"Avec Bayrou, il se passe quelque chose"

Il est aux premières loges pour commenter la percée très remarquée du candidat centriste donné gagnant au second tour... s'il l'atteint.

Lyon Capitale : Votre candidat François Bayrou fait une percée dans les sondages. Alors heureux ?
Michel Mercier : Oui, heureux. Je ne pensais pas qu'on arrive aussi vite, aussi haut. Mais le but, c'est de gagner l'élection. Savoir pourquoi on est à 17% et ce qui reste à faire pour être à 50.

Comment expliquez-vous cette percée ?
Depuis 1978 - un paquet d'années - on explique aux Français qu'il y a la moitié de la France contre l'autre. Et ils ont vu l'immobilisme, l'absence de réforme et de progrès et 1 200 milliards de dettes. La crédibilité de Bayrou, c'est qu'il a su résister et qu'il a construit un centre qui tient la route.

Bayrou peut-il s'effondrer comme Chevénement en 2002 ?
Non, François Bayrou a une solidité, une vraie résonance dans le peuple. Mais maintenant qu'il est à 17%, je sais que ça va canarder dur. Sereins et lucides, on va résister à la tenaille PS-UMP. On a l'habitude !

Votre stratégie va-t-elle rester la même : taper fort sur Sarkozy pour séduire à gauche ?
C'est vous qui le dites ! Bayrou critique autant à droite qu'à gauche. Dans son discours sur la social-économie, il a beaucoup critiqué le programme de madame Royal qui est d'ailleurs tout sauf un projet.

Bayrou a promis un premier ministre de gauche.
Ecoutez, Bayrou n'est pas socialiste et il ne va pas le devenir. Mais si on invite les gens de gauche à table, ce n'est pas pour qu'ils fassent la vaisselle dans la souillarde ! On ne veut pas de ralliement à la Sarkozy ou à la Mitterrand. Bayrou veut un vrai rassemblement, dans le respect de l'identité de tous où le gaulliste amène sa sensibilité sur la patrie, le centriste sur l'Europe, le socialiste sur la justice sociale. On additionne.

Dans Face aux français sur TF1, Ségolène Royal a fait plus d'audience que Nicolas Sarkozy mais elle a moins convaincu. Comment expliquer ce paradoxe ?
Madame Royal a pour elle d'être une somme de points d'interrogation. Il y a eu une sorte de curiosité : va-t-elle y arriver ou se casser la figure dans l'émission ? C'est le côté jeux du cirque qui a suscité la curiosité du public. Mais sur le fond, c'était : "oui à tout le monde et je paierai avec la croissance". Elle n'a donc pas paru très convaincante.

Est-il plus compliqué de "mordre" sur Sarkozy ?
Il y a très longtemps que nous n'avons pas eu en France un candidat de droite à l'aise dans son programme de droite, c'est très nouveau. Il paraît donc sincère, convaincant, dans cette logique de droite. Mais on peut convaincre sans emporter l'adhésion. C'est ce qui se passe.

Si Bayrou est élu, il y aurait formation d'une majorité présidentielle avec députés UMP, PS, UDF. Le retour à la IIIe République ?
On peut toujours trouver dans une idée neuve une réminiscence historique, c'est très français. Mais l'idée neuve de François Bayrou est une idée de bon sens, c'est pour ça qu'elle peut avoir été utilisée dans le passé. Et ce ne sera pas une histoire de coalitions partisanes politiciennes. Ce sont les Français qui auront décidé par leur choix présidentiel de faire travailler droite, centre et gauche dans une majorité parlementaire.

Qui incarnerait l'opposition ?
Les extrêmes des deux côtés. Je ne parle pas des extrémistes.

Sarkozy et Royal tapent désormais sur Bayrou.
Pour eux, rien n'est plus important que de sauvegarder la coupure de la France en deux. C'est l'assurance d'être au pouvoir ou d'y revenir le coup d'après. Ces attaques conjuguées sont un formidable atout pour Bayrou. Leur affolement est l'aveu qu'il les gêne dans leur jeu à deux.

Pourquoi la gauche est-elle la plus dure ?
C'est la gauche qui a le plus peur. Elle espérait revenir au pouvoir, cette fois, c'était "son tour". Quand Hollande dit : il ne peut y avoir qu'un 3e homme c'est Le Pen, c'est scandaleux. C'est l'aveu que la gauche ne peut gagner qu'avec un Front national fort. Mitterrand savait y faire, il y avait le romantisme, la culture, l'histoire et la connaissance profonde de la France. Hollande, ce n'est que l'arithmétique de l'ENA.

Pour reconquérir le terrain, Royal rappelle éléphants et notables. Bonne stratégie ?
Madame Royal a été choisie par les médias parce qu'elle était hors du système. Remettre le système en place, c'est abandonner son originalité et sa fraîcheur.

Vous-même, quand êtes-vous passé du statut de notable à celui de rebelle ?
Mais je n'ai jamais été notable ! On peut être rond et ferme. J'ai toujours été clair et j'ai choisi le camp de mes convictions même si je ne suis jamais monté sur des estrades pour les proclamer. Je l'ai montré en 1998, 2001, 2002, j'ai su prendre des risques et dire non.

Demain Bayrou est président. A Lyon, vous êtes avec Perben ou Collomb ?
Aujourd'hui l'important c'est la présidentielle. On se bat pour y arriver. Vous n'aurez pas d'autres réponses de moi ! Tout est ouvert.

L'envolée de Bayrou impose-t-elle une candidature UDF à la municipale ?
On peut dire les choses comme ça (...) Collomb aurait, lui aussi, tout intérêt à ce que le système change. Pourquoi va-t-il soutenir la position des socialistes hostiles à tout changement ?

Ressentez-vous une exaltation dans cette campagne ?
Il y a cinq ans, on était morts ! Il a fallu résister. Cette résistance a été validée par le peuple français. Alors je ne sais pas où ça ira mais ce qui se passe aujourd'hui justifie nos combats. Et puis cela soude les gens ! Tous les mercredi matin, il y a un petit déjeuner entre parlementaires. On sent qu'il y a quelque chose qui se passe., semaine après semaine.

Analyse
Bayrou : un espace politique historique
Le centre, longtemps coinçée entre une droite gaulliste qui rayonnait large et une gauche puissante, manquait singulièrement d'air. Aujourd'hui Nicolas Sarkozy tente de tourner la page Le Pen en s'ancrant sans complexe à droite. Ce repositionnement s'effectue tandis que la gauche, avec 40% d'intentions de vote au total, est dans un état de faiblesse rare. Elle atteint son plus faible étiage depuis 1969. Pire, Ségolène Royal, la candidate socialiste, zigzague entre différentes stratégies et peine à incarner un projet cohérent. Le centre de François Bayrou trouve donc un espace historique qui lui donne des ailes. Il attire tous ces électeurs qui trouvent la droite trop à droite et la gauche trop maladroite. A 17%, c'est désormais Bayrou le 3e homme. Mais il n'est pas encore au bout du chemin. Pour figurer au second tour où il aurait toutes ses chances, il lui faut progresser encore de quelques points. Et stratégiquemen, c'est à gauche qu'il doit les prendre en priorité. Comme dans la brousse c'est la gazelle la plus faible qu'il lui faut croquer. Il en a l'ambition. Il lui reste le plus dur à faire : convaincre les Français qu'ils sont mûrs pour un gouvernement d'union nationale.

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