Le maire de Lyon recevait les réformateurs ce mardi à Lyon, quelques heures avant l’annonce de la composition du nouveau gouvernement. À la tribune, Élie Cohen, Philippe Aghion et Bernard Spitz dissertent sur les réformes à entreprendre. Les journalistes, eux, épient les réactions de Collomb en vue de son éventuelle nomination.
Pas moyen d'être tranquille. À quelques heures de l'annonce du Gouvernement, le maire de Lyon ne peut décidément pas s'isoler dans son bureau dans l'attente d'un auguste coup de fil. Il est ce mardi le maître de cérémonie de la première conférence des réformateurs, ces socialistes et économistes attachés à la ligne social-libérale de Manuel Valls. Élie Cohen, Philippe Aghion et Bernard Spitz viennent philosopher sur les réformes à mener par la nouvelle gauche.
Collomb, sans téléphone
Gérard Collomb ouvre la réunion, puis s'installe sagement au premier rang. Les journalistes, placés dans son dos, à quelques rangs de là, guettent ses réactions. Captivé ou somnolant, il ne bouge pas. Étonnant pour un candidat à un ministère, dont on imaginerait des apartés, accroché au téléphone. Au point qu'observant sa tonsure, votre serviteur est saisi d'un doute : et si ce n'était pas lui ? Et si lui était déjà à l'extérieur de la conférence, négociant son maroquin ? J'interroge ma voisine : non, c'est bien Collomb. Impossible de voir en revanche s'il pianote sur son téléphone. J'apprendrai par la suite qu'il a laissé son mobile à un collaborateur resté au dehors. Et qu'il ne pianote de toute façon pas.
“Il est anormalement souriant”
Une première fois, l'élu sort de la salle. On ne le lâche pas d'une semelle. Il disserte avec certains de la conjoncture économique. Puis s'isole pour appeler sa secrétaire de l'hôtel de ville. "Quoi de neuf, Najet ?" lance-t-il, l'air de rien. Apparemment rien, justement. Les sites nationaux commencent à le donner entrant au Gouvernement. La correspondante de Libération en reçoit l'annonce de sa hiérarchie. À présent, les journalistes ont tous déserté la conférence. Une deuxième fois, le maire monte à l'étage. "Il est passé par où ?" enrage un caméraman qui l'a raté. Fausse alerte : il répond à une interview de LCI. "Ils essaient de meubler en attendant ce soir", rigole Collomb en revenant. Une consœur s'écrie, triomphante : "Il est anormalement souriant. Il biche, là."
Notre confrère du Progrès interroge le maire sur les thèmes sociétaux que pourraient porter les réformateurs. Une façon habile de lancer la conversation, et de l'amener sur le vrai sujet de la journée. Mais l'élu ne donne toujours aucun signe. "De toute façon, lors des remaniements, ça peut changer jusqu'à la dernière minute. Même s'il le savait, il ne le dirait pas", décrypte le professionnel. Une journaliste prétend l'avoir vu sortir une troisième fois de la salle. Zut, on l'a raté. Les collaborateurs du maire sont harcelés. Tous jurent, la main sur le cœur, ne rien savoir. "Vous êtes mieux informés que nous", affirme l'un. "Je prépare la visite de chantier de demain", élude une autre. "Même si le maire le savait, je ne suis pas sûr qu'il me le dirait", avance un troisième. Parfois, la voix "parasite" des économistes, trop forte, couvre nos échanges.
Caroline Collomb : “Je ne suis pas sûre qu’il serait heureux là-bas”
Gérard Collomb retourne à son siège. Il n'en bougera plus. Jusqu'à la conclusion des débats, vers 16h30, où il définit sa conception de la gauche : "Donner à chacun, quelle que soit son origine, la capacité de progresser." À la tribune, il a l'air tranquille, nullement pressé. Son épouse, Caroline, nous jure ne rien savoir de sa nomination. "Je ne suis pas sûre qu'il serait heureux là-bas", souffle-t-elle. Et si elle nous emmenait sur une fausse piste ? Elle aussi est très souriante. Les participants quittent la réunion. La nuée de caméras ne lâche pas Collomb, qui récite inlassablement son catéchisme réformiste. La journaliste de LCI demande à l'attaché de presse de pouvoir le suivre jusqu'à l'annonce du nouveau gouvernement. Refus très ferme du fonctionnaire. "Il a des réunions sur des sujets internes", bafouille-t-il. Un signe ? Lequel ?