Collomb
Benjamin Roure

À Lyon, PS cherche unité désespérément

Samedi, lors de l'Université de l'engagement organisée à Lyon, Najat Vallaud-Belkacem, Gérard Collomb et Jean-Christophe Cambadélis ont mis au jour leurs différences de stratégies électorales pour la présidentielle.

Collomb, Cambadélis et Vallaud-Belkacem à Lyon

Benjamin Roure
Collomb, Cambadélis et Vallaud-Belkacem à Lyon

Au terme d'une journée de débats et d'ateliers, qui réunissait chercheurs et militants socialistes de la région à l'Espace de l'Ouest lyonnais au Point du jour, l'Université de l'engagement de Lyon accueillait sur scène trois voix du PS qu'on savait pas toujours raccord. Entre Najat Vallaud-Belkacem "fière" du bilan du gouvernement, Gérard Collomb plus critique et qui roule pour Emmanuel Macron, et le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis qui tente, tant bien que mal, d'initier un rassemblement dès le premier tour de l'élection présidentielle, la promesse d'une opposition de styles et d'idées existait. Et s'est concrétisée sur la tribune et dans la salle.

Après une introduction pondérée et presque grave de David Kimelfeld, premier secrétaire fédéral du Rhône, qui a appelé ses camarades socialistes à "cesser les postures et les clivages de confort qui ne sont que de dangereux faux semblants", la ministre de l'Éducation nationale est montée sur scène et a démarré un numéro bien rodé, dans un ton de campagne électorale.

"On ne peut pas se transformer en dernière minute en inspecteur des travaux finis"

Najat Vallaud-Belkacem, Université de l'engagement de Lyon, octobre 2016

Benjamin Roure

Najat Vallaud-Belkacem s'en est d'abord violemment pris à la droite, et en premier lieu à Laurent Wauquiez, "représentant de la droite extrême vêtu d'une parka rouge, rouge comme le gros rouge qui tache", qui ferait de la Région "la maison témoin de la politique de la droite revenue au pouvoir, une demeure aux allures de maison hantée". Elle s'est attachée ensuite à démonter avec force bons mots les propositions en matière d'éducation des candidats à la primaire de la droite, puis a taclé Nicolas Sarkozy sur le terrain de ses ennuis judiciaires. "Ce qui nous fait frémir de honte, monsieur l'ex-président, c'est que vous osez solliciter à nouveau la confiance des Français que vous avez tant trahis." Les mots sont forts, la salle exulte.

La future candidate aux législatives à Villeurbanne s'est ensuite lancée dans un catalogue plein d'autosatisfaction de l'action de son ministère de l'Éducation - qui a tout de même un peu moins convaincu l'assistance. Avant de conclure sur LE sujet qui interpellait tout le monde ce jour-là : la prochaine campagne présidentielle. "Je ne parle pas de vote utile, je parle d'unité. On ne peut pas se transformer en dernière minute en inspecteur des travaux finis", a-t-elle lancé, dans une référence à peine voilée aux anciens ministres de François Hollande qui se lancent contre lui. "Je ne veux pas revivre un certain 21 avril, car c'est ce qui se dessine. Voire pire, car le pire est toujours possible."

"Sachons reconnaître les erreurs du quinquennat"

La deuxième intervention n'a pas suscité la même adhésion. Car Gérard Collomb, qui ne cache pas son soutien à Emmanuel Macron, ministre démissionnaire indirectement visé par Najat Vallaud-Belkacem, a pris le contrepied de la ministre. "On est une famille, on peut tout se dire", a-t-il prévenu, avec un sourire, en introduction. L'assistance, et le premier secrétaire au premier rang face à lui, étaient prévenus. "Je veux bien qu'on s'en prenne à Copé, à Sarkozy... Mais qui ne s'en prendrait pas à eux?" Voilà pour la ministre de l'Éducation nationale. "Après, la question la plus difficile est celle que les gens vont nous poser : qu'est-ce qui a changé dans mon quotidien ces cinq dernières années?"

Le sénateur-maire de Lyon évoque les "difficultés" du bilan : "le chômage de masse dans toutes les couches de la société, en particulier dans la jeunesse", "la construction de logements qui ne correspond pas aux promesses"... Voilà pour Hollande et son gouvernement. Le public se tend, murmure. Et Gérard Collomb enfonce le clou, s'adressant directement à Najat Vallaud-Belkacem : "Même dans l'éducation, je vois des difficultés. Je ne suis pas sûr que la question de la réforme des rythmes scolaires soulève partout l'enthousiasme que l'on voit dans nos rangs..." Une partie de la salle le conspue, certains l'appelant même à rejoindre Les Républicains.

Gérard Collomb, Université de l'engagement de Lyon, octobre 2016

Benjamin Roure

Puis, comme souvent, Gérard Collomb a mis en avant son bilan, son modèle lyonnais conjuguant "croissance économique, justice sociale et souci écologique". Il a appelé les socialistes à ne pas se complaire dans l'autosatisfaction, avant de justifier sans le nommer son soutien à Emmanuel Macron. "Sachons reconnaître les erreurs du quinquennat. Il faut peut-être un renouveau à nos idées, nos méthodes, nos actions. Ne nous enfermons pas sur nous-mêmes, écoutons les propositions, ne disons pas "il faut ce candidat, cette ligne", sans écouter les Français." Et de conclure, en s'enflammant et en haussant le ton pour couvrir les quelques sifflets : "Alors, oui, nous serons quelques-uns à être "en marche" car nous croyons au PS et à ses valeurs, et que nous voulons lui donner des chances de gagner." Applaudissements modérés, salle clairement divisée.

"Rassembler au-delà des socialistes"

Jean-Christophe Cambadélis a pris la suite, tentant de paraître à l'aise, souriant mais concerné. Mais en deux discours assez galvanisants, le doute s'était installé quant à la réussite d'une union à gauche. Il a salué "Najat l'émancipatrice", et "Gérard le constructeur", qui "a réussi le socialisme dans sa ville". Il a ensuite parlé de l'Europe, de Merkel, du Royaume-Uni, et surtout de "la politique utra-droitière des Républicains, qui élargit le champ de l'extrême droite sans que celle-ci ait besoin de prendre la parole". "Il sera demain très difficile pour Les Républicains de dire que Marine Le Pen est infréquentable car ils sont allés plus loin qu'elle."

Jean-Christophe Cambadélis, Université de l'engagement de Lyon, octobre 2016

Benjamin Roure

Après cette introduction alarmiste et forcément fédératrice au sein d'une assemblée PS, le premier secrétaire s'est lancé dans un numéro d'équilibriste marchant sur le fil ténu et encore mal accroché du rassemblement. "Pour être au second tour de l'élection présidentielle, il faut rassembler nos forces et mettre en avant notre bilan, que nous avons du mal à faire passer dans l'opinion."

Et d'appeler rassembler les progressistes, au-delà des socialistes", sans préciser évidemment s'il lorgne plutôt les écologistes, les frondeurs, les partisans de Montebourg ou ceux de Macron. "Nous gagnerons si nous pouvons sauver notre ADN de justice sociale et nous ouvrir sur la modernité." Une conclusion comme une évidence pour lui, mais au final plutôt floue.

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