C'était le premier gros meeting du Front National vendredi 26 février à Villeurbanne. Le parti pourrait, s’il ne dépasse pas les 10% des voix au 1er tour, ne pas envoyer d’élu à l’assemblée régionale. Pour la 1ère fois depuis 1986. Alors Gollnisch a été prié de repartir au front, pour sa 5ème et dernière campagne régionale. Opération : sauver les meubles.
Contraste des genres au FN. A l’entrée du meeting, vendredi 26 février à Villeurbanne, s’affairent des gros bras. Blousons noirs, brassards orange. On imagine en-dessous les gros tatouages d’aigles ou autres symboles de puissance. Tous ont le crane impeccable, "polishé", sans pilosité. Pour passer, il faut ouvrir son sac, se soustraire à un détecteur de métaux. Où est le hall d’embarquement ?
Pas de jocker pour Gollnisch
Dans la salle, moins de gros bras : plus de gros bidons et des cheveux grisonnants. Sur l’estrade, le speaker présente les candidats. Tous ont beaucoup d’enfants, souvent cinq. C’est sans doute un gage de réussite et de sérieux, à les voir autant applaudis. Bruno Gollnisch dit quelques mots. Mais comme « ventre affamé n’a pas d’oreille », il nous invite d’abord à nous restaurer. Une fois le dessert terminé, un petit film est lancé. Pour digérer, des images d’émeutes urbaines, des voitures qui flambent, une enseignante frappée par un élève tandis que son comparse filme. Puis un best of de Gollnisch à Charbonnières.
Le vice-président du FN sera le seul à s’exprimer. Depuis 1986, il siège au conseil régional. Le leader, c’est lui et lui seul. Pas par autoritarisme mais parce qu’à l’entendre, personne d’autres que lui n’a voulu conduire la liste frontiste. Alors il y retourne. Mais "ce sera, sauf circonstances exceptionnelles, ma dernière campagne régionale", nous a-t-il confié. Pour la tenue des débats, il valait sans doute mieux que lui seul tienne le micro…
Son exposé vise surtout Queyranne dont il démonte le bilan. Mais en amuse-gueule, il croque Spartacus « qui dit la même chose que nous mais en moins bien et dont l’utilité sociale est de nous faire baisser en dessous de 10% ». Ce seuil est de première importance pour permettre au Front national d’envoyer des élus à l’assemblée régionale (lire interview). Or cette liste de contribuables enragés concurrence parfois le discours du FN. « La plupart d’entre eux sont issus du 3e arrondissement lyonnais mais envoyés ailleurs, et certains sont même candidats à leur insu », raille le vice-président frontiste.
Le « monsieur Terre-Lune » de la Région
Juste avant Queyranne, ses premières flèches sont pour Millon, coupable des premières dérives financières. Mais les montants, bien qu’élevés selon lui, n’étaient qu’en francs. « Aujourd’hui, ce sont les mêmes mais en euros », s’esclaffe Gollnisch. Il dénonce « le triplement en 10 ans de la fiscalité régionale ». Mais c’est le refrain commun à tous les opposants à l’exécutif sortant, aussi le FN peine-t-il à être audible. Plongeant le nez dans ses notes, il aligne les chiffres à la façon d’un procureur : + 41 % de la fiscalité directe lors du dernier mandat, + 43,7% de la fiscalité indirecte, + 73,7% des frais de fonctionnement tandis que les dépenses d’investissement ne représentent que le tiers du budget.
Illustration de cette impéritie : la vice-présidence aux relations internationales, symbole d’une région qui court-circuite la diplomatie d’Etat et qui vaut à son titulaire, Jean Besson, le sobriquet de « monsieur Terre-Lune pour les distances qu’il a parcourues en avion ». Bien sûr, comme Françoise Grossetête, Gollnisch ne se prive pas pour s’en prendre au « palais Queyranne », le futur Hôtel de région. Le dérapage avéré de son coût, il l’illustre en comptant le nombre de lycées qui auraient pu être construits avec la même enveloppe, passé de 7 à 15 au fil du temps. Ce coût est d’autant plus scandaleux qu’il rappelle que sous Comparini, « la salle des délibérations (ndlr : de Charbonnières) avait déjà été rénovée ». Les conseillers régionaux FN étaient favorables au site de Saint-Exupéry, au foncier plus abordable, avec gare, aéroport et autoroutes à proximité. Proposant une gestion plus économe, le FN promet une baisse de la fiscalité de 5% dès la première année s’il est élu. Et de renoncer à la part régionale du foncier non bâti, mesure à destination des agriculteurs.
Os de poulet, machine à caca et miel de Mexique
Pour moquer la gestion Queyranne sans assommer l’auditoire de chiffres, rien ne vaut cependant la culture. On rigole à tous les coups. « Avec le FN, on ne financerait plus Cloaca, la machine à caca (1). On ne financerait plus l’œuvre des articles de sex-shop jetés sous des toiles de tentes militaires, pendant qu’un film projette les auteurs à poil en train de faire des papouilles (2) ». Il égratigne aussi les groupes de rap « qui proclament leur haine à longueur de CD » et l’œuvre façonnée à l’entrée du lycée Pablo-Néruda à Saint-Martin-d’Hères (Isère) : un os de poulet géant. Ces exemples produisent leurs effets dans la salle, béotienne, qui ne goûte guère l’art moderne et les musiques urbaines.
Gollnisch a l’art de raconter des anecdotes, sans que l’on sache vraiment si cet universitaire placide n’est pas un peu "marseillais". Pour dénigrer la mode au commerce équitable, il parle des petites confiseries des distributeurs automatiques de la Région : des biscuits dont le sucre vient du Paraguay (prononcé Paraguaille), des céréales du Nicaragua et le miel du Mexique.
« Rasez-vous, mettez une chemise propre »
Gollnisch n’oublie pas les transports et les lycées, deux thématiques qui lui permettent de revenir au dada du FN : l’insécurité. Il moque les « pédagogues larmoyants (issus de la culture soixante-huitarde) qui réclament, comme à Vitry, qu’on protège leurs lycées » et qui invoquent en cas d’agressions un « droit de retrait ». «Désignez clairement ceux qui vous cassent la figure. Parlez enfin des bandes ethniques. Stigmatisez la folle politique d’immigration (…) et au passage, regardez-vous dans la glace : rasez-vous, mettez une chemise propre, coupez vos cheveux, changez de savates ». Plus de doute, on est bien dans un meeting d’extrême droite.
Tir groupé sur mai 68, l’Education nationale et les délinquants immigrés : la salle applaudit à tout rompre. D’autant qu’il fait une allusion à son retour prochain à l’université Lyon 3. Les solutions qu’il avance ne surprennent pas : police ferroviaire et vidéo-surveillance dans les trains, portiques de détection et vidéo-surveillance (encore) à l’entrée des lycées.
Il faut le noter, en matière de transport, le FN est probablement le seul parti à assumer un positionnement pro-voiture. Gollnisch regrette d’ailleurs les blocages survenus sur l’A51 (Grenoble-Sisteron), les retards pris pour le Tronçon ouest du périphérique lyonnais et le tunnel sous la Bastille à Grenoble. Il plaide pour une liaison ferroviaire fret et voyageurs Rhône-Saône-Rhin vers l’Europe du Nord, « trois fois moins chère » que le Lyon-Turin. En dépit de son intérêt évident d’alléger les autoroutes de montagne et les tunnels du Fréjus et du Mont-Blanc, il estime que l’ouvrage a été « réalisé par l’euro-mondialisme, préfiguration d’une ligne Kiev-Lisbonne, pour permettre aux Ukrainiens d’aller écouter du fado ». C’est mieux que le rap, paraît-il.
(1) œuvre de Wim Delvoye.
(2) oeuvre de Paul Mc Carthy et Mike Kelley
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