Michel Mercier © tim douet
© Tim Douet

Collomb et Mercier s'entendent pour tuer le département du Rhône

En toute discrétion, Gérard Collomb et Michel Mercier sont tombés d'accord pour chambouler le paysage politique local : ils se partagent le département en deux. Sur son territoire, le Grand Lyon héritera des compétences du conseil général qui s'occupera, lui, uniquement du Beaujolais. En jeu aussi le Grand Stade, Rhônexpress et le musée des Confluences que Gérard Collomb prendra en charge "en compensation".

Gérard Collomb et Michel Mercier vont faire, mardi, le premier pas vers un nouvel acte de la décentralisation qui constituera un big bang politique au niveau local. Les deux élus qui président respectivement le Grand Lyon et le conseil général devraient dévoiler leur vision commune pour l'organisation politique de leur territoire. Pour faire simple, ils veulent couper le département du Rhône en deux.

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Gérard Collomb hériterait sur le territoire du Grand Lyon des compétences du conseil général en plus de celle dont dispose déjà la communauté urbaine. Michel Mercier, lui, ne serait plus qu'à la tête d'un département replié vers le nord. "Il présiderait le conseil général du Beaujolais et des Monts du Lyonnais", observe Max Vincent, conseiller général centriste de Limonest. Ce scénario pourrait entrer en application dès 2014.

Le département amputé du Grand Lyon ne concernerait ainsi plus que 400 000 administrés au lieu de 1,7 million actuellement. Michel Mercier et Gérard Collomb devraient faire cette annonce mardi matin, une semaine après avoir reçu le feu vert de la ministre de la décentralisation Marylise Lebranchu. Le gouvernement souhaite développer ce type d'initiatives qui simplifient le mille-feuille administratif français à défaut de le dégraisser.


------------ Carte : en bleu la communauté urbaine de Lyon, en rouge, le nouveau conseil général du Rhône

Les élus absents des négociations

Ce grand chambardement politique s'est noué dans l'ombre et porte la marque de ces deux grands élus locaux. Ils se sont rapprochés en coulisses sans jamais consulter les élus de leurs assemblées respectives. Michel Mercier n'a prévenu sa majorité que jeudi dernier. Gérard Collomb a, lui, réuni les conseillers généraux socialistes ce lundi à 17 heures pour leur présenter les grandes lignes de la conférence de presse qu'il tiendra ce mardi avec Michel Mercier. Ce dernier fera un compte rendu auprès de l'ensemble des conseillers généraux, mardi, dans la foulée de son allocution avec Gérard Collomb. "Sur ce coup, aucun élu n'a été concerté. Tout s'est joué directement entre Gérard Collomb et Michel Mercier. Que ce soit Thierry Philip ou Michel Forissier, ils ont vu passer les missiles au-dessus de leur tête", s'amuse un habitué des couloirs du conseil général.

À l'aune du grand chambardement de la nouvelle organisation territoriale, l'écologiste Raymonde Poncet relit différemment l'actualité récente du conseil général. "Quand Michel Mercier a crée le syndicat départemental de transport en marge du Sytral, il préparait déjà le repli vers un conseil général du Beaujolais. Tout a été fait dans le mépris des élus qui n'ont jamais été informés. Nous avons voté des délibérations pendant des mois en aveugle, sans voir ce qu'il se passait réellement dans les soubassements", râle Raymonde Poncet.

Le musée des Confluences sous pavillon Grand Lyon

Dans les faits, cet acte de décentralisation ne va pas entraîner la disparition d'un échelon administratif mais seulement clarifier le rôle de chacun. Au nord de Lyon, le conseil général est compétent. Sur le territoire du Grand Lyon, la communauté urbaine dispose des pleins pouvoirs. Elle administrera le RSA, gèrera les collèges des 57 communes qui la composent en lieu et place du conseil général. Dans ce mécano en devenir, des gros dossiers vont aussi passer du département à l'agglomération. "Le musée des Confluences et la garantie du financière pour le Grand Stade relèveront demain de la compétence du Grand Lyon", note Dominique Nachury, vice-présidente du conseil général et seule députée UMP lyonnaise. Elle aurait aussi pu citer le tramway Rhônexpress.

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"Ces transferts se feront dans le cadre de négociations. Pour le musée des Confluences, il faudra que le conseil général fournisse des données claires. Pour les prêts toxiques, nous regarderons aussi. Il ne suffira pas de couper la poire en deux", prévient Thierry Philip, président du groupe PS au conseil général et maire du 3e. Si les négociations entre Gérard Collomb et Michel Mercier ont déjà pris corps, il reste encore quelques points sensibles comme l'aéroport dont le département comme le Grand Lyon détiennent des parts. "Gérard Collomb veut récupérer l'aéroport, mais surtout pas le territoire. Les communes sont à droite, et leur intégration au sein de la métropole pourrait faire basculer sa majorité", souffle un conseiller régional.

Une sortie honorable pour Mercier

Derrière un accord politique entre deux barons locaux comme Gérard Collomb et Michel Mercier, il convient inévitablement de se poser cette question : qui gagne quoi ? Pour Michel Mercier, le gain est politique. Aujourd'hui, il dirige une assemblée où il dispose d'une majorité hétérogène et menacée. Demain en amputant le conseil général des cantons du Grand Lyon, il disposerait d'une majorité cousue main. Les socialistes n'auraient plus que deux élus et le groupe UMP diminueraient de moitié. Avec ses amis centristes, il aurait les coudées franches. Ce repli sur le Beaujolais avec un probable siège à Villefranche-sur-Saône pourrait aussi sonner pour Michel Mercier l'heure de la retraite.

Michel Mercier © Tim Douet

© Tim Douet
Michel Mercier.

Président depuis 1991, cette réforme pourrait constituer une bonne occasion d'honorer sa promesse de laisser la main à un nouveau président. Il pourrait dès lors se consacrer à ses ambitions locales à Thizy et nationale au Sénat. Il partirait auréolé d'une réforme qui ferait du Rhône un département pionnier en matière de décentralisation. La métropolisation aux dépens du département va, en effet, dans le sens de de la modernité. "Michel Mercier est arrivé à un stade de sa carrière où il a un raisonnement qui dépasse sa personne. Il a été ministre et il se demande aujourd'hui ce qui est le meilleur pour son territoire. Et puis, il veut être maire de Thizy donc, avec la réforme du cumul des mandats, il ne se sent pas concerné par le conseil général du Beaujolais", note Thierry Philip, son opposant au conseil général.

Les pleins pouvoirs pour Collomb

Gérard Collomb est lui aussi gagnant dans cette opération. Le Grand Lyon bénéficiera de compétences nouvelles et élargies. Comme Michel Mercier, il jouira aussi grâce à la création d'une "métropole européenne" du statut de réformateur. À titre personnel, s'il est réélu à la tête du Grand Lyon, il disposera des pleins pouvoirs dans le sud du département et d'une palette de compétences qui lui permettra de ne pas regretter un mandat de sénateur qu'il abandonnera, en 2014, sur l'autel du non-cumul des mandats.

Dans le cadre des transferts de compétences et de charges, il héritera de la garantie financière que sa majorité politique à géométrie variable lui a empêché de faire passer au Grand Lyon. En échange, il récupèrera un dossier encore plus épineux : le musée des Confluences. L'addition est passée de 60 millions au lancement en 2002 à 300 millions d'euros aujourd'hui. Les frais de gestion promettent eux aussi de déraper. Surtout, Gérard Collomb n'a jamais été un grand partisan de ce dossier. La métropolisation et le Grand Stade valent bien quelques compromis.

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