De “Gégé” à “Évidemment Collomb”

Pour la première fois, Gérard Collomb se présente avec assurance devant les électeurs. Oubliées, les années de traversée du désert sous Noir puis Barre. Définitivement close, la parenthèse Perben qui l’avait, temporairement, fait douter. Le maire sortant de Lyon aborde le premier tour avec l’assurance de celui qui s’enorgueillit de deux bilans plutôt bien remplis et d’une popularité qui fait défaut à ses rivaux. Il fait donc campagne sur son seul nom. Et, pour certains de ses colistiers, Gérard Collomb la joue trop “perso”.

De son slogan "Évidemment Lyon avec Gérard Collomb", il faut comprendre "Évidemment Collomb à Lyon". Pour sa sixième campagne municipale à Lyon, le maire PS ne mise que sur sa propre personne et son bilan après deux mandats bien fournis en réalisations. Au-delà de la métamorphose de la ville, c'est aussi le signe de la transformation du candidat Collomb. Que de chemin parcouru depuis la première candidature en 1983. Jusqu'à son élection en 2001, Gérard Collomb est avant tout "Gégé". Un politique qui encaisse les revers sans se départir d'une proximité non feinte avec les habitants. C'est l'époque, narrée dans un grand sourire par ses compagnons de conquête du pouvoir, où l'actuel sénateur-maire arpente les maisons de retraite en poussant la chansonnette à la veille des élections. Mais ça, c'était avant. Avant de conquérir le pouvoir presque par effraction, grâce aux divisions de la droite (Gérard Collomb est élu en 2001 avec moins de 50 % des voix, grâce aux subtilités de la loi électorale Paris-Lyon-Marseille).

2001, un succès inespéré

Gérard Collomb à l’époque où la ville de Lyon est considérée comme une terre de mission pour le PS.

Les rares acteurs déjà présents en 2001 évoquent encore aujourd'hui la surprise de leur victoire. "On savait que c'était possible, mais nous avons mis du temps à comprendre qu'on allait gagner", se souvient un ami du maire de Lyon. La victoire est tellement inattendue que, les premiers mois du mandat, les équipes tâtonnent. Le "modèle lyonnais" que revendique aujourd'hui Gérard Collomb mettra du temps à voir le jour. La première année, des élus de sa majorité – plus libres de parole à l'époque – s'en ouvrent même dans les colonnes de Lyon Capitale. L'alchimie se fera attendre longtemps. Il faudra les Vélo'V, les berges du Rhône, pour que naisse le fameux "modèle lyonnais".

Le sacre de 2008

Contre toute attente, il ne fait qu'une bouchée de Dominique Perben dès le premier tour, gagnant sept des neuf arrondissements. Hilare au soir du triomphe, il savoure ce succès comme on déguste une revanche. Nathalie Perrin-Gilbert date de ce jour le basculement de Gérard Collomb vers une pratique du pouvoir plus autoritaire et moins à gauche. Raillé par les socialistes à Paris, Gérard Collomb tient son heure de gloire. Il n'est définitivement plus "Gégé", ce loser sympathique qui a passé vingt ans à enquiller les revers électoraux, notamment le grand chelem de Michel Noir en 1989. Un de ses proches depuis les années d'échec date aussi de 2008 le changement de personnalité : "Avant, il savait qu'il ne pouvait pas gagner seul. En 2001, il avait remporté la ville avec une liste gauche plurielle. Au soir du premier tour de 2008, il s'est dit qu'il avait gagné sur son seul nom. Aujourd'hui, il a totalement personnalisé l'exercice du pouvoir. Il pense être le seul à être efficace, il n'y a que lui qui peut mener les projets. Il est devenu le seul patron et refuse de faire exister ceux qui sont à ses côtés."

Un modèle qui ne sort pas des frontières de l’agglomération

Au lendemain des municipales, Gérard Collomb se lance donc dans une aventure nationale. Il présente sa propre motion au congrès de Reims. Elle disparaîtra, engloutie par celle de Ségolène Royal. Le maire de Lyon se trouve une existence dans les médias en tant que sniper du PS, son propre parti. Socialiste de l'offre avant l'heure, il multiplie les charges contre Martine Aubry. Durant la campagne de François Hollande, il ne joue pas vraiment de rôle, de même que le président de la République n'envisagea à aucun moment de lui confier un quelconque ministère. C'est donc à Lyon que les changements post-municipales 2008 seront les plus prégnants. Les élus de 2001 laissent fuiter que le maire a changé, qu'il s'est coupé de ses élus. Paroxysme d'une pratique plus autoritaire du pouvoir, la société civile et le cardinal Barbarin le rappellent à l'ordre sur le projet de reconversion de l'Hôtel-Dieu. "Tu n'as pas été élu pour diriger seul", le tance le primat des Gaules.

“Personnalisation du pouvoir”

"Sur ce second mandat, il est devenu plus difficilement accessible", peste un membre de son équipe. En témoigne la constitution des listes pour ces municipales des 23 et 30 mars. Les membres de son cabinet sont à la manœuvre et font appliquer les décisions de Gérard Collomb sans que ce dernier gère le service après-vente. Le temps de la proximité appartient au passé. "Gégé" s'est effacé derrière "M. le maire". "Il est plus distant. L'exercice du pouvoir l'a changé, parce qu'il est plutôt ouvert de nature. Au fil du temps, il n'a plus admis la contradiction. Il préfère sonder son cabinet, qui lui dit tous les jours qu'il est le plus beau et le plus fort, plutôt que les élus de son équipe. Même sur le terrain, je le trouve moins proche des gens", glisse un de ses colistiers. Et ceux qui s'en plaignent en interne dans sa propre majorité de citer en exemple les affiches électorales de la campagne de mars 2014. Gérard Collomb apparaît au milieu, en grand, quand les têtes de liste sont cantonnées à une photo plus petite dans un coin. Comme lors des législatives de 2012 où le maire de Lyon avait fait triompher son candidat Thierry Braillard contre Philippe Meirieu investi par le PS. Depuis, le maire de Lyon en est convaincu, en 2014, à Lyon, ce sera "Évidemment Collomb".

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