Programmé à Lyon pour la première fois, le chorégraphe Trajal Harrell met en mouvement The Köln Concert de Keith Jarrett. Un moment de grâce.
La Maison de la danse nous propose de découvrir Trajal Harrell, chorégraphe américain de 51 ans, formé dans les écoles de Trisha Brown et Martha Graham… et nouvelle coqueluche de la scène chorégraphique internationale !
Jamais programmé à Lyon, lauréat du lion d’argent à la Biennale de la danse de Venise 2024, il fut pourtant révélé en France avec la série de pièces Twenty Looks or Paris is Burning at The Judson Church présentées au Festival d’automne en 2013, démontrant une danse qui explore le mélange des genres entre voguing et danse post-moderne américaine, traversée par les problématiques sur le genre, le féminisme et le postcolonialisme.
Fondateur du Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble depuis 2019, il présente The Köln Concert, une pièce culte où il met en mouvement cette performance au piano de Keith Jarrett, nous offrant la synthèse d’une écriture chorégraphique enrichie d’une recherche personnelle sur le butô. Ce que nous avons pu voir du spectacle n’est pas une interprétation du Köln Concert mais une partition chorégraphique que l’artiste mène en douceur aux côtés de six autres interprètes et dont la forme – un défilé de mode – est le point d’appui pour révéler l’ombre et la lumière de chacun.
Entrevoir la possible laideur à côté de la beauté
C’est d’abord sur la musique blues et mélancolique de Joni Mitchell que seul sur scène il nous invite à partager ce qui sera un moment de rencontres, rejoint ensuite par les danseurs et danseuses qui, au travers de solos, imposent leur corps et affirment ce qu’ils sont.
Et bien qu’ils ne se touchent jamais – la pièce a été créée pendant le confinement avec la distanciation imposée –, ils parviennent à garder le lien entre eux pour créer une communauté intense et attentive à l’autre, laissant émerger malgré tout leur solitude dans une incroyable légèreté. Passionné de mode, de couleurs et de vêtements dont il s’inspire pour écrire sa danse, le chorégraphe est allé chercher dans le butô, appelé “danse des ténèbres”, la part invisible de l’être humain jouant notamment sur le noir des costumes. À l’inverse du voguing, la danse est sans extravagance, entre équilibre et déséquilibre, là où chacun laisse apparaître les failles et les fragilités, la possible laideur à côté de la beauté.
Elle est un moment que l’on ressent à la fois puissant et évanescent comme la musique de Keith Jarrett où elle se love avec des poses sculpturales, des corps qui déploient de subtiles ondulations de bras, se trouvant par moments empêchée et vacillante.
Aérienne, la partition de Trajal Harrell est composée de mouvements simples qui paraissent suspendus ou inachevés dans l’espace, proposant aux spectateurs de s’en emparer pour les prolonger ou en imaginer d’autres à partir de leurs émotions intimes, acceptant ainsi ce partage de la danse !
The Köln Concert - Trajal Harrell – Les 29 et 30 avril à la Maison de la danse