À Lyon, Hamon tente de (re)faire battre le cœur du PS

Distancé dans son duel à gauche avec Mélenchon et Macron, Benoît Hamon a tenté, en meeting à Villeurbanne, de revenir aux fondamentaux du PS – l’égalité des chances, la défense des services publics et le revenu universel – pour endiguer le phénomène du vote utile. Mardi, des élus locaux socialistes lui ont aussi réitéré un soutien jusque-là assez discret.

À une dizaine de jours d'une élection présidentielle où il est désormais cantonné aux seconds rôles, d'après tous les instituts de sondage, Benoît Hamon a tenté de relancer sa campagne lors de son meeting lyonnais. Dans une Astroballe plutôt remplie et fiévreuse, Benoît Hamon a donné l'impression de sauver ce qui peut encore l'être. En chute libre depuis quelques jours – il est plus près de ne pas être remboursé de ses frais de campagne (le seuil de 5%) que d'une qualification au second tour –, Benoît Hamon en est revenu aux fondamentaux du PS. À ce qui fait habituellement vibrer les cœurs socialistes : dénonciation d'une République qui ne réduit plus les déterminismes sociaux, charges puissantes contre le FN et Pierre Gattaz (le patron du Medef, qui a rangé ce week-end le programme économique du PS au même niveau que celui de Marine Le Pen). Dans une campagne où les certitudes volent en éclats, Benoît Hamon a voulu offrir aux militants et sympathisants un meeting réconfortant.

Les élus l’assurent de leur soutien

Quelques instants avant l'entrée en scène du vainqueur de la primaire, des élus régionaux avaient battu le rappel pour lui. Dans une élection où l'ubuesque est devenu la norme, plus de deux cents élus PS ont tenu à rappeler qu'ils le soutenaient. Ce qui allait sans le dire hier doit désormais être rappelé avec force. Surtout à Lyon, une ville où de nombreux socialistes, dans le sillage de Gérard Collomb, ont rallié Emmanuel Macron. "On fait campagne même si ça ne se voit pas", admet Philippe Reynaud, conseiller régional PS. Les élus socialistes voulaient, mardi, tordre le cou au feuilleton des ralliements à Emmanuel Macron. "Les élus de la région dans leur immense majorité soutiennent Benoît Hamon. Le cœur de ce qu'est le PS est derrière notre candidat", avance Jean-François Debat, président du groupe PS au conseil régional. À ses côtés, en première ligne, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale et candidate aux législatives à Villeurbanne, joue les VRP de l'unité du parti : "Nous ne soutenons pas Benoît Hamon au nom d'une loyauté au PS et aux primaires. Ce sont des choses importantes, mais nous sommes là par adhésion au candidat et à son programme."

Pédagogie

Dans une campagne qui décroche, l'aveu d'échec du candidat Hamon commence à poindre. Najat Vallaud-Belkacem regrette par exemple un déficit de "pédagogie du programme auprès des électeurs". De son aveu, il n'est plus vraiment question de victoire mais de "placer notre candidat le plus haut possible". Et la ministre de l'Education nationale de voir le positif dans la candidature de Benoît Hamon : "Il a mis dans le débat des sujets importants sur le rapport au travail, la transition environnementale et numérique." Pour expliquer la chute de Benoît Hamon dans les intentions de vote, donc l'effondrement pronostiqué du PS, Najat Vallaud-Belkacem regarde vers Emmanuel Macron : "Le problème, c'est cet ovni qui convainc des gens qu'il est de gauche alors que lui-même dit qu'il est à moitié de gauche et à moitié de droite. Et le phénomène est rendu plus fort par le vote utile." Ce credo est devenu depuis quelques jours l'ennemi du PS, après en avoir fait les beaux jours depuis 2002. "Benoît Hamon est victime de la concurrence. Emmanuel Macron incarne le vote de raison, de celui de la gauche de gouvernement. Jean-Luc Mélenchon capte le vote du cœur de gauche. Entre eux, il n'arrive pas à exister", regrette un ancien soutien de Manuel Valls au sortir du meeting.

Défense des services publics

À Villeurbanne, mardi soir, face à la menace Mélenchon dont la progression coïncide avec sa propre chute, Benoît Hamon a voulu faire une synthèse entre ces deux rivaux dont il a pointé les lacunes. Il reproche notamment à Jean-Luc Mélenchon ses positions européennes. Il a aussi voulu alerter les électeurs sur les ressorts qui profitent à ses concurrents de gauche. Rappelant ses visites de terrain, notamment en banlieue ce mardi, il a mis en garde son public contre les tribuns Mélenchon et Macron : "On ne peut pas faire campagne que dans des meetings par une relation césariste." "Dans cette élection, il ne faut pas seulement se dire pour quel profil je vote mais qu'est-ce qui est bon pour vous. Dans cette campagne, on ne parle pas de l'urgence sociale et démocratique. Je ne parlerai que de ça. Le peuple mérite mieux que des grandes phrases et du storytelling", a-t-il averti. Il a aussi appelé ses rivaux à plus de clarté : "Je le dis à François Fillon et Emmanuel Macron, qui veulent supprimer des postes de fonctionnaires : vont-ils fermer des cantines, enlever des Atsem, des policiers municipaux ? Fonctionnaire, c'est un métier, un service public indispensable." Quelques instants plus tôt, il avait pointé le parallèle entre la baisse des services publics et l'augmentation des résultats électoraux de Marine Le Pen : "Dans chaque village où un bureau de poste ferme, le FN progresse de 10%." Les critiques à l'encontre de la présidente du Front national ont été, d'une certaine manière, le fil rouge du meeting de Benoît Hamon. Il a demandé aux potentiels électeurs de Marine Le Pen de s'interroger : "Si vous lui donnez votre bulletin de vote, vous le rendra-t-elle ? Quand des nations ont été données à l'extrême droite, rarement le pouvoir a été rendu au peuple (…) Si vous installez Marine Le Pen au pouvoir, sachez que vous prenez le risque de ne jamais retrouver un jour le pouvoir (..) Si vous aimez vos enfants, vous ne pouvez pas voter Marine Le Pen."

“Celui-là, vous pouvez le siffler”

Le nom de Pierre Gattaz, président du Medef, qui a vivement critiqué le programme de Benoît Hamon, a aussi été offert aux sifflets de la foule : "Celui-là, vous pouvez le siffler." Avant de le tourner en dérision : "Il est absurde de faire dire aux gens “J'aime l'entreprise”. C'est aussi absurde que de leur demander de dire “J'aime le poisson”. Chez les poissons, il y a les requins et les sardines. Il y a des entreprises que l'on aime et celles qui jettent leurs salariés comme des mouchoirs, qui font de l'évasion fiscale, qui délocalisent sans rendre les aides publiques. Ces entreprises-là, nous ne les aimons pas." Benoît Hamon a ensuite déroulé son programme et les deux mesures phares qui l'avaient porté à la victoire de la primaire de la Belle Alliance populaire : la taxe robot et le revenu universel. Dans la campagne de cette présidentielle, elles peinent à séduire hors du cadre des militants réunis ce mardi soir à l'Astroballe.

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