Si Grégory Doucet et Bruno Bernard ont pu avoir des désaccords sur des sujets lyonnais, ils ont jusqu’à présent réussi à les maintenir à huis clos.
Depuis quatre ans, les opposants des écologistes scrutent avec attention les relations entre Bruno Bernard et Grégory Doucet en espérant que les deux édiles finissent par se brouiller. En politique, la coexistence pacifique de deux élus aussi puissants sur un même territoire se conclut souvent par un conflit larvé. Le mandat précédent s’était achevé à Lyon sur des querelles intestines entre Gérard Collomb, maire de Lyon, et David Kimelfeld, président de la Métropole. Bruno Bernard et Grégory Doucet déjouent, jusque-là, les pronostics. Ils ne sont pas des amis de trente ans et n’ont pas lié une relation de mentor à protégé, les ingrédients qui composent souvent les drames shakespeariens en politique. “Nos opposants disent souvent de nous que nous sommes des amateurs. Grégory Doucet et Bruno Bernard ne sont pas des jumeaux mais ils sont professionnels. Quand il y a des dissensions, ils sont suffisamment intelligents pour ne pas les régler sur la place publique comme d’autres ont pu le faire”, souligne Benjamin Badouard, coprésident du groupe écologiste à la Métropole de Lyon. Les deux élus se voient presque toutes les semaines. Leur tête-à-tête hebdomadaire figure invariablement à l’agenda public du président de la Métropole. “Au début du mandat, leur relation était plus formelle. Ils se voyaient dans l’exercice de leurs fonctions et dans leurs bureaux respectifs. Aujourd’hui, ils déjeunent ensemble ou se retrouvent dans un bistrot”, rapporte l’entourage du maire de Lyon.
Lors de ce temps d’échange, ils passent en revue les projets portés conjointement par leurs collectivités et parfois les sujets qui fâchent. C’est le moment où le linge sale se lave en famille. Jusque-là, ils ont réussi à régler leurs accrochages à huis clos. Les entourages, qui avaient grandement participé à la détérioration des relations entre Gérard Collomb et le binôme Képénékian/Kimelfeld, s’astreignent à la même discipline. En début de mandat, la Métropole de Lyon avait toutefois eu du mal à cacher son agacement puis son inquiétude face à la communication maladroite du maire de Lyon. “Je n’ai pas l’impression que ce soit l’amour fou entre eux. C’est un problème de personnalité et d’approche. Bruno Bernard n’est pas un idéologue. Jusqu’aux élections législatives, il pensait que Grégory Doucet était son maillon faible en vue d’une réélection en 2026 car sans Lyon, il n’a aucune chance. Il s’est calmé quand il a vu qu’il n’y avait pas d’offre alternative sérieuse”, concède Georges Képénékian, conseiller municipal et ancien maire de Lyon.
Irritations sociales
Cet été, c’est l’hôtel de ville qui avait du mal à cacher son agacement après que la Métropole de Lyon a décidé de réduire la voilure de son dispositif d’hébergement d’urgence des mères isolées. Grégory Doucet avait pris son téléphone pour contacter des élus de la Métropole et les inciter à revenir en arrière. “J’ai été très surpris qu’il m’appelle et je lui ai dit de passer directement par Bruno Bernard”, confie un conseiller métropolitain de la majorité. Le sujet a finalement été abordé entre les deux hommes. “J’ai assisté à une réunion où Grégory Doucet a exprimé ses points de désaccord. Ils ont des espaces de dialogue qui permettent d’éviter de le dire publiquement”, sourit le sénateur écologiste Thomas Dossus. L’hébergement des mineurs non accompagnés est l’un des principaux vecteurs de tension entre leurs collectivités. Les deux entourages admettent que des projets sur lesquels les deux élus ont pu avoir des divergences ont réussi à être aplanis lors de leurs tête-à-tête. “Bruno Bernard a prévenu Grégory Doucet du report de deux ans de l’interdiction des diesels sur la ZFE en lui faisant part de l’inquiétude des milieux économiques. La Métropole voulait interdire les trottinettes à Lyon mais Grégory Doucet a su le convaincre”, glisse un conseiller du maire de Lyon.
Destin commun
Le mot “complémentaire” revient rapidement quand leurs élus ou collaborateurs décrivent la relation entre les deux édiles écolos les plus puissants de France. C’est aussi ce qu’ils donnent à voir en public. Début octobre, Bruno Bernard et Grégory Doucet ont sillonné quelques rues de la Presqu’île pour tenter d’apaiser des commerçants inquiets par la future piétonnisation qui ne dit pas son nom. Le maire de Lyon, plus tactile, plus séducteur, semblait apprécier l’exercice quand le président de la Métropole paraissait pressé de retrouver les dossiers qui l’attendaient sur son bureau de la rue du Lac. “Ils ont la même vision mais une manière de faire différente. Ils sont tous les deux à la bonne place”, observe Gautier Chapuis, coprésident du groupe écologiste au conseil municipal de Lyon. “Le maire détient symboliquement le pouvoir politique. Le président de la Métropole a la puissance de transformer la ville. Cela correspond bien à qui ils sont. Bruno Bernard peut marcher tranquillement dans la rue sans être reconnu et je pense qu’il en est ravi”, sourit Sandrine Runel, députée socialiste qui siège aussi dans les deux collectivités lyonnaises. “De fait, leurs destins sont liés. Sans les financements de la Métropole, Grégory Doucet ne pourrait pas faire grand-chose. Bruno Bernard sans les élus lyonnais ne serait pas président”, souligne Raphaël Debû, conseiller métropolitain communiste. Ce destin commun les invite à rester chacun dans leur couloir. Bruno Bernard n’a jamais donné son avis sur les politiques menées par la Ville et inversement. Et le maire de Lyon, qui a pris goût à la politique, se garde bien de tenter d’agrandir son périmètre de compétence en lorgnant sur le siège de président de la Métropole de son puissant camarade.