Elle devait fléchir face aux quadras sur des alliances avec le MoDem ou sur des primaires ouvertes. A quelques jours de l'université d'été de La Rochelle, on lui avait forcé la main. Martine Aubry a répondu avec force et en plaçant les militants au cœur de la rénovation du parti. Un tour de force qui pourrait ramener la paix dans la famille socialiste.
De notre envoyé spécial à La Rochelle
Les quadras du PS avaient gagné l'avant université d'été. Arnaud Montebourg, en publiant un livre manifeste pour des primaires ouvertes juste après avoir menacé de quitter le parti, avait réussi à forcer la main de Martine Aubry sur le choix du candidat pour 2012. Les militants socialistes attendaient donc la première secrétaire du parti, décriée par quelques quadras et éléphants, au tournant. Ils voulaient voir et ils ont vu une Martine Aubry combative. Son discours a d'ores et déjà donné de l'importance et de la hauteur a l'université d'été. En moins d'une heure, elle a remis de l'ordre dans la famille socialiste.
Les militants voteront le 1er octobre sur les primaires ouvertes
A chaque fois qu'elle faisait un pas vers ses détracteurs, elle leur assénait un coup de semonce. " Les primaires ouvertes, nous allons les faire. Cette rénovation du parti, nous allons la faire. De A à Z. Et de C comme cumul des mandats à P comme primaires ", harangue la première secrétaire du PS. Les militants applaudissent. Dans les premiers rangs où se concentrent les cadres du PS, ça grince des dents. Tous ne sont pas en conformité avec la future règle socialiste sur le cumul des mandats. Martine Aubry lâche du lest mais pas complètement. Elle dit oui aux primaires ouvertes mais pose ses conditions. Les militants devront adouber cette pratique. Les quadras aux tendances putschistes ne repartiront pas de La Rochelle avec un blanc-seing. Martine Aubry confie la responsabilité de trancher aux adhérents du PS à partir du 1er octobre. Une nuance qui a du poids. Elle donne le pouvoir à la base et non pas aux cadres. Elle retourne la situation à son avantage.
Pas de candidat à la présidentielle avant 2011
Concernant le calendrier des primaires ouvertes, elle ouvre des perspectives assez lente. Les plus impatients devront ronger leur frein. Un peu comme pour le choix du candidat des présidentielles de 2007, les primaires ouvertes ne devraient avoir lieu qu'en 2011. De quoi laisser en course Dominique Strauss-Khan dont le mandat au FMI prend fin en 2012. Aubry lâche du lest mais garde toujours la main et met en garde : " les primaires doivent être une opportunité pour nous, pas un problème entre nous ". En parallèle des primaires, elle pose comme préalable la constitution d'un programme. " La refondation des idées et du Parti n'iront pas l'un sans l'autre ", glisse-t-elle. On lui soumettait l'idée de rénover le parti, elle fonce.
Un appel au calme
Au passage, elle rappelle délicatement à l'ordre ceux qui ont enfreint les règles tacites du parti. " Je n'ai pas souhaité m'exprimer avant La Rochelle parce que c'est ici au milieu de vous que je veux le faire. C'est une marque de respect pour la démocratie interne et pour les militants (...) Et puis, je préfère la pensée solide au raisonnement, l'expression collective au chacun pour soi. La société médiatique a ses exigences, mais pour moi, le respect d'un Parti, de ceux qui en portent les valeurs, prime avant tout et primera toujours ", s'emporte Martine Aubry. Tonnerre d'applaudissements dans la salle. En moins d'une heure, la première secrétaire du Parti Socialiste vient de rappeler qui lui avait donné les commandes de l'appareil. Et plus important qu'elle avait encore leur soutien. Les habitués de la petite phrase assassine en prennent pour leur grade : " Nous devons être enthousiastes et non impatients, convaincants et non arrogants. Les français attendent du sérieux et non des coups d'éclat (...) Rien ne me fera dévier de ma mission, ni le tintamarre médiatique, ni les injonctions, ni le yoyo des sondages ". Circulez y a rien à voir et tous au boulot.
Bayrou devra séduire le PS
Martine Aubry fait son boulot de première secrétaire. Ses adversaires l'attendaient en difficulté, elle a repris le dessus devant un public vite acquis à sa cause. Le week-end dernier à Marseille, Vincent Peillon en invitant la numéro 2 du MoDem, Marielle de Sarnez, avait favorisé un rapprochement entre les deux partis. Et au sortir de son atelier, l'hypothèse d'une grande alliance contre l'UMP avait pris du crédit. En agissant, comme Montebourg sur les primaires, l'eurodéputé du Sud-Est avait mis Martine Aubry au pied du mur. Là aussi, elle a répondu présent. Elle demande au patron du MoDem de faire ses preuves, de montrer qu'il est désormais à gauche. " Est-ce que l'objectif de François Bayrou n'est pas de nous diviser ? ", s'interroge-t-elle après avoir défendu un rassemblement de la gauche dans lequel il semblerait qu'elle imagine mal de voir s'y inscrire Bayrou.
Les quadras prêts à rentrer dans le rang ?
Pendant près d'une heure, elle a multiplié les " on va y aller ". Son message est passé auprès des militants qui l'applaudissent à tout rompre. Martine Aubry a fait preuve de vrais talents d'oratrice. Elle a ramené l'ordre au sein du PS. Dehors quelques instants plus tard, même les socialistes les plus critiques à son égard la félicite. " On avait besoin d'une remise en ordre de marche. Les militants trancheront sur les primaires ouvertes. Le PS a du talent, il ne manquait qu'une partition. Les français sont las des phrases assassines, des attitudes nombrilistes (...) Demander à François Bayrou de se positionner clairement me paraît raisonnable. On ne va pas le supplier ", résume Pierre Moscovici. Plus loin, Manuel Valls, qui n'était pas présent, un des principaux opposants à la première secrétaire, se réjouit du discours de Martine Aubry : " ses propos vont dans le bon sens ". Vincent Peillon va lui plus loin : " je suis ravi. Le soleil de Marseille est venu briller jusqu'à La Rochelle. Je suis favorable au non cumul des mandats et les choses sont bien engagées avec le MoDem. Le PS bouge, c'est une bonne chose. C'est important, pour la première fois, je suis content, on va faire des choses. Les militants vont voter, ce n'est pas rien ". Une page se tourne, celle du congrès de Reims. Après des mois de tâtonnement, Martine Aubry a montré qu'elle était la chef du PS. Et vendredi mêmes les plus incendiaires des socialistes n'oseraient dire le contraire.
Paul Terra
Les commentaires sont fermés