Gérard Collomb a tenu parole. Ce mardi, il était à Montpellier pour afficher son soutien à Georges Frêche, le candidat dissident et exclu du PS, dans sa campagne en Languedoc-Roussillon. Une journée très médiatique durant laquelle Gérard Collomb a essayé de se poser en rassembleur de la gauche.
À l’heure où le bureau national du Parti Socialiste a exclu la cinquantaine de colistiers de Georges Frêche, Gérard Collomb ne se trouvait pas à Solférino, il est pourtant membre du bureau national. Il était dans un TGV quelque part entre Montpellier et Lyon. Ce mardi, Gérard Collomb était en campagne avec Georges Frêche en Languedoc-Roussillon. Le programme était allégé : juste une conférence de presse. L’essentiel était ailleurs, dans le symbole. Le candidat honni de la direction du Parti Socialiste, qualifié tantôt de dictateur tantôt de raciste, a reçu son premier soutien de poids au sein de son ancienne famille.
Gérard Collomb s’y est collé, honorant ainsi sa promesse. Il avait annoncé qu’il viendrait dans le Sud avec “femme et enfants”. Finalement, il est descendu seul du TGV, escorté par son chef de cabinet à la ville de Lyon. À midi, il sort de la gare, une équipe de télévision à ses basques. La journée sera médiatique. Tout ce qui touche au cas Georges Frêche passionne.
"Frêche n'est pas antisémite"
Sur le parvis de la gare Saint-Roch, il donne le ton de ce que sera son soutien : “Georges Frêche n’est pas antisémite”. Quelques minutes plus tard, à son arrivée au local de campagne, une horde de journalistes l’attend. Médias locaux, nationaux, ils sont une trentaine. Les micros se tendent, les flashs des photographes crépitent et Gérard Collomb d’entonner son refrain du jour : “je suis étonné qu’on l’accuse d’être antisémite, il est juste un peu provoc’”. Et puis il s’engouffre vite dans le modeste local campagne à l’atmosphère d’étuve. Georges Frêche est attablé devant un parterre de journalistes et de colistiers. Entre lui et Gérard Collomb, pas d'accolade ni de démonstrations d’amitié. Le président actuel de la région Languedoc-Roussillon débite son programme économique. Il égrène ses mesures sans entrain, presque mécaniquement. L’assistance qui attend du croustillant s’impatiente quelque peu. Mais au bout d’une heure, c’est Gérard Collomb qui déridera en premier la foule de journalistes. Le téléphone de Frêche sonne. Et le maire de Lyon de lancer sur un ton goguenard : “c’est Hélène Mandroux” (la candidate investie par le PS contre Frêche). Chez les colistiers de l’exclu du PS, la blague marche.
Frêche se lâche
Quelques minutes plus tard, le show Frêche peut commencer. L’ancien professeur de droit romain se mue en tragédien grec. Avis aux personnes sensibles, préparez vos mouchoirs. “Je suis né socialiste, je mourrai socialiste. C’est ma vie, je ne suis pas un quelconque Besson. Ce n’est pas un bout de carte qui me fera changer d’avis”, déclame-t-il. Hargneux lundi avec Hélène Mandroux, il la joue nostalgique mardi en décrivant “une dame que j’ai beaucoup aimée et que j’aime encore”. Dans la foulée, il lui envoie une énième pique : “Comme elle est maire de Montpellier, elle ne peut pas cumuler avec le mandat de présidente de région. Elle va donner la région à Couderc (le candidat UMP) ou aux Verts. Ce serait une folie de perdre la région alors que la gauche aura 66% des voix. Je dis à tous ceux qui s’acharnent dans la haine qu’ils n’ont pas de raisons d’être haineux”. Pour aller toujours plus loin dans la dramaturgie, il donne son explication à la présence de Gérard Collomb : “il n’est pas là pour me défendre mais pour défendre la gauche”.
“Collomb est un ami de 40 ans"
Dans la série, échange d’amabilités, Gérard Collomb démarre son discours en rappelant que Montpellier a longtemps été son modèle pour Lyon. Et puis le moment tant attendu arrive. Les oreilles de la direction national du PS sifflent “enfin”. “On nous parle de règles mais Martine Aubry n’a pas de continuité. Elle soutient mon ami Bachy en Champagne-Ardennes. Elle a raison de le soutenir mais dimanche il a été exclu du PS car il s’est présenté contre les candidats officiels du PS". La salle applaudit. Et Gérard Collomb qui se pose en rassembleur, alors même qu’il va à l’encontre de la direction de son parti, de conclure : “pour que les socialistes gagnent les présidentielles de 2012, il faut que Frêche gagne aujourd’hui”. Le président de la région, euphorique, devant tant de preuves de soutien lui rend la pareille : “Collomb est un ami de 40 ans, un frère. Ce qu’il fait est naturel mais dans les conditions actuelles, cela a l’air courageux. Ca me fait chaud au coeur”. Fin de la conférence de presse.
"Les hurluberlus de la rue de Solférino"
Leur duo d’amoureux transis s’expatrie dans une cour verdoyante et ombragée. Les deux barons continuent à se poser en rassembleur de la gauche et d’un Parti Socialiste qui exclut. “On ne peut pas dire le PS tu l’aimes ou tu le quittes. Le PS, ce n’est pas qu’une direction. Ce sont des réseaux d’amitiés”, poursuit Gérard Collomb. Frêche monte en pression, se fait plus provocateur. Tel qu’en lui même. Petit florilège : à l’intention de la direction du PS : “À Lille, ils aiment Mauroy et ils supportent Aubry”, “C'est quelques hurluberlus de la rue de Solférino, qui ne représentent qu'eux-mêmes” ou encore “Sarkozy, il doit se dire avoir une telle platée d'imbéciles contre moi, c'est un bonheur. Il est en chute libre dans tous les sondages, il va perdre ces élections régionales, il n'a pour se reconstituer que l'imbécillité de ses adversaires. Pour le moment, il peut y compter”.
Questionné sur 2012, Georges Frêche fait de la publicité à Gérard Collomb : “je le verrai bien comme candidat. Quand on mène Lyon, on peut mener la France”. Gérard Collomb fait mine de ne pas avoir entendu. Frêche s’en va, marchant péniblement et dans un style d’empereur romain déclare : “il n’y a que la mort qui peut m’arrêter”. Le maire de Lyon continue de répondre aux médias. Il sourit, plaisante. Visiblement content de son tour de passe-passe. Ce mardi, il a soutenu Frêche sans entrer dans l’attaque gratuite du PS.
Tous exclus
Moins virulent que pendant la campagne des européennes où il menait la fronde des barons locaux, il laisse le premier rôle à Georges Frêche et essaie de rester dans sa posture de rassembleur. Vers 14 heures, il part déjeuner avec “son frère” à l’hôtel de région. Cette fois-ci, pas de caméras. La rencontre est informelle et le maire de Lyon n’en révèlera pas le contenu de leurs échanges. À 16 heures, il remonte dans le train pour Lyon. Une heure plus tard s’ouvre le bureau national du PS qui doit statuer sur le sort des colistiers du président actuel de la région Languedoc-Roussillon. Gérard Collomb militait pour l’absence de sanctions et annonçait que sa présence à Montpellier était plus utile que sa présence au bureau national. Dans la soirée, Solférino a exclu les 59 colistiers de Georges Frêche. Collomb a perdu.
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