Leur union de second tour avait créé la sensation : Gérard Collomb s’était allié avec la droite pour tenter de faire barrage aux écologistes. Une stratégie qui s’est retournée contre tous les acteurs à l’origine de ce mariage.
Dans la dernière ligne droite de la campagne, Gérard Collomb se montrait optimiste à la lecture de notre sondage sur les élections métropolitaines. “Notre rassemblement peut nous permettre de l’emporter. Le big bang que nous avons créé aurait pu nous faire perdre des électeurs sur les deux ailes (…) Aujourd’hui, je sens une vraie dynamique parce que les Lyonnais comprennent que ce rassemblement est au service de l’intérêt général. Il n’y aura pas de troisième tour”, théorisait celui qui vivait ses derniers jours en tant que maire de Lyon. Il n’a eu raison que sur la deuxième partie de son affirmation. Jeudi 2 juillet, le troisième tour pour la présidence de la métropole sera sans surprise. Une majorité claire est sortie des urnes. Elle donne une large victoire aux écologistes, vainqueur dans neuf circonscriptions métropolitaines. La droite et Gérard Collomb visaient la victoire dans sept circonscriptions, ils n’en ont finalement obtenu que quatre. Un résultat qui fait d’eux la principale force d’opposition aux écologistes qui bénéficieront de la majorité absolue dans la prochaine assemblée métropolitaine.
Pas de complémentarité ?
À Lyon, l’alliance qui devait permettre de remporter le 5e voire le 3e arrondissement n’a pas produit les effets escomptés. Le front anti-écolo n’a gagné que les 2e et 6e arrondissements, ceux que la droite dirige depuis toujours ou presque. La donne est d’ailleurs la même à la métropole. Les circonscriptions ont été remportées sur des territoires ancrés à droite : dans une première couronne de l’est qui a confirmé la bascule à droite initiée en 2014, dans le 6e arrondissement de Lyon et dans l’Ouest lyonnais. La complémentarité de l’alliance n’est pas sortie des urnes. “Cette alliance, et j’aurai préféré me tromper, a prouvé ses limites devant les électeurs”, pointe Alexandre Vincendet, maire de Rillieux-la-Pape et président de la fédération LR du Rhône. “Dans les villes de droite, on cartonne. Dans celles LREM, on s’est pris une tannée”, soupire un cadre LR. “Les reports de voix se sont plutôt bien faits dans les circonscriptions où nous avons fusionné. Je pense que notre électorat s’est insuffisamment mobilisé et nous en sommes responsables. L’abstention est désolante, mais c’est la même pour tous. Il faut être très honnête : nous n’avons pas réussi à mobiliser notre électorat”, reconnaît le directeur de campagne de François-Noël Buffet. Renaud Pfeffer, l’un des élus à l’origine de ce mariage, ne regrette pas pour autant ce mariage : “c’était la seule solution pour avoir une carte à jouer. Nous n’avions pas d’autres stratégies. L’alliance n’a pas été rejetée. Nous ne perdons que d’une poignée de voix”. La prime majoritaire attribuée à la liste arrivant en tête alimente largement la vague verte qui va déferler sur le conseil métropolitain jeudi 2 juillet.
Collomb un peu trop snipper pour les LR
La stratégie de campagne de second tour est aussi remise en question chez Les Républicains ce lundi matin, lendemain de déroute. C’est notamment le rôle de Gérard Collomb et de son ton virulent à l’encontre des écologistes qui est ciblé. “Il n’y a rien de pire que la politique du castor : faire barrage. Nous le faisons avec le Rassemblement national et je n’ai pas l’impression. On ne convainc pas les électeurs de changer d’opinion en leur expliquant qu’ils ont mal voté au premier tour. Nous avons fait une campagne contre et n’avons pas été dans des propositions. On ne peut pas dire aux habitants qui veulent du changement que, finalement, nous n’allons rien changer pour que tout se passe comme avant”, souligne Alexandre Vincendet. L’équipe de campagne de François-Noël Buffet admet que “Gérard Collomb en a peut-être trop fait mais ce n’est pas ce qui nous a fait perdre”. La vague forte semblait trop forte pour être endiguée dans l'agglomération lyonnaise. Surtout qu'entre les deux tours, elle n'a pas perdu en intensité. Le phénomène est même nationale. Dans la plupart des communes où LR et LREM se sont associés pour faire barrage aux écologistes, la manoeuvre a échoué.
Champs de ruines
L’échec de l’alliance n’a pas encore dévoilé l’étendue de ses conséquences. Les deux parties ressortent affaiblies de la séquence municipale. La droite lyonnaise qu’Étienne Blanc avait entrepris de reconstruire repart de zéro après une alliance qui l’a vu s’effacer derrière Gérard Collomb, l’ennemi d’hier. Quant à LREM, ils ont perdu la ville de Lyon et la métropole et n’ont plus, entre les dissidents et les exclus, d’élus. Dans les deux collectivités, les deux camps n’ont d’ailleurs pas prévu de faire perdurer dans le temps leur alliance de circonstances.
Malédiction
Les protagonistes de cette alliance d’entre deux tours plus surprenante que contre nature ont tous été désavoués par les électeurs. Comme rattrapé par une malédiction implacable. François-Noël Buffet a été battu dans sa circonscription. L’alliance avec Roland Crimier l’avait arithmétiquement placé loin devant l’écologiste Jean-Charles Kohlhaas, qui a progressé de 16% d’un tour de scrutin à l’autre. C’est un camouflet pour le chef de file des Républicains qui ne peut même plus prétendre à endosser le rôle de principal opposant que lui contestent certains de ses camarades LR. Gérard Collomb est logé à la même enseigne. Ces derniers jours, il n’avait pas ménagé sa peine pour s’offrir une sortie par la grande porte. Si la statue du commandeur Collomb avait vacillé le 15 mars, elle a été sauvagement déboulonnée ce dimanche 28 juin. Dans le 9e, son fief historique, Camille Augey (EELV) l’emporte avec 63% des suffrages. Dans sa circonscription Lyon ouest qui regroupe le 9e et le 5e où il vit désormais, Gérard Collomb a été battu (27,87%) et même relégué à la troisième place, devancée par Thomas Rudigoz (28,63%), un ancien protégé entré en dissidence dans le sillage de David Kimelfeld. La malédiction de cette alliance n’a pas épargné Yann Cucherat, devancé de 10 points dans le 5e par l’écologiste Nadine Georgel.
Le calice jusqu’à la lie
La malédiction n’est pas encore terminée pour Gérard Collomb qui doit boire le calice jusqu’à la lie. En tant que doyen d’âge à la ville de Lyon, c’est lui qui devra passer l’écharpe tricolore autour du cou de Grégory Doucet. Gérard Collomb sera toujours sur la photo, mais pas à la place qu’il s’imaginait.