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Ils nous racontent leur 10 mai 1981

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RÉTRO - Que faisaient nos élus lyonnais le 10 mai 1981 ? Qu'ont-ils ressenti à 20h, en découvrant le visage du nouveau Président à la télévision ? "Un déshonneur national", pour Philippe Meunier (UMP). "Un grand souffle de liberté, de modernité", selon Pierre-Alain Muet (PS).

C'est sous des trombes d'eau que Lyon a fêté la victoire de François Mitterrand. Après 20h, le peuple de gauche s'est rassemblé cours de la Liberté, au siège du parti socialiste, puis place des Terreaux et place Bellecour. Happé par cet événement historique, chacun a vécu différemment ce 10 mai 1981, selon son âge, sa conscience politique d'alors, son environnement familial. Nous avons interrogé des élus de l'agglomération sur leur vécu d'alors.

Philippe Meunier
Député UMP du Rhône

"Un déshonneur national"

"C'est un très mauvais souvenir qui a conditionné mon engagement politique. J'avais 15 ans à l'époque. Quelques années plus tard, quand je suis devenu étudiant, j'ai rejoint le Parti républicain. Cette élection fut pour moi un déshonneur national. On savait que le gouvernement allait compter des ministres communistes. Alors que dans le même temps, des gens essayaient de fuir le Bloc de l'Est pour gagner leur liberté".

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Jean-Paul Bret
Maire PS de Villeurbanne

"Je n'avais pas vraiment connu la gauche au pouvoir"

"Je tenais un bureau de vote. C'est au moment du dépouillement que nous l'avons appris à la radio. Il a fallu contenir l'enthousiasme des scrutateurs pour poursuivre l'opération. Je n'avais pas vraiment connu la gauche au pouvoir. J'étais alors adjoint aux affaires culturelles. Je me rappelle que le maire de l'époque, Charles Hernu était ministrable et il s'y voyait déjà. Il était le spécialiste des questions de défense au sein du PS. Lors de cette campagne présidentielle, j'avais participé au collage d'au moins mille affiches".

Michel Havard
Député UMP du Rhône

"Pas quelque chose de dramatique"

"J'avais 14 ans et les avis étaient partagés dans ma famille. Je n'ai pas vécu cela comme quelque chose de dramatique. Je pensais que le changement était une bonne chose. Je me rappelle d'une réaction de Jacques Chirac qui disait : "arrêtons de dramatiser. La France est une démocratie et elle le restera". C'est une date importante qui a mis un terme à l'idéologie socialiste. Le PS, à partir de 1984, a donné un sérieux coup de barre à droite".

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Jean-Jack Queyranne
Président PS de la région Rhône-Alpes

"J'ai proclamé les résultats à Villeurbanne"

"Le 10 mai 1981, j'étais 1er adjoint au maire de Villeurbanne, Charles Hernu. C'est moi qui ai proclamé les résultats. Il y avait déjà beaucoup de monde à la mairie à 19h quand les bureaux de vote ont fermé. Le maire nous a communiqué les chiffres vers 19h15, 19h20. A 20h, lorsque cela a été acquis, que les résultats ont été annoncés au niveau national, je me rappelle avoir pris la parole sur la grande banque de la mairie. J'ai repris ce qui avait été l'expression de François Mitterrand à Bagnols-sur-Cèze, il avait dit "la moisson sera belle". On est allé après en voiture place Bellecour. J'étais à l'époque suppléant du député Hernu. Le gouvernement Mauroy a été formé. Et le maire a été nommé à la Défense et le 11 juin, je suis devenu parlementaire".

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DR

Philippe Meirieu,
Vice-président de la région Rhône-Alpes Europe Ecologie-les Verts

"Le début d'une immense espérance"

"J'étais comme beaucoup de gens. J'avais 32 ans à l'époque et je n'imaginais pas que la gauche puisse arriver au pouvoir. Je n'avais jamais connu cela et je ne l'espérais même pas. Ça me paraissait tellement impossible. Et cette surprise extravagante de voir apparaitre le visage de François Mitterrand sur l'écran a été à la fois un choc et le début d'une immense espérance, qui, pour ma part a été déçue trois ans plus tard quand Alain Savary, ministre de l'Education nationale, a été limogé et remplacé par Jean-Pierre Chevènement. J'y ai vu le début d'une trahison forte au regard des idéaux qui étaient les miens dans le domaine éducatif".

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Denis Broliquier
Maire divers droite du 2e arrondissement

"J'en voulais à Chirac"

"J'étais le responsable jeunes de la campagne de Valéry Giscard d'Estaing. Une heure avant la proclamation des résultats, le directeur national de campagne m'a annoncé que le président sortant avait perdu. On était effondrés et très inquiets pour la France. On était inquiets des mesures économiques et sociales qui allaient être prises, comme les nationalisations, la retraite à 60 ans, la dévaluation du franc. J'en voulais beaucoup à Jacques Chirac. Au cours de la campagne, on avait senti l'appareil chiraquien contre VGE. Vers 21h, je suis sorti du QG et dans ma deux-chevaux, j'ai traversé la place des Terreaux où il y avait plein de militants de gauche. J'avais dans le coffre tout un tas d'affiches pour Giscard".

Nathalie Perrin-Gilbert
Maire PS du 1er arrondissement,

"Regarde ma fille, c'est historique"

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"J'avais dix ans, dans le salon de mes parents, à Gerland. C'est mon premier souvenir politique. Mon père m'a installé devant la télé. Il m'a dit : "Regarde ma fille, c'est historique". J'ai perçu la joie de mes parents qui n'ont pas toujours voté socialiste. J'ai entendu les klaxons. J'ai senti l'espoir qui pouvait naître à la suite d'un moment politique".

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Pascale Crozon
Députée PS de Villeurbanne

"J'ai pleuré"

"A l'époque j'étais conseillère municipale déléguée à la petite enfance à Villeurbanne. Je me souviens qu'on avait beaucoup d'espoir, on avait fait une grosse campagne. Quand est apparu le portrait de François Mitterrand à la télé, j'ai pleuré, et n'étais pas la seule. Depuis 1958, il n'y avait jamais eu de gouvernement socialiste et pour nous c'était un grand espoir, une grande grande joie. Ça été vraiment un moment d'émotion formidable. Après l'annonce des résultats, nous sommes allés fêter ça à la fédération socialiste du Rhône, cours de la Liberté. J'avais peur que le plancher s'effondre tellement les gens étaient nombreux. On dansait. Je crois qu'on ne peut pas imaginer aujourd'hui l'espoir que cette victoire a offert à la France".

Dominique Perben,
Député UMP du Rhône

"La victoire de Mitterrand a été à l'origine de mon premier retour à Lyon"

"Ce n'était pas pour moi une bonne nouvelle. J'avais soutenu Giscard, j'étais au cabinet du ministre des PTT à l'époque, dans les équipes qui avait travaillé durant sa campagne. Par la suite, j'ai refusé de repartir dans la carrière préfectorale. J'ai accepté la proposition qui m'a été faite en mai 1982 de venir comme directeur des services à la région Rhône-Alpes. La victoire de Mitterrand a donc été à l'origine de mon premier retour à Lyon. (…) De 1993 à 1995, j'ai été ministre de Mitterrand sous Balladur, à l'Outre-Mer. C'était une cohabitation assez paisible. On avait des rapports très cordiaux avec le Président, il n'en attendait pas moins une attitude légitimement déférente à son égard".

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Jean-Louis Touraine
1er adjoint PS au maire de Lyon

"Cela faisait sept ans que j'espérais"

"Jusqu'à 20h, je n'étais pas totalement sûr et ce n'est qu'une fois que le visage de Mitterrand est apparu totalement sur mon écran que j'ai été soulagé. Cela faisait sept ans que j'espérais. Deux ans plus tôt, j'avais été nommé professeur à l'hôpital Edouard Herriot. Une bonne proportion des personnels étaient conservateurs. J'étais le seul à avoir soutenu publiquement François Mitterrand. Le lendemain du 10 mai, j'ai été surpris par l'ambiance de fin du monde qui y régnait. Ils étaient dans une paranoïa étrange. Les gens racontaient qu'on allait devoir s'expatrier en Argentine et dans d'autres pays d'Amérique latine. Peu d'entre-eux avaient lu le programme et croyaient que le programme du PS était proche de celui du parti bolchévique".

Pierre Alain Muet
Député du Rhône, économiste, ancien conseiller de Lionel Jospin

"Cela m'a conduit à évaluer la politique économique de la gauche"

"Pour ma génération qui n'avait connu que la droite au pouvoir, ça a vraiment représenté la fin du gaullisme. On avait l'impression d'un grand souffle de liberté, de modernité. Ça été un changement majeur qui s'est traduit tout de suite par les radios libres, la suppression de la peine de mort. Personnellement, ça a simplement changé une chose : l'Observatoire français des conjonctures économiques qui était en création sous Raymond Barre - seuls les décrets étaient sortis -, a été mis en place par le gouvernement Mauroy. J'étais alors professeur à Polytechnique. On m'a proposé d'être l'un des trois directeurs de l'OFCE, j'ai évidemment accepté. Cela m'a conduit à évaluer la politique économique menée par la gauche et à écrire un livre : "la gauche face à la crise" qui est devenu un peu une référence en la matière".

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Fabienne Lévy
Conseillère régionale UMP

"J'ai voté Mitterrand"

"J'étais à la fenêtre de mon appartement avenue de Saxe, et en voyant les gens en bas, j ai crié à mon fiancé : "viens, on descend dans la rue". J'avais voté François Mitterrand. J'étais sous l'influence parentale : mon père dentiste en avait ras-le-bol d'être ponctionné. Le lendemain, à la bibliothèque de la fac de droit, à Lyon 3, on aurait dit qu'il y avait un enterrement. J'avais 20 ans. Je suis de la génération Mitterrand".

Crédit photo pour Pascale Crozon et Jean-Paul Bret : Philippe Schuller

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