Macron
© Tim Douet

Colonisation : Emmanuel Macron s'excuse lui-même (mais nous pardonne)

Tandis qu'il marque le pas dans les sondages et que la vacuité de ses propos commence à semer le trouble jusque chez ses sympathisants, un temps séduits par son côté "sympa et sympa", Emmanuel Macron a demandé "pardon" suite à ses affirmations sur la colonisation en Algérie, qualifiée de "crime contre l'humanité". Pardon, vraiment ? Comme d'habitude chez Macron, l'ambiguïté vient compliquer le tout. Et l'on comprend, une fois encore, qu'il ne parle jamais que de lui-même.

Emmanuel Macron ()

© AFP Boris Horvat
Emmanuel Macron en meeting à Toulon

Quand on est constamment dans la posture et que l'on veut instrumentaliser l'histoire à des fins électorales, on court le risque de ne jamais être compris (ou trop bien compris...) et de passer pour un fieffé opportuniste. "Je vous ai compris ! Et je vous aime !" a pourtant lancé Emmanuel Macron en meeting à Toulon, dans un Zénith clairsemé (3900 inscrits, 2000 personnes espérées, 1000 participants au final), reprenant à son compte la célèbre phrase -elle-même très ambiguë- du général de Gaulle.

Il était déjà passé du "crime contre l'humanité" au "crime contre l'humain", comme si assassiner des myriades de personnes était in fine moins grave que d'atteindre à la somme de celles-ci, prise en tant qu' entité pensante et agissante, suggérant ainsi que l'on peut tuer sans être complètement pétri de mauvaises intentions. Charabia bizarre, confusion de la pensée, gloubi-boulga historique, nous sommes bien, en marche !, dans l'étrange contrée de la macronite.

"J’ai reçu des lettres bouleversantes (…), a-t-il déclamé. Je suis désolé de vous avoir blessé, fait mal. Je ne voulais pas vous offenser. Je sais vos vies, vos peines, vos souffrances. (…) Ce sont des mémoires chaudes et pas que de l’histoire. Ce sont des vies (…). Pardon pour les passionnés, pardon de vous avoir fait mal, ce n’est pas ce que je voulais…"

Les "passionnés" ? Qu'est-ce à dire ? Qu'il y aurait des personnes, telles qu'Emmanuel Macron, capables de raisonner et d'avoir une pensée lucide et éclairée sur l'histoire de France et d'autres qui seraient uniquement mues par la passion, le ressentiment et la peine et auraient ainsi le plus grand mal à dérouler un raisonnement construit ? Avec ses glissements sémantiques à la marge et ses dichotomies malhonnêtes - où une partie s'oppose subrepticement à l'autre mais sur un plan différent, en réalité non opposable - Emmanuel Macron veut apparaître comme au-dessus de la mêlée, le Sauveur capable de faire la synthèse - par "l'amour" - de toutes les sensibilités et de toutes les histoires françaises.

"Les Christ inférieurs des obscures espérances"

Emmanuel Macron au meeting de Lyon

© Tim Douet

Le problème avec ces incessantes postures christiques, c'est que l'on ne sait pas à quelle vérité révélée se réfère Emmanuel Macron, dans une République laïque. A-t-il eu la révélation de lui-même en se rasant, pensant de façon tout à fait sincère et éblouie qu'il était l'homme providentiel ? D'autres l'ont pensé avant lui, comme Nicolas Sarkozy et même François Bayrou, avec le succès que l'on sait, dans des registres différents. Est-il simplement le jouet présentable de la finance internationale, animée par les puissances occultes de l'argent facile, avec paradis fiscaux et cascades de holdings, tels, pour ne citer que lui, Patrick Drahi, qui ne ménage ses efforts pour faire de la promotion Macron l'alpha et l'omega de ses médias ?

Toujours est-il qu'il n'est pas le premier à dérouler ainsi un ensemble de postures, qui ne constituent pas une vision mais simplement un regard cynique sur un monde en train de se déliter. Emmanuel Macron, comme Pascal Lamy avant lui (l'ancien directeur général de l'OMC figurait d'ailleurs au premier rang de son meeting à Toulon) est tout sauf un rêveur. Que nous dit-il au fond, sinon qu'il est impuissant à changer le cours des événements, qu'il faut juste accompagner avec "bonheur, générosité et optimisme" ?

Contre ce qui est pour, pour ce qui est contre, avec des bémols

Voici un article écrit il y a tout juste quatre ans, quand Pascal Lamy faisait campagne pour être nommé Premier ministre. Tout y est, il ne manque rien, pas même les lapalissades et autres sottises sur "le sens de l'histoire". Le discours de Macron n'a strictement rien de nouveau, c'est le discours dominant et rébarbatif d'un libre-échangisme sauvage et triomphant, censé apporter un bien-être inéluctable au monde entier, contre lequel il serait définitivement vain de lutter.

Monsieur Macron, je vous ai compris ! Vous êtes pour ce qui est contre, contre ce qui est pour, avec un bémol dans les deux cas. Mais l'histoire n'a aucun sens, sauf celui, éventuellement, que veulent bien lui donner les "humains", qui en France sont aussi des citoyens. Un homme, une voix... et certainement pas "un homme, une voie". C'est peu, c'est beaucoup ; quand je vous vois, vous écoute et vous lis, j'ai une révélation, toujours la même, parfaitement résumée en son temps par Pierre Desproges : "J'essaie de ne pas vivre en contradiction avec les idées que je ne défends pas". Monsieur Macron, quel est selon vous le contraire de cette phrase ? Vous avez une semaine.

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