DSK : simple bête sexuelle ou proxénète par incorporation ?

« Les juges estiment que des indices graves ou concordants rendent « vraisemblable » la participation effective et déterminante » de DSK -entendu en ce moment même au palais de justice de Lille- dans des « actes de proxénétisme », affirme Le Figaro, qui a pu prendre connaissance de la décision prise par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai. Ladite cour d'appel avait en effet rejeté, le 19 décembre, les demandes de nullité de procédure dans l'affaire dite du Carlton, validant ainsi l'instruction menée depuis mars 2011 par des magistrats lillois. La défense de Dominique Strauss-Kahn avait alors annoncé qu'elle allait se pourvoir en cassation. Aujourd’hui, ses avocats, qui continuent de contester cette thèse, accusent les juges de « faire de la morale » et évoquent « une aberrante construction intellectuelle ».

Ainsi, les magistrats estiment que DSK n'aurait pas été un simple bénéficiaire de ces parties fines mais aurait « initié et largement favorisé en toute connaissance de cause la mise en place d'un système fondé sur la complaisance de son entourage immédiat dans le but de satisfaire ses besoins sexuels ». Jusqu’à présent, la thèse défendue par la plupart des protagonistes concernant DSK était celle d’un homme « à l’emploi du temps surchargé croyant participer à des soirées libertines ». Une naïveté cependant battue en brèche par certaines prostituées, qui évoquent quelque chose de très bien organisé en amont, sans toujours leur entier consentement quant à l’ensemble des pratiques sexuelles d’ailleurs, « une véritable boucherie », une « ambiance bestiale », de « pure consommation sexuelle ». Et les juges de rappeler les déclarations de DSK qui assurait, sur procès-verbal, que « le libertinage suppose le consentement et le plaisir commun ».

Une garçonnière dans le XVIe arrondissement

L’existence d’une « garçonnière » à Paris complique la défense de l’ancien patron du Fonds monétaire international. Cet appartement, situé avenue d’Iéna dans le XVIe arrondissement et dont le propriétaire serait « un vieil ami » de DSK, signerait, pour les magistrats, « l'acte matériel de proxénétisme ». Ceux-ci estiment que DSK « a mis ces lieux à la libre disposition de soirées à caractère sexuel, en présence de prostituées dont il connaissait l'activité », pour des prestations payées entre 500 et 1000 euros. « Il s'est installé autour d'un homme puissant ayant un destin national un petit cercle relationnel jouant sur le secret pour conserver son caractère privilégié et sur la flatterie », écrivent au surplus les magistrats, avant de conclure : « La programmation de ces soirées ne se faisait qu'en fonction de ses disponibilités d'agenda. Il ne laissait aucun message sans réponse, relançant même son homme de confiance (…) exprimant ses désirs (…), lançant des options voire des exigences sur la représentation féminine ».

Les avocats de DSK, qui contestent vigoureusement, parlent d’ « une aberrante construction intellectuelle » et accusent les juges de « faire de la morale ». Toute la question sera en effet de prouver que l’ancien directeur du FMI savait que les filles étaient des professionnelles -et à ce titre étaient rémunérées pour leurs prestations. Tâche difficile, dans la mesure où, au niveau de responsabilté de DSK à l’époque des faits, le « petit cercle » évoqué par les juges devançait les désirs –notamment sexuels- de celui qui, à l’époque, était le favori de l’élection présidentielle. A quel niveau de détail et d’implication peut-on être qualifié « d’instigateur » ? DSK se préoccupait-il des questions matérielles ou le besoin impérieux de satisfaction de ses instincts lui faisait-il perdre toute mesure et toute précaution ? Quand il faisait part de ses préférences par SMS, avait-il conscience qu’il dressait le portrait-type d’une prostituée et établissait dès lors une sorte de cahier des charges ? Ou pensait-il que ses amis avaient simplement dans leur carnet d’adresses des libertines susceptibles de lui plaire et de se livrer à lui sans autre forme de cérémonie ? Seules des contradictions dans les confrontations des divers protagonistes permettront, peut-être, d’en savoir plus.

De vrais arguments pour la défense

Même si l’on n’est « jamais mort en politique », les choses semblent aujourd’hui bien compliquées, et un retour de l’ancien patron du FMI, de plus en plus hypothétique. A cet égard et quoi qu’on en dise, la morale a déjà fait son œuvre. Mais juridiquement, celle-ci n’entre pas en ligne de compte et la défense de DSK a par conséquent de vrais arguments à faire valoir. Ainsi, gratuites et librement consenties, les « boucheries » évoquées ne seraient pas, en effet, juridiquement condamnables. Mais payantes et faisant appel à des prostituées (et DSK, qui a toujours dit ignorer que les filles étaient des professionnelles, ne pouvait donc être un simple client, fût-il assumé), ces mêmes « boucheries » deviendraient alors du proxénitisme aggravé, pour au moins quatre raisons : primo, parce que ce proxénétisme serait commis à l’égard de plusieurs personnes, deuxio parce qu’il serait commis par une personne appelée à participer, de par ses fonctions, à la lutte contre la prostitution, à la protection de la santé ou au maintien de l'ordre public, tertio, parce qu’il serait commis, d’après les différentes dépositions, avec l'emploi de la contrainte, de violences ou de manoeuvres dolosives et enfin, parce qu’il serait commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, sans qu'elles constituent toutefois une bande organisée.

Pour toutes ces raisons, les neuf personnes mises en examen dans ce dossier, DSK compris, encourraient non pas, comme lu ici ou là, « sept ans de prison », mais bien dix ans d'emprisonnement et 1,5 million d’euros d'amende. Plus grave, si la notion de bande organisée était retenue, DSK et ses amis risqueraient alors vingt ans de réclusion criminelle et 3 millions d’euros d'amende. Dans l’affaire dite du Carlton, à l’inverse de l’affaire du Sofitel, un gros chèque serait inopérant : un océan sépare deux conceptions de la morale, de la justice, et diverses constructions intellectuelles.

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