À Lyon, la gauche et les écologistes sont potentiellement majoritaires, si l’on en croit les sondages et les projections des dernières européennes. Mais leurs divisions et l’absence de leadership évident semblent les condamner à jouer les seconds rôles. En présentant anonymement sa candidature dans Lyon Capitale en juin dernier, “Madame Z” espérait changer le scénario annoncé en dépassant les questions de personnes pour mettre tout le monde autour de la table. Pari en passe d’être réussi, vu les premiers acteurs réunis dans les locaux de Lyon Capitale, et le “comité de soutien” qui, suite à cette première rencontre, a accepté de les rejoindre. Ce qui les réunit ? La conviction que l’urgence climatique demande une coalition capable de gouverner dès mars 2020 la ville de Lyon et la Métropole pour mettre en œuvre une politique ambitieuse de transition écologique. S’ils ne cachent pas que les embûches sont encore nombreuses, le soutien immédiatement apporté à la démarche par des personnalités comme Philippe Meirieu (EÉLV), Thierry Philip (PS), le géographe Michel Lussault ou le fondateur d’Handicap International Jean-Baptiste Richardier confirme qu’une alternative écologique à LREM suscite une attente.
Renaud Payre, vous êtes directeur de Sciences Po Lyon et président de la Manufacture de la Cité. Il est temps de nous dire qui est cette “Madame Z”, qui a annoncé sa candidature aux prochaines élections métropolitaines dans le Lyon Capitale de juin ? Renaud Payre : “Madame Z” est née de l’imagination d’un collectif engagé pour la construction de projets de gauche, la Manufacture de la Cité. En soi, Madame Z n’existe pas, c’est une méthode avant d’être quelqu’un. Finalement, tout l’inverse de LREM, qui s’enferme dans des conflits de personnes avant d’avancer des propositions pour la métropole. À la suite de la publication de l’entretien dans Lyon Capitale, un dialogue s’est ouvert avec différentes personnes, des forces citoyennes, des gens engagés dans des partis… “Madame Z” est portée par des hommes et des femmes, dont cinq sont présents aujourd’hui autour de la table, et on peut dire qu’elle se transforme en “génération Z”. Le message premier, c’est que les cinq qui sont présents ici, et tous les signataires de notre appel – les fédérateurs et fédératrices – peuvent travailler ensemble, dans toute la diversité qu’ils représentent. 2020 ne sera pas une élection comme les autres. Vous souhaitez travailler ensemble autour de quel projet ? Renaud Payre : Ce qu’a proposé “Madame Z” dans Lyon Capitale, c’est un programme d’une gauche de projets, soucieuse de créer une métropole protectrice et attentive aux défis de la transition écologique. Le premier défi est environnemental. Le prochain mandat sera celui du basculement, nous devons agir très vite, prendre des décisions fortes en matière de mobilité et de limitation de la pollution. Pour cela, nous avons proposé de financer les grandes infrastructures nécessaires par un grand emprunt. Il correspondra à une année de budget de la Métropole et sera entièrement dédié à des actions liées à la transition écologique et à l’urgence climatique. Le second défi, c’est de créer une métropole protectrice. La diversité sociale dans notre métropole est menacée. Si on veut que tous les Grands Lyonnais puissent continuer à se loger dans la métropole, il faut imaginer des outils comme la régulation des loyers. Le troisième défi est territorial : il faut arrêter le centralisme qui consiste à tout ramener à Part-Dieu et Bellecour. Et le dernier, c’est le défi démocratique. Combien de citoyens ont compris que les 15 et 22 mars, il y aura deux scrutins ? Il faudra inventer un niveau de proximité pour la métropole. Au-delà, il s’agit de la rendre exemplaire. Et pour cela, il y a sans doute besoin qu’une nouvelle génération arrive aux responsabilités. L’idée, ce n’est pas de faire du jeunisme, mais de construire avec des personnalités qui ont un réel parcours professionnel, dans la société civile. Quand on est élu depuis 1977, 1995 ou même 2001 [allusion respective aux débuts en politique de Gérard Collomb, Nathalie Perrin-Gilbert et David Kimelfeld, NdlR], l’on devient des professionnels de la politique. Ce n’est pas notre conception, ni celle de ceux qui se reconnaîtront dans la “génération Z”. Grégory Doucet, vous êtes le porte-parole des écologistes à Lyon, pourquoi rejoignez-vous la démarche de “Madame Z” ? Grégory Doucet : Je fais partie de ceux qui croient à la nécessité d’avoir un dialogue. Renaud a égrainé les priorités pour la métropole, par ma sensibilité, je les aurais données dans un ordre différent, parce que l’urgence climatique est un enjeu non seulement pour Lyon, et même pour la France, mais tout simplement pour le devenir de l’humanité. J’ai souhaité m’associer à cette démarche, parce qu’on ne pourra pas mener ce combat seuls dans notre coin. Il va falloir mobiliser tous ceux qui sont prêts à agir. Et cela passe par un grand renouvellement. Le personnel politique aux manettes depuis des décennies, c’est celui qui a reçu tous les messages des scientifiques sur le réchauffement, la perte de la biodiversité, l’impact sur la santé publique… et qui n’a pas su quoi faire ! Est-ce que ce même personnel sera capable demain de se dire qu’il faut changer de modèle de société ? Qu’il faut dépasser la société de consommation ? On veut bien croire les belles promesses, mais la vérité c’est qu’il ne donne aucun signe. Quand on interpelle Gérard Collomb et David Kimelfeld, puisque ce sont eux qui dirigent la ville et la métropole aujourd’hui, sur la zone de faible émission, ils ne nous proposent que des mesures extrêmement modérées. Il y a donc une urgence de renouvellement, pas pour mettre “des jeunes à la place des vieux”, mais pour mettre des gens qui pensent différemment. Après le succès des européennes, les écologistes n’ont pas répondu aux différents appels à l’union de la gauche, annonçant de fait une démarche autonome aux prochaines municipales… Grégory Doucet : Je vais être franc, je ne sais pas quelle sera la suite de ce qu’on est en train de lancer. C’est le début de l’histoire, si on ne se met pas ensemble à l’écrire, il n’y aura pas de récit commun. Et je ne suis pour aucun hold-up, il va falloir que chacun de nous engage le débat dans les organisations dont il ou elle est membre. Pour ma part, je serai candidat au sein du processus de primaire pour la candidature des verts qui se ferme le 12 septembre, et je défendrai une démarche d’élargissement citoyenne. Si les militants, mais aussi les 600 signataires de l’appel “pour le climat, pour changer Lyon, nous sommes prêts” qui voteront pour cette primaire n’en veulent pas, alors cela ne se fera pas. Patricia Bretones, vous êtes pédiatre, militante associative, et élue d’opposition à Craponne, pourquoi vous reconnaissez-vous dans la démarche de Madame Z ? Patricia Bretones : Ce qui m’intéresse, c’est de réunir des élus de gauche et des écologistes, mais aussi des citoyens non encartés, comme nous le faisons dans notre association Craponne À Venir. Au niveau local, des gens engagés dans des partis différents n’ont pas de problème à travailler ensemble. Je suis aussi portée par le mot « ambition” : à Craponne, nous avons le même maire depuis 1989. C’est comme en Afrique en fait ! C’est ce qui m’a amenée à me mobiliser, je me suis dit que l’on pouvait porter des politiques beaucoup plus ambitieuses pour nos citoyens. Et puis, il faut que cela tourne ! Je conçois la politique comme un engagement bénévole pour la chose publique, pas comme tous ces professionnels qui s’accrochent aux arbres… (rires). Grégory Doucet : Aux trottoirs plutôt, on ne peut pas dire qu’ils aient planté beaucoup d’arbres (rires). Sandrine Runel, vous êtes la présidente du (petit) groupe PS à la Métropole, et candidate PS aux prochaines municipales à Lyon… Sandrine Runel : Je suis candidate à la candidature, le vote des militants aura lieu le 10 octobre. Je le fais pour montrer que le PS est bien vivant, qu’il est écologiste et de gauche, et que nos partenaires aujourd’hui, ce n’est pas LREM. La gauche est peut-être éclatée, divisée, mais elle a le mérite d’exister et de discuter pour construire des positions communes. Cédric Van Styvendael, vous êtes présenté comme le “dauphin” de Jean-Paul Bret à Villeurbanne… Cédric Van Styvendael : Je serai candidat à l’investiture du PS pour Villeurbanne, pour m’inscrire dans ce récit d’une construction commune. Moi, si je m’engage, c’est avec la conviction que les territoires sont l’espace où l’on peut mener les politiques qui rendront la transition écologique compréhensible et acceptable par les habitants. Cela ne pourra pas se faire si en face des efforts demandés, il n’y a pas d’équité dans la redistribution sociale et le développement économique. Je trouve que Damien Carême (maire écologiste de Grande-Synthe) le fait très bien dans sa ville. Ce n’est pas un hasard s’il a mis en place un minimum social garanti et lancé l’expérimentation du revenu de transition écologique.
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