Tous les six ans, c’est le carnaval de partis jusque-là inconnus, des candidats qui délivrent des messages tantôt singuliers, tantôt farfelus. Pas moins de 193 listes sollicitent le suffrage des Français cette année, dont les Pirates, les royalistes, les aficionados de l’espéranto et les fédéralistes pur jus. S’ils dépassent 3 % des voix, ils se verront rembourser leurs frais de campagne. Exemple dans le Sud-Est.
Pirates, royalistes, aficionados de l'espéranto et fédéralistes pur jus se lancent à l'assaut des élections européennes. Pas moins de 23 listes sollicitent le suffrage des citoyens du Sud-Est cette année. À l'échelle nationale, ils sont 3 753 candidats répartis en 193 listes. Un nombre qui interpelle. Certains se réjouiront de cette démocratie bouillonnante qui donne la parole à quantité de micro-formations, qui vont délivrer des messages singuliers, par exemple la liberté sur Internet (Parti pirate) ou la promotion des langues régionales (Régions et peuples solidaires). D'autres profiteront de cette tribune pour des propositions culottées voire utopistes, telles que la mise en place d'un euro-franc (Nouvelle Donne), d'une TVA européenne (Parti fédéraliste européen) ou encore d'emprunts européens dédiés à des grands projets (Nous Citoyens).
Une occasion de se faire connaître à moindres frais
Pour eux, ces européennes constituent une occasion inespérée de se faire connaître et d'avoir un accès aux médias. Espérant attirer des militants et exister nationalement. Pour composer une liste, il suffit de 26 noms pour la région Sud-Est. Les dépenses de campagne sont remboursées à condition d'obtenir 3 % des voix exprimées (le plafond est de 600 875 euros pour chaque circonscription). Certes, une majorité de candidats ne devrait pas y parvenir, mais l'objectif paraît plus accessible que pour les scrutins nationaux, où la barre est fixée à 5 %.
La démocratie européenne en sort-elle grandie ? L'offre électorale ne garantit en rien une participation plus élevée : c'est même le contraire qui se profile, comme en 2009 et 2004. De ce point de vue, ce carnaval des 193 listes est de nature à brouiller le choix des électeurs plutôt qu'à l'éclairer. On vous laisse en juger : voici le contenu propositionnel de ces petites listes.
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Les listes loufoques
POUR UNE FRANCE ROYALE AU CŒUR DE L’EUROPE
Ces royalistes trouvent dans les élections européennes un moyen de faire entendre leur voix. Ils plaident naturellement pour une réforme des institutions, pour défendre l'héritage chrétien de l'Europe contre le traité de libre-échange avec les Etats-Unis (en cours de négociation). Au niveau inter-étatique, ils sont pour la souveraineté des Etats, la subsidiarité dans les institutions et "la solidarité entre les pays".
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DÉMOCRATIE RÉELLE
Ces listes ont été conçues par tirage au sort, sur la base de volontaires, prenant modèle sur les jurys citoyens éprouvés au Danemark, aux Etats-Unis et… en Chine. Ces “députés-coursiers”, comme ils se dénomment, s'engagent à réaliser un "mandat court, non renouvelable, impératif et révocable". S'ils disposent d'élus, ceux-ci démissionneront en cours de mandat pour permettre à d'autres candidats de leur liste de siéger à leur tour. Ils s'engagent, une fois élus, à organiser des référendums sur tous les projets de loi soumis au Parlement européen. Et promettent une contre-révolution à l'échelle européenne.
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ESPÉRANTO LANGUE COMMUNE ÉQUITABLE POUR L’EUROPE
L'espéranto plutôt que l'anglais. Cette liste veut "une langue commune indépendante, riche et équitable", en l'occurrence celle imaginée à la fin du XIXe siècle par Ludwik Leizer Zamenhof. "Dans une Europe qui se cherche, l’espéranto aidera l’Union européenne à trouver sa voie", pensent ces candidats. Ils jugent que "l’anglais n’est pas fait pour la communication internationale : malgré des milliards d’euros alloués et la systématisation de son apprentissage dès le plus jeune âge, il ne permet pas aux Européens de communiquer d’égal à égal. Il crée une hiérarchie linguistique et remet en cause l’apprentissage et l’utilisation des autres langues". L'espéranto est réputé d'un apprentissage rapide.
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ALLIANCE ÉCOLOGISTE INDÉPENDANTE
"Le sentiment ancestral de manque dans notre chemin de croix contribuera aux conflits assassins. Les guerres vont se multiplier, s’aggraver avec les découvertes techniques comme le fer, la poudre puis l’atome." Ce mouvement, qui aime à convoquer l'histoire pour comprendre le monde d'aujourd'hui, s'oppose au productivisme et au matérialisme. Leurs propositions sont radicales : "Sortir progressivement de la chimie, des énergies fossiles, du nucléaire, de l'urbanisation, du plastique, de l'omniprésence du sucre, mais aussi de la maltraitance animale." Ils veulent imposer le bio à toutes les exploitations agricoles, interdire toute extension et création de grandes surfaces, interdire aussi les affichages et les dépliants publicitaires.
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Les listes à message unique
RÉGIONS ET PEUPLES SOLIDAIRES
Ces régionalistes comptent déjà un élu français au Parlement européen, François Alfonsi, qui siège avec les Verts. Il s'est battu pour la ratification de la charte européenne des langues régionales. Leur cheval de bataille : la défense des identités régionales. Ils ont aussi des propositions sur la possibilité de décentraliser la gestion des fonds européens et de la PAC.
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FÉMINISTES POUR UNE EUROPE SOLIDAIRE
La liste 100 % féministe, emmenée par 50 % de femmes (loi oblige), entend défendre le droit à la contraception et à l'avortement, malmené en Europe, lutter contre les violences conjugales et améliorer la situation des travailleuses précaires. Parmi leurs propositions, celle d'un commissaire européen en charge des droits des femmes.
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PARTI PIRATE
Déjà présents lors des dernières élections nationales, les Pirates espèrent percer en France. Bien implantés dans certains pays, ils disposent déjà de deux députés européens (élus en Suède, où le mouvement est né, il y a une dizaine d'années). Ces parlementaires ont notamment ferraillé contre la loi Hadopi française, voulant reconnaître l'accès à Internet comme un droit universel. Ils défendent l’accès à la culture et au savoir, l’ouverture des données publiques, luttent contre les monopoles privés, le système des brevets, le fichage abusif, et veulent limiter la vidéosurveillance et les prélèvements ADN. En France, ils avaient plaidé pour la suppression du garde des Sceaux et son remplacement par un Conseil supérieur de la justice indépendant.
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Les listes eurocitoyennes
NOUVELLE DONNE
Ce parti, créé en novembre 2013 par Pierre Larrouturou, rassemble notamment des socialistes déçus par les orientations économiques du Gouvernement et par les politiques d'austérité. Ils espèrent mener une "contre-révolution" à l'échelle européenne, en trois ans. Des idées pour relancer l'économie, ils n'en manquent pas, que certains trouveront utopiques. Ils proposent par exemple l'instauration d'un euro-franc, qui circulerait en parallèle à la monnaie unique. "Chaque citoyen résident âgé de plus de 18 ans recevra chaque mois 150 euro-francs, sur un livret ouvert à cet effet", indique leur programme. Ils veulent que soit refusé l'accès aux marchés publics aux entreprises présentes dans les paradis fiscaux, et proposent que des critères sociaux soient ajoutés aux règles d'or budgétaires (taux de chômage inférieur à 5 %, taux de pauvreté inférieur à 5 %...).
Pour lutter contre le dumping social, ils ont une idée massue : une entreprise qui délocalise dans un pays où la main-d'œuvre est moins chère devrait appliquer un salaire minimum au moins égal à la moyenne des deux pays. À la lecture du statut de la Banque centrale européenne, Nouvelle Donne soutient que celle-ci "peut prêter au taux de 1 % à la Banque européenne d'investissement (BEI) ou à la Caisse des dépôts qui, à leur tour, pourront prêter au taux de 1,1 % aux Etats pour le refinancement de leur vieille dette".
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NOUS CITOYENS
Le parti libéral pro-entreprises, lancé par le Lyonnais Denis Payre, va affronter le suffrage universel. Il profite de l'élection européenne pour battre la campagne en faveur de la baisse des charges et l'assouplissement des règlementations. À tendance fédéraliste, il propose l'élection d’un "président européen, cumulant les fonctions de président du Conseil européen et de président de la Commission européenne". Ces militants veulent amplifier Erasmus et les jumelages entre communes. Parmi leurs propositions, un budget spécifique à la zone euro. Celui-ci aura pour objectifs "d’aider un pays en difficulté sans délai afin d’éviter un scénario “grec” en cas de crise financière et de soutenir les réformes de certains pays dans le cas d’un “contrat” signé avec la Commission". Ils reprennent là une idée formulée par Manuel Barroso. Pour relancer l'économie du continent, ils préconisent l'instauration de Project Bonds, ces emprunts européens qui seraient dédiés à des grands projets.
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PARTI FÉDÉRALISTE EUROPÉEN
Dans une campagne marquée par un mouvement de défiance à l'égard de l'Union européenne, eux ne craignent pas les contre-courants. Ils souhaitent une plus forte intégration, à la fois pour "une réelle décentralisation et un fédéralisme européen". Parmi leurs propositions, "un budget européen qui pourra directement financer des programmes d’investissement (…), une agence européenne de coordination de la protection sociale qui assurera la transférabilité des droits sociaux et des pensions, une TVA européenne et une taxe sur les sociétés opérant à l’échelle de l’UE". Ils veulent aussi un président européen élu au suffrage universel, qui serait responsable devant deux assemblées, l'une représentant l'ensemble des citoyens, l'autre émanant des Etats membres. "La Banque centrale européenne sera prêteur en dernier ressort et pourra fournir de la monnaie aux Etats membres en émettant des obligations monétaires", indique leur profession de foi.
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Les listes eurosceptiques
FORCE VIE
Le mouvement lancé par Christine Boutin entend défendre à l'échelle européenne les valeurs familiales et s'opposer au mariage homosexuel, à l'avortement et à l'euthanasie. "Tout homme, de sa conception à la fin de sa vie, revêt une dignité intrinsèque", formulent-ils sur leur site Internet. L'identité chrétienne de l'Europe est aussi soulignée. Si ce micro-parti compte l'ex-FN Jean-Claude Martinez, il entend se distinguer du parti de Marine Le Pen en critiquant l'absence de celle-ci aux Manif' pour tous.
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DEBOUT LA RÉPUBLIQUE
Comme le parti de Christine Boutin, le mouvement de Nicolas Dupont-Aignant se distingue du Front national par son slogan "Ni système Ni extrêmes". Le projet est radical, prônant la sortie de l'euro. Il est question de revenir à plus de protectionnisme, n'autorisant le libre-échange qu'entre zones homogènes de libre échange. Les accords de Schengen sont dénoncés afin de rétablir le contrôle aux frontières nationales. La PAC est en revanche défendue. Au niveau national, Debout la République veut créer un service civique obligatoire, réduire de moitié l"immigration et construire 20 000 places de prison.
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COMMUNISTES
Ces communistes-là ne sont pas solubles dans le PCF ni dans le Front de gauche. Ils dénoncent l'austérité actuelle et critiquent l'ampleur des budgets militaires. Dans cette campagne, ils comptent mobiliser contre le traité de libre échange actuellement négocié avec les Etats-Unis. "L’objectif des USA, qui vise à renforcer sa tutelle sur l’Europe, est de doubler les exportations en cinq ans", peut-on lire sur leur site Internet.
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L’UNION POPULAIRE RÉPUBLICAINE
L'Union populaire républicaine se veut "un mouvement de libération nationale". Avec un seul mot d'ordre : quitter l'Union européenne et l'euro. "Au vu de toutes les statistiques mondiales disponibles, aucune corrélation entre la taille d’un Etat et le niveau de vie de sa population", jugent-ils.
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Les listes inconnues
POUR UNE EUROPE UTILE AUX FRANÇAIS
"Notre action se veut volontariste et pleine d’espoir face à la question européenne", indique le site Internet. C'est la seule information qui est donnée sur cette liste.
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MAYAUD HORS BORDS
Nous n'avons obtenu aucune information sur cette liste. M. Mayaud est l'auteur d'un commentaire sur un blog où il fait part de son intention de se présenter aux européennes, sans précision (voir ici).
Merci à Lyoncapitale pour ce travail nécessaire au renouvellement démocratique. Il est dommage que ces partis soient associés aux mots 'loufoques' car c'est oublier qu'aux vues des résultats économiques et programmes des 'grands respectables ('UMP PS FN EELV PC CENTRE), les plus de 50% d'abstentionnistes ont posé depuis longtemps sur ces derniers l'étiquette de 'guignols'.
Ah, des listes seraient « loufoques » ?Si je peux comprendre pour les royalistes et les espérantistes, les écolos et les démocrates défendent des choses qui semblent plus que sensées. Vu par l’autre bout de la lorgnette, que dire des bouffons de l’UMP ou du PS ? De cette union européenne qui discute de TAFTA en douce, qui vote que l’exploitation de gaz de schiste ne doit même pas nécessiter d’étude d’impact environnemental. Ah bon ? Ça n’a aucun impact ? Si ça, c’est pas loufoque …