En mal d'action originale, les 1500 manifestants ont eu la chance de rencontrer sur leur route, place Bellecour, la caravane de l'UMP. Chants, slogans et deux œufs lancés. L'UMP crie au scandale dans un grand numéro de désinformation. Reportage au coeur de l'"affaire".
Il est environ 15h. La tête de la manifestation contre les réformes Pécresse et Darcos arrive de la place des Terreaux. Là, une centaine de manifestants traversent la place Bellecour pour se rendre directement à la caravane UMP, stationnée de l'autre côté.
Une dizaine de CRS sont déjà stationnés. Rapidement, le gros de la manifestation arrive à proximité de la caravane. Des étudiants ont le visage masqué pour protester contre le projet de décret visant à interdire le port de cagoules lors de manifestations. Des chants, des cris et des slogans fusent. "Bourgeois, on vous pendra...", lance un militant communiste. Certains reprennent un "Y en a marre de ce camion, on lui dit casse toi pauv' con". Puis le classique "Education, gratuite, publique et populaire" est lancé.
Derrière le cordon de CRS, le représentant local de l'UNI (la droite universitaire) commente calmement : "C'est la campagne européenne. On est là pour soutenir notre tête de liste Françoise Grossetête. Eux, ce sont l'extrême-gauche, la FSE (fédération syndicale étudiante, ndlr), ils mélangent tout. Ils ne sont pas contre une loi en particulier mais contre Sarkozy".
Un autre militant UMP lance à la commissaire en charge de la manifestation : "Ils ont l'air calme". Elle est moins affirmative.
Xavier Elbaz, le responsable Jeune populaire de la caravane a l'air surpris de cette confrontation : "On a été prévenu au dernier moment de cette manifestation. Nous n'avons pas la même notion de la démocratie. Je vois beaucoup d'autocollants PC". Un militant plus aguerri relativise la situation, "no stress", affirme-t-il.
La confrontation dure une demi-heure. Bernard Tessier, du SNASUB (syndicat des personnels BIATOS affilié à la FSU) passe dans les rangs avec le mégaphone : "montrons que nous sommes pacifiques. Allons-nous en". Le gros du cortège se met en branle rapidement. Restent environ deux cents étudiants qui continuent à lancer des slogans. Il faut l'intervention des clowns de la "brigade du désordre" pour que tout le monde parte. C'est à ce moment-là que deux œufs sont lancés. Rien de plus.
Philippe Cochet au micro
Alors que la manifestation continue tranquillement jusqu'aux berges, le député-maire de Caluire et président de l'UMP du Rhône, Philippe Cochet, se répand sur les ondes des radios et dans les médias lyonnais. Il parle de "200 jeunes cagoulés qui ont caillassé la caravane". Joint par téléphone, il déclare : "les étudiants qui manifestaient place des Terreaux, ont migré vers la place Bellecour, pour exprimer leur colère à travers des jets de pierre et d'oeufs. Des heurts à coups de pied de biche se sont également produits".
L'UMP fait remonter son information jusqu'à Paris. Sur RTL, Xavier Bertrand déclare que "200 jeunes cagoulés auraient caillassé la caravane UMP pour les européennes à Caluire". Une heure après, l''information' a été retiré des ondes et du site Internet de la radio.
Contacté en fin d'après-midi, le responsable de la caravane parle désormais "d'une clé pour bornes incendie" qui aurait été lancée, de "crachats" et de "jets de canettes". Alors qu'il n'en avait pas fait mention dans l'après-midi même. Ni la préfecture, ni la police ne font mention de ces incidents et d'aucune arrestation.
Le soir, lors d'une conférence de presse, Philippe Cochet change de version et reprend les propos du responsable de la caravane. Et il demande même 'solennellement' à Marie-George Buffet et Olivier Besancenot des excuses pour ces 'événements". Selon lui, ce sont des jeunes portant les autocollants du NPA et du PCF qui s'en seraient pris à la caravane.
Bref, un grand numéro d'intoxication médiatique.
Photo : Fle-ur
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