir jusqu'à 35 personnes, il faut plutôt compter 15-20 places) mais un débit pas très important (une toutes les deux minutes). Les premières études, à Lyon, privilégient plutôt la solution monocâble avec une fréquence d'une cabine toutes les 20 secondes. Et des cabines plus nombreuses mais plus petites, pouvant accueillir moins de personnes. Certainement aussi moins confortables et davantage exposées au vent. Quant au bruit, le téléphérique n'en fait pas à Toulouse. A confirmer avec une autre technologie.

Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon © Antoine Merlet
Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon © Antoine Merlet

 

Dans un bus qui nous mène d'une station à l'autre du téléphérique toulousain, Bruno Bernard, le président du Sytral et de la Métropole de Lyon, dit la même chose : "Il n’y a pas de bruit, il n’y a pas de vent. Les problèmes qui se posent (dans le projet lyonnais), c’est l’implantation des stations et des pylônes, et le survol qui peut, pour des raisons objectives ou subjectives, gêner les habitants à proximité. Il y a des avantages au projet qui sont énormes : offrir des mobilités, un gain de temps de parcours énorme. Nous, sur l’ouest lyonnais, on a des collines, on a des obstacles à franchir, le câble semble pertinent".


Les contraintes d'insertions sont beaucoup plus fortes dans le projet à Lyon


Le téléphérique toulousain ne survole presque aucun espace urbanisé. Rien à voir avec le projet Francheville-Lyon. Les deux études de pré-faisabilité avaient notamment, aussi, toutes les deux, diagnostiqué et anticipé des importantes contraintes d'insertion, très impactantes, notamment à Sainte-Foy-lès-Lyon. Aucune expropriation à faire non plus à Toulouse. Contrairement à Francheville, à Sainte-Foy ou encore à la Mulatière. Le Sytral ne pourra pas se servir de l'exemple toulousain pour "pousser" son projet Francheville-Lyon.

Quand on imagine le territoire de la Métropole de Lyon, le téléphérique toulousain nous rappelle plutôt la géographie de l'une des lignes étudiée en 2019 entre Rillieux et le Grand Large à Décines-Meyzieu, en passant et en surplombant le parc de Miribel-Jonage. Nous soumettons la remarque à Bruno Bernard. "Moins il y a monde, plus c’est facile de le faire mais moins c’est intéressant. L’objectif, c’est qu’il y ait du monde dedans. On peut aussi trouver un endroit où il y a rien", sourit le président du Sytral. "L’enjeu, c’est de trouver une insertion qui permette à la fois de mettre des stations pour desservir des gens et de survoler le moins d’habitations possibles. C’est ça l’enjeu", ajoute Jean-Charles Kohlhaas.


"Si les gens n'en veulent pas, on reculera"


Mais c'est possible, ça, pour relier Francheville à Lyon ? "C’est sûrement plus compliqué qu’à Toulouse, reconnaît Kohlhaas. Mais pour moi, rien n’est jamais impossible. On va regarder de près, on va voir si c’est possible, et on va voir comment les gens l’acceptent ou pas. On remet dans la concertation l’opportunité du projet. Si les gens n’en veulent pas, on reculera".

Depuis l'annonce et la mise au plan de mandat du Sytral du projet, en décembre 2020, Bernard et Kohlhaas ont peu à peu adouci leur discours. De plus en plus, l'idée d'abandonner le projet, en cas de "NON" de la population, fait son chemin. Une concertation va avoir lieu du 15 novembre 2021 au 15 février prochain. Dans une ambiance qui s'annonce déjà électrique. "Une concertation, ce n’est pas un sondage, ce n’est pas un vote. Ce sont des échanges, c’est de l’intelligence collective. Si on se rend compte qu’il y a beaucoup de gens, qui même après nos arguments, nous disent "non, on n’en veut pas", on reviendra sur l’opportunité du projet", poursuit Kohlhaas, qui poursuit que trois tracés clairs seront soumis à la concertation. Beaucoup plus précis que les fuseaux présentés en juin. "On sera sur une fourchette d’une cinquantaine de mètres (pour les trois tracés), affirme Kohlhaas.

Des cabines du téléphérique toulousain @AnthonyFaure

Bruno Bernard, de son côté, sait pertinemment que la partie sera loin d'être facile lors de la concertation. "On avait sous-estimé l’effet médiatique et la force de l’opposition, reconnaît aujourd'hui Bernard. Je n’avais pas anticipé que des maires qui disaient "il faut étudier, il faut regarder il y a trois ans" soient contre désormais". Les opposants, eux, sont organisés et déterminés. Notamment à Sainte-Foy-lès-Lyon, où les opposants sont très nombreux et la maire, Véronique Sarselli, farouchement contre. Si les deux directeurs de cabinets de Bernard et de Sarselli se sont vus il y a peu, les discussions sont au point mort entre le président du Sytral et la maire de Sainte-Foy. "Il n’y a pas de dialogue avec Madame Sarselli, elle est dans une position qui ne permet pas le dialogue aujourd’hui. J’espère qu’elle va en changer", insiste Bernard.

Or, aller de Francheville à Lyon sans passer par Sainte-Foy, c'est compliqué... Place désormais à la concertation. "J’aborde la concertation de façon ouverte. Je veux qu’on fasse un état des lieux des mobilités dans l’ouest lyonnais, qu’on regarde les projets possibles. Et qu’on regarde les trois tracés du transport par câble, je souhaite que le débat se fasse sereinement". De la sérénité ? Il n'y en a pas eu beaucoup autour de ce projet depuis son annonce fracassante en décembre 2020. Peu de chances que cela change ces prochaines semaines...

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