Youpi ! Après de trop longues années de silence, le Lyonnais Daisy Lambert remet le couvert pop avec Attractions, chapitre I, premier volume d’une série d’EP nourrie de belles et prestigieuses collaborations. L’occasion de revenir en détail sur l’œuvre indispensable – et forcément trop méconnue – de cet orfèvre pop, musicien très sérieux qui aime tant faire croire qu’il ne l’est pas.
En 1996, dans un épisode de leur très culte (même si assez confidentielle) série À la rencontre de divers aspects du monde contemporain ayant en commun leur illustration sur support audiovisuel, qui leur valut de se faire connaître à la télévision à la suite de leurs élucubrations radio dans “La Grosse Boule” de Radio Nova, Édouard Baer et Ariel Wizman mettaient en scène les péripéties absurdes de l’Agence Lambert. Quelque part entre Artmedia, Publicis, Century 21 et L’Agence tous risques, l’agence fondée par Michel et Guy-Pat’ Lambert officiait à la fois comme agence de comédiens, agence immobilière, agence de communication, agence matrimoniale, de communication, de conseils ecclésiastiques et bien sûr agence de détective, en bref, comme agence de tout ce qui peut être agencé. Un éclectisme qui charriait la promesse d’une vie d’aventures, d’un emploi du temps particulièrement chargé et d’une cascade de loufoqueries comme Baer et Wizman en avaient alors le secret.
Une insulte à la banalité
Deux décennies plus tard, on aurait très bien pu voir en Daisy Lambert un petit frère des deux précités, tout à fait apte à intégrer l’omnisciente agence. À la fois dandy minute au prénom de fille, chanteur-crooner de variété et auteur-compositeur pointu, amoureux transi et coureur de jupons, parolier éploré et ironiste de compétition, amateur de David Lynch et de pop italienne, de Wes Anderson et d’Alain Chamfort. Bref, une insulte à la banalité, un affront au comme tout le monde.
C’est ainsi, mais encore pas tout à fait, qu’il nous apparaît en plusieurs étapes au début des années 2010, parce que le personnage s’apprivoise. D’abord en 2011 avec My Pearl. Pas tout à fait, car la chose aura, à rebours, des airs de flagrante fausse piste. Un single aux accents électro-punk doublé d’un tube dévastateur aux envolées de guitares électriques kitschissimes. Et pour l’accompagner un clip d’un mauvais goût délicieux mettant en scène une jeune femme d’à peu près 150 ans droit sortie d’un cliché de Martin Parr, dont l’âge se compte aisément sur les rides taillées aux UV et les plis sculptés par la pomme de Newton, pourléchant un caniche à mémère de sa bouche plâtrée pendant que Daisy Lambert se la donne sur un tapis de course doué de téléportation (c’est le synopsis le plus proche de cet ovni qu’on ait trouvé). Un petit choc qu’on ne parvient pas tellement à prendre au sérieux mais qui témoigne d’une personnalité certaine. En gros, on se dit qu’il y a là du talent mais on sent comme une tendance à pouvoir le gâcher juste pour l’amour de la blague. D’ailleurs, quelque temps plus tard, Daisy Lambert assoit sa propension à ne rien faire comme les autres, au milieu de la patinoire Charlemagne où il livre un concert d’anthologie parmi les patineurs, et notamment ce My Pearl. Il commence à nous plaire. Et finit de le faire lorsqu’il publie son premier long format, un album titré Chic Type.
Chic Type
Sur la pochette : un Daisy en costume blanc, très Christophe (l’une de ses idoles à qui il emprunte ce prénom né d’une chanson androgyne du dernier des Bevilacqua), trône en semi-flou lumineux sur un fauteuil en rotin façon Emmanuelle, assumant d’emblée, tant qu’à faire, le risque d’exposition dû à sa condition d’artiste par un effet de surexposition. Derrière la pochette, sur la galette : des titres oscillant entre le rétro-futurisme (D.A.I.S.Y., Santorin, Norma Jean Baker qui s’attaque à l’énigme de la mort de Marilyn), l’envolée faussement eighties-kitsch (Le Nuage des génies), la pop cosmique (La Femme fontaine), la variét’ rock FM (Tes Seins tes poignets), le funk de l’espace (L’Aventure), la boss synthétique (Un Type comme moi).
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