Lors de son passage au ministère de l’Intérieur, Gérard Collomb a été sanctionné de la moitié de ses indemnités de conseiller métropolitain à cause de son absence. Une “amende” qu'il a compensée en trouvant une nouvelle source de revenus au sein du Sepal. Le maire de Lyon aura ainsi reçu 9149€ en 2018 dans un syndicat mixte où il ne siégeait pas.
Sanctionné pour ses absences au Sénat en 2016, Gérard Collomb s'était plaint de vivre “un vrai cauchemar” en tombant “à 4 000 euros par mois”. Lors de son passage au ministère de l'Intérieur de mai 2017 à octobre 2018, le maire de Lyon a de nouveau été sanctionné. Pas par le Sénat cette fois-ci, mais par la Métropole. Occupé par son maroquin parisien, le ministre avait, logiquement zappé la plupart des conseils métropolitains, ce qui est passible d’une “amende” allant jusqu’à 50% de son indemnité métropolitaine selon le règlement intérieur. En novembre 2018, l’opposition LR avait voulu s’assurer que cette disposition était bien respectée, ce que David Kimelfeld avait certifié et la presse locale s’était alors fait écho des “sanctions” infligées à Gérard Collomb pour son absence. Sollicitée par Lyon Capitale, la métropole avait en revanche refusé de nous communiquer le détail de ces sanctions, rendant impossible leur vérification. Nous avions alors saisi la Commission d’Accès aux Documents Administratifs, qui selon sa procédure commence par contacter les administrations mises en cause avant de passer son cas en commission et d’émettre un avis. Huit mois après notre saisine, la Métropole nous a finalement adressé les documents demandés. Ils permettent de constater que le règlement intérieur a bien été appliqué et que Gérard Collomb a vu son indemnité métropolitaine réduite de 30% à 50% selon les trimestres.
Durant cette période, il gagne en effet 9940 euros* comme ministre, 1335 euros comme conseiller municipal et la même somme comme conseiller métropolitain. C'est sur cette dernière fonction qu'il a été sanctionné (voir tableau en fin de papier). Dès le 4e trimestre 2017 (septembre à novembre), l’indemnité de Gérard Collomb est réduite de 50% au Grand Lyon (2000€ en tout). Même amende lors du 1er trimestre 2018 (décembre à février). Lors du 2e trimestre (mars à mai) même chose. Lors du 3e la réduction n'est que de 30% cette période ne comprenant que trois conseils. Enfin Gérard Collomb est de nouveau sanctionné de 50% lors du dernier trimestre. Au total, cela constitue une “amende” de 9200 euros sur la période.
Mais surprise, grâce aux documents envoyés par le Grand Lyon et plusieurs autres sources parmi lesquelles la déclaration d’intérêts remise par Gérard Collomb à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, nous avons pu recalculer l’ensemble de ses indemnités sur cette période et constater que l’ancien ministre de l’Intérieur était parvenu à contourner cette sanction.
Et pour quelques euros de plus
À partir de février 2018, Gérard Collomb a obtenu une rémunération du Syndicat mixte d'études et de programmation de l'agglomération lyonnaise (SEPAL), compensant les sanctions du Grand Lyon. L’organisme a pour unique vocation d’élaborer le schéma de cohérence territoriale et est selon l’aveu de son 1er vice-président Jean-Yves Sécheresse un peu “en veille” depuis que ce dernier a été modifié puis approuvé en mai 2017. Alors qu’il n’était pas indemnisé jusque là pour la présidence de cet organisme, Gérard Collomb s’est vu accorder une indemnité de 615 euros par mois durant la période qu’il a passé au ministère de l’Intérieur. Mieux encore, cette obole lui a été attribuée rétroactivement pour remonter à juillet 2017, date à laquelle il a quitté ses mandats locaux. En tout, en 2018, le Sepal lui aura ainsi versé 9149€. Soit grosso modo le montant des retenues opérées par la Métropole en raison de son absentéisme.
Pour comprendre comment il a pu mettre en place ce complément de revenu, il faut se plonger dans le financement de la vie politique. Avant son départ Place Beauvau en mai 2017, Gérard Collomb, président de la métropole et maire de Lyon, gagnait le montant maximal autorisé pour un élu local, qui équivaut à 1,5 fois le salaire d'un parlementaire (8 434,85 €). Toute autre rémunération issue d'un mandat ou d'une fonction officielle qu'il exerçait faisait dépasser ce plafond et était alors “écrêtée”, c'est à dire non versée. C'est pour cette raison que l'ancien ministre n'avait jamais rien touché du Sepal depuis 2014. La participation à certains syndicats mixtes ouvre le droit à rémunération. C'est le cas au Sepal comme au Sytral par exemple. Rien d'illégal donc. “Certains élus sont très au courant de ce système. Ils connaissent les syndicats mixtes qui rémunèrent et ceux qui ne le font pas. Les cabinets politiques le savent aussi. Ça leur permet de donner des biscuits aux élus”, ironise Richard Llung, élu PS de Villeurbanne et membre du Sepal qui ne se souvient pas avoir vu passer quelconque information sur la rémunération de Gérard Collomb lors des séances. Une fois ministre, Gérard Collomb n'était plus concerné par cette règle. Il pouvait ainsi cumuler en plus de sa rémunération ministérielle de 9940 euros, 2800 euros d’indemnités locales. Soit environ ce que lui rapportaient ses deux mandats de conseiller municipal et de conseiller communautaire… jusqu’aux amendes retenues par le Grand Lyon en raison de son absentéisme, qui ont donc été compensées par son indemnité au SEPAL.
Une fonction “effective” ?
Une telle opération est-elle légale ? L’attribution d’indemnités par les syndicats mixtes est bien prévue par les textes, mais l'article R5723-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que la rémunération doit être le résultat de l'exercice “effectif” de la fonction. Or, selon plusieurs sources contactées par Lyon Capitale, Gérard Collomb ne siégeait pas au SEPAL durant son passage à Paris. Facilement compréhensible pour un ministre de l'Intérieur dans une France post-attentats qui a aussi dû gérer une crise des migrants d'une ampleur inégalée. “Il n'était pas là quand il était ministre parce que sa fonction logiquement l'exigeait”,explique Jean-Yves Sécheresse, 1er vice-président du Sepal. Contacté, le cabinet de Gérard Collomb confirme, en creux, l'absence du maire de Lyon durant cette période. “En 2018, Monsieur Collomb a siégé au conseil syndical du 21 décembre. Concernant les deux autres conseils (26 janvier et 25 mai), ils ont été présidés en son absence par le VP délégué”, nous répondent-ils.
De fait, Gérard Collomb n’a jamais vraiment présidé le Sepal depuis 2014. C'est Jean-Yves Sécheresse qui signe le procès-verbal du budget primitif 2018 voté le 20 janvier de la même année où Gérard Collomb est absent. C'est encore lui qui a signé les budgets primitifs depuis 2015 en qualité de président délégué, mais aussi les éditos des rapports d'activité du Sepal publiés chaque année. Lors de notre échange, Jean-Yves Sécheresse s’est d'ailleurs lui-même présenté comme “président délégué et 1er vice-président”.
Droit et morale
Si l’absence de Gérard Collomb ne fait aucun doute, sa fonction est-elle tout de même “effective” ? D'après Étienne Tête, élu EELV et avocat, la jurisprudence en la matière est très tolérante avec les élus. Seul un maire en délit de fuite a été considéré comme n’exerçant plus effectivement son mandat… Dans le cas de Gérard Collomb, “l’appréciation est de fait et non pas de droit, donc ça se regarde. Mais sur le plan théorique, il peut dire qu'il a réfléchi à des dossiers depuis Paris” poursuit l’écologiste. L'ancien membre de la majorité de Collomb et cependant plus critique d'un point de vue éthique : “alors qu'il est ministre et qu'il gagne plus de 9000 euros par mois, il est à 600 euros près. Quand un élu gratte ici ou là de l'argent alors qu'il a ces niveaux de revenus, je ne trouve pas ça très sain”.
Sollicité par Lyon Capitale, le cabinet de Gérard Collomb à la mairie de Lyon se défend de toute intervention de ce dernier pour obtenir une indemnité du SEPAL, qui n’aurait été à les entendre que l’application mécanique des règles de l’écrêtement : “En tant que Ministre et n’étant plus Maire de Lyon, M. Gérard Collomb n’était plus soumis à un écrêtement au SEPAL (…), il aurait dû percevoir la totalité de ses indemnités versées par le SEPAL sur cette période (615,43 euros bruts par mois). Le SEPAL a cependant continué d’écrêter, par erreur, M. Gérard Collomb, jusqu’en février 2018 avant de s’en apercevoir. En février 2018, le SEPAL a alors procédé à une régularisation sur l’indemnité versée à M. Gérard Collomb sur le mois de mars 2018, en lui versant un retard d’indemnités de juillet 2017 à mars 2018, soit 5 313,21 euros bruts.”
Mais le SEPAL avait-il les moyens de s’apercevoir par lui-même qu’en raison des sanctions au Grand Lyon, Gérard Collomb n’atteignait plus le plafond de rémunération des ministres et ne devait plus être écrêté ? C’est naturellement très improbable et cette version est d’ailleurs démentie par le Sepal lui-même : “Il y a des échanges réguliers avec les services de la métropole et de la ville de Lyon. On ne reçoit pas de warning de la part d'un logiciel. Les demandes sont explicites et nous enjoignent de régulariser”. Et voici comment Gérard Collomb a pu contourner les sanctions liées à son absentéisme au Grand Lyon et conserver le maximum d’indemnités légales lors de son passage au ministère de l’Intérieur, compensant même rétroactivement début 2018 les “amendes” subies en 2017.
*tous les chiffres sont en brut
Tableau des réductions trimestrielles des indemnités de Gérard Collomb à la métropole de Lyon © Lyon Capita... by JustinB17 on Scribd
Plus facile d'écrêter les retraitéEs, les chomeurEs, les invalideEs et autres... ainsi que les services publics !
Ces nantiEs n'en ont jamais assez, qu'ils/elles en crèvent d'indigestion.
Cet individu est totalement immoral!