Entretien avec Marielle de Sarnez "Bayrou a mûri et s'est bonifié"

Bien au-delà, elle est surtout celle qui a largement façonné le nouveau Bayrou et qui l'a "radicalisé".

Lyon Capitale : Votre style dénote et vous êtes une des révélations de la campagne. Pourtant, vous êtes "entrée en politique" en 1974... Pourquoi n'avez vous pas percé plus tôt ?

Marielle de Sarnez : (rires) J'ai longtemps refusé d'être élue, tout simplement parce que j'avais des enfants. Puis je suis devenue députée européenne en 1999 et conseillère municipale de Paris en 2001.

Vous n'avez que le bac... Comment vous vous sentez dans ce monde d'énarques ?

Et en plus je suis une femme ! Mais ça se passe très bien. Souvent, les gens qui ont appris les choses sur le terrain, sont moins bornés... (rires) Non... disons que ce n'est pas la même forme d'intelligence ! Ce n'est pas parce qu'on a réussi un concours à 20 ans, qu'on est intelligent toute sa vie. Je fais toujours plus confiance à l'expérience qu'à l'expertise.

Vous avez commencé votre engagement auprès de Simone Veil, qui pourfend aujourd'hui Bayrou et soutient Sarkozy...

Ça m'a fait de la peine pour elle... Je n'aime pas la façon de faire de la politique de Nicolas Sarkozy : aller chercher des gens pour taper sur les autres.

Les fondateurs de l'UDF, Giscard, Veil ou Barre, n'apprécient pas François Bayrou...
Est-ce qu'il fallait tuer "pères et mère" pour s'émanciper ?

Les anciennes générations voient toujours d'un mauvais œil les nouvelles qui arrivent... J'essaierai de ne pas être comme ça, parce qu'il n'y a pas de générosité dans tout ça ! Mais on ne peut pas congeler la vie politique française avec toujours les mêmes têtes... Il y a un besoin urgent de changer de génération.

Raymond Barre a choqué en parlant des "juifs coupables"...

C'est hyper-triste ! Et c'est simplement inacceptable...

Beaucoup de "figures" de l'UDF ont lâché Bayrou. Vous êtes-vous sentie dans la peau de la marionnette des guignols de Chirac en 1995, avec le dos plein de couteaux ?

(rires) Non, c'est Bayrou qui s'est libéré de cette UDF là ! Tous ceux-là qui ont essayé de nous faire du tort, nous ont rendu service car ils nous ont rendus libres ! On s'est retrouvés pleinement indépendants, ne devant nos résultats électoraux qu'à nous mêmes.

Au total, votre équipe est petite...

Non, il y a 70 parlementaires ! C'est le troisième parti politique français... On est une PME, pas une entreprise du CAC 40. Mais l'avenir est aux PME !

Voyez-vous revenir les "traîtres" avec les bons sondages ?

Oui, même si je n'utilise pas des mots comme ça. Les hommes sont fragiles. Il y en a toujours qui veulent être du côté du manche.

Vous avez fait 68 du même côté des barricades que Dany Cohn-Bendit...

J'étais plus jeune que lui (rires) !

Que pensez-vous de son appel à une alliance UDF-PS-Verts-Hulot ?

Moi j'apprécie Daniel Cohn-Bendit sur les questions européennes. Mais je ne partage pas toujours ses analyses de politique intérieure. François Bayrou porte un projet de rassemblement d'une partie de la droite et d'une partie de la gauche, autour d'un grand centre. C'est assez différent de ce que propose Cohn-Bendit.

Le Pen a eu ses 500 signatures. Craignez-vous un vote utile en faveur de Sarkozy et Royal, pour lui barrer la route ?

Le seul vote utile pour faire changer les choses c'est François Bayrou ! Je parle beaucoup avec mes collègues européens. Pour eux, c'est formidable pour l'image de la France que celui qui progresse soit Bayrou et pas Le Pen ! Ça vous ne l'écrivez jamais dans vos journaux... Alors que toute la presse européenne le dit : enfin il se passe des choses positives en France ! Quand je vois M. Hollande ou les gens de l'UMP regretter que Bayrou soit devant Le Pen, je trouve leur archaïsme navrant.

Avec Le Pen, vous êtes en concurrence sur le vote protestataire, anti-système...

La dernière fois, le vote Le Pen n'a amené qu'une seule chose : renforcer le système, qu'il prétendait combattre... Nous, nous sommes le seul vote qui puisse changer le système et permettre le redressement de la France !

Bayrou a confié au Monde : "J'ai été longtemps un jeune conformiste... Et sans doute "formiste" est-il de trop".... Quel rôle avez vous joué dans sa "transformation" ?

(rires) Une des qualités de François, c'est qu'il garde les mêmes fondamentaux, mais qu'il est capable d'écouter des gens qui pensent différemment... C'est pourquoi j'ai pu, comme d'autres, contribuer à ce qu'il évolue sur certains sujets. C'est vrai, c'est quelqu'un qui a mûri et qui s'est bonifié. Il a une générosité, une empathie pour les autres... Ses qualités humaines et politiques me font dire qu'il sera un excellent président.

C'est vous qui l'avez fait évoluer sur le Pacs... Êtes vous plus moderne que lui ?

Ça c'est le speech un peu caricatural, parce que lui est né dans un petit village et moi dans une grande ville. C'est vrai. On est différents ! On n'a pas eu la même éducation, il a des racines beaucoup plus ancrées que les miennes... Mais on pense la même chose sur l'essentiel.

Chaque candidat met en scène un duo : c'est Nicolas et Cécilia Sarkozy qui travaillent à nouveau ensemble, Jean-Marie Le Pen qui passe le relais à sa fille Marine, Hollande et Royal qui affichent leurs divergences...

Chez nous, il n'y a ni mise en scène, ni duo. L'esprit de notre campagne, c'est l'esprit d'équipe. C'est sans doute une des raisons de la réussite de notre campagne. Elle est d'abord collective.

Vous êtes trop modeste. Dans Elle, Bayrou dit de vous : "s'il y en a une qui a de l'influence sur moi, c'est elle"...

Parce qu'il est interrogé sur moi. Si vous l'interrogiez sur Michel Mercier, il dirait la même chose. Il a une confiance absolue et totale en Michel, et il a bien raison. Heureusement qu'on est quelques uns soudés et fidèles à accompagner Bayrou.

On vous dit férue de politique étrangère... Comment jugez vous l'action de Jacques Chirac ?

Dans les moments critiques, Chirac a vraiment bien représenté la France. Sur l'Irak, heureusement qu'il était là !

Sur la question des droits de l'homme, la France n'est-elle pas trop indulgente avec la Chine ou la Russie ?

Si. Je n'ai pas aimé les déclarations de la France à l'égard des droits de l'homme en Chine, le déploiement de forces de sécurité lors de la venue d'Hu Jintao à Paris... Ce n'est pas parce qu'on fait des courbettes qu'on vendra davantage d'avions ! Je préfère l'attitude des Allemands, qui disent clairement les choses, ce qui ne les empêchent pas de commercer avec la Chine...

Vous espérez un soutien de Chirac ?

Non. La logique absolue est qu'il soutienne le candidat du parti qu'il a créé... Même s'il n'en pense pas moins ! (rires)

Lucie Aubrac doit-elle être panthéonisée ?

C'est triste le Panthéon ! Ce n'est pas une fin qu'on doit souhaiter à quelqu'un qu'on estime et respecte.

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