Avec Metamorphosis, Le Concert de l’Hostel Dieu nous invite à l’Auditorium le temps d’un événement pas comme les autres : un programme thématique original et rafraîchissant augmenté par des projections vidéo inspirées de l’univers de Mœbius.
À l’époque baroque, le concept de propriété intellectuelle n’existe pas encore. Réutiliser du matériau d’un autre compositeur pour sa propre composition peut être considéré comme un hommage et non du plagiat. Pastiches, parodies, recyclages : on passe son temps à se chiper des thèmes, des motifs jusqu’à la composition dans son intégralité comme pour la cantate BWV 1083 de J.-S. Bach où ce dernier emprunte à son contemporain italien Giovanni Pergolèse le célèbre Stabat Mater en remplaçant le texte original par le Psaume 51 chanté en allemand. Le tour est joué ! Pas de scandale en vue.
Miroirs et correspondances
S’inspirant de ce type de pratique faisant partie intégrante de la culture baroque, le chef et claveciniste du Concert de l’Hostel Dieu, Franck-Emmanuel Comte, nous concocte ici un programme original au cours duquel s’invitent des compositeurs des XXe et XXIe siècles.
C’est le style concertant et la forme concerto typique du début du XVIIIe siècle qui sont ici à l’honneur. Et la proposition de Franck-Emmanuel Comte a le mérite de tenir ses promesses puisque tout se tient au sein d’un programme mobilisant les jeux de miroirs et les correspondances.
On entame avec le Concerto pour deux violons et violoncelle RV 578a extrait de L’Estro Armonico de Vivaldi dont le premier mouvement réapparaîtra, plus tard dans le programme, sous la forme de deux intermezzos : dans son réarrangement “d’époque” de la plume du compositeur Pisendel, puis à travers l’interprétation de F.-E. Comte lui-même.
Place à J.-S. Bach dont le Concerto pour violon en ré mineur BWV 1052R, également au programme, n’est que la transcription de son propre Concerto pour clavecin BWV1052 :un modèle de recyclage abouti !
Le jeu des 7 différences
On passe à quelque chose de plus délirant avec la relecture des célébrissimes Quatre Saisons de Vivaldi par Karl Aage Rasmussen dans un style étrange pour une œuvre de 2018. En effet, le compositeur danois opte pour une esthétique néo-baroque et conserve de l’œuvre vivaldienne la quasi-totalité du matériau thématique et harmonique. Il se contente de parsemer le tube connu de tous de petites touches personnelles, parties supplémentaires, variations rythmiques, jeux d’écho en canon et autres ajouts divers. C’est plutôt bien fait et même drôle et ludique pour l’auditeur de comparer ainsi aisément l’original et la “copie” comme au jeu des sept différences.
On achève ce voyage à travers le temps avec Karl Jenkins et son concerto grosso Palladio de 1995, inspiré d’Albinoni et Vivaldi. Là encore l’esthétique ne déroutera pas celles et ceux qui craignent la musique contemporaine. On reste dans du familier pour l’amateur de baroque avec ce petit truc qui cloche, un parfum d’anachronisme relativement sympathique.
Un Concert augmenté
Rassurez-vous, nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises !
Tout d’abord car Le Concert de l’Hostel Dieu a choisi ici d’inviter un soliste en la personne de Stefan Plewniak. Le violoniste polonais – au style plutôt rock’n’roll aussi bien par le jeu que par l’allure – assurera ainsi les parties de violon solo.
Mais, cerise sur le gâteau, ce spectacle se verra “augmenté” par des projections animées en direct par le vidéaste Christophe Waksmann. Et là encore, l’originalité s’invite à la fête puisque ce contrepoint graphique à la musique interprétée sera inspiré de l’œuvre de Jean Giraud, alias Mœbius. Une dizaine de planches (animées par le vidéaste) seront ainsi projetées sur scène, évoquant trois mondes imaginaires imaginés par Mœbius (Le Monde d’Arzak, La Faune de Mars et Le Paradis de Dante, inspiré des gravures de Gustave Doré).
Une proposition ambitieuse qui tranche avec le train-train des concerts habituels.
Metamorphosis –Mardi7 mai à 20 h, à l’Auditorium