Sarkozy et Royal s'emparent du phénomène de mode. Nettoyer la pollution au kärcher ou vanter la vertitude, telle est la question. Lyon Capitale revient sur les enjeux environnementaux en Rhône-Alpes et sur les réponses que proposent les candidats.
Lutter contre le réchauffement climatique
De la chaleur, pas de neige. Pas de neige, pas de ski... Avec le plus grand domaine skiable d'Europe, Rhône-Alpes pourrait bien être la première à souffrir du réchauffement climatique. Pour contrer ce réchauffement et dissuader les citoyens de polluer, l'idée d'une taxe écologique germe dans la tête de nos candidats. Nicolas Sarkozy comme Ségolène Royal optent pour une politique de pollueur - payeur sans vraiment dévoiler la façon dont ils l'appliqueront.
Pour ou contre la voiture ?
Un tiers des gaz à effet de serre en Rhône-Alpes sont produits par les transports. Perben, ministre des Transports, vient de demander une étude sur le péage urbain. Une proposition que Royal reprend dans son programme en ajoutant un système de "covoiturage pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés." En revanche, Sarkozy estime que "la mobilité est corrélée au progrès" et veut privilégier une mise sur le marché de véhicules et d'énergies propres. Les Verts insistent sur l'utilisation du vélo et des transports en commun, Bayrou sur le transport ferroviaire et fluvial.
L'atome de la discorde
Rhône-Alpes est la région la plus nucléarisée du monde et produit près du quart de l'énergie nucléaire de la France. Pour Nicolas Sarkozy "combattre le nucléaire, c'est combattre l'indépendance de la France". Un avis que partage Jean-Pierre Chevènement qui soutient pourtant Ségolène Royal et sa dénucléarisation progressive. Cette même dénucléarisation fait partie des thèmes de campagne de Corinne Lepage. Les Verts, eux, sont plus radicaux et exigent l'arrêt rapide du nucléaire.
Le soleil peut-il devenir roi ?
Première en nucléaire, Rhône-Alpes accueille également la plus grosse centrale solaire de France à Chambéry. Pour autant, la France n'est pas au point en matière d'énergies renouvelables, selon Dominique Voynet et Corinne Lepage. Pour les deux candidates, ces énergies sont l'avenir et doivent encore être encouragées. "Capables de créer un million d'emplois" selon Corinne Lepage. De son côté, Ségolène Royal veut inciter à l'utilisation d'énergies renouvelables grâce à des subventions. Pour Nicolas Sarkozy, "l'énergie solaire n'est pas la solution de tous nos problèmes."
Vers une protection animale
L'excès de pièges et la construction de routes en Rhône-Alpes menacent des espèces comme le putois, le renard roux et certains oiseaux. Pour protéger la biodiversité, Sarkozy comme Royal se rangent derrière la proposition de Nicolas Hulot : mettre en place un réseau de protection nationale des espèces. Royal ajoute qu'elle veut réviser "les politiques de pêche et d'exploitation forestière."
Agriculture bio et OGM
Rhône-Alpes est la 4ème région de France en agriculture avec 74 000 emplois et 3,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Tous les candidats veulent valoriser une agriculture biologique. Pourtant les OGM font encore débat. Pour les Verts comme pour Ségolène Royal, ils sont à bannir de l'agriculture. En revanche, Nicolas Sarkozy prône plus de recherches dans ce secteur.
Comment limiter la pollution chimique ?
La vallée de la chimie en Rhône-Alpes est source d'emploi mais aussi de pollution. "La maîtrise des risques" est capitale pour tous les candidats. Sarkozy s'est dit favorable au développement de la chimie verte. Ségolène Royal a indiqué qu'elle souhaitait "regagner la qualité des eaux qui souffrent de problèmes de pollution chimique" sans en dire davantage.
Construire écolo
On compte près de 3 millions de logements en
Rhône Alpes. Le secteur résidentiel est la deuxième source d'émission de CO2 après les transports. Ségolène Royal et les Verts s'accordent pour dire que tout le parc immobilier doit être certifié HQE (Haute qualité environnementale). Cet enjeu dont le surcoût est important - de 10 à 15% sur le prix de construction - n'est pas clairement abordé dans le projet de Nicolas Sarkozy.
Thibault Cuminet
Corinne Lepage : "Chacun pour soi !"
Vous étiez à Lyon jeudi. Il y au moins quatre candidats écologistes en lice. C'est trois de trop ?
En 1995, Dominique Voynet faisait 3 %. En 2002, nous faisions 8 % à deux. Je ne crois pas que plusieurs candidatures nuisent à l'écologie. Nos programmes se complètent mais ne se chevauchent pas. Je ne prive pas les Verts de voix. Dominique Voynet et moi, nous nous présenterons chacune de notre côté et c'est très bien comme ça.
Analyse
Après Hulot le déluge ?
Nicolas Hulot ne sera finalement pas candidat. On pourra toujours regretter que le présentateur d'Ushaïa n'ait pas fait le pas, qui aurait certainement forcé à une remise à plat de l'écologie politique en France. Mais Hulot a rempli son contrat : faire de l'écologie une thématique centrale de la campagne. On ne peut que s'en réjouir, surtout en Rhône-Alpes où les enjeux écologiques sont considérables, car la région est une alliance de grands espaces naturels et d'industries de pointe, forcément polluantes.
Beaucoup de candidats tenteront d'occuper le vide laissé par Hulot : Dominique Voynet, Corinne Lepage, Antoine Waechter, un copain de Brice Lalonde, José Bové... mais aussi, et c'est la meilleure nouvelle, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, François Bayrou... Tous ont signé sa charte. Hulot a choisi de leur faire confiance et de se poser en vigie. Il faudra sans doute un peu plus que son autorité morale pour que le prochain président s'engage à sauver la planète... Car la politique est avant tout question de rapports de forces. Il y a fort à craindre aujourd'hui que l'écologie politique, qui n'a jamais été aussi forte idéologiquement, soit laminée électoralement. Si Lepage et Voynet font des scores microscopiques au premier tour, combien Cap 21 et les Verts pourront négocier de députés aux législatives qui suivront ? Comment un éventuel "effet Bové" se traduirait à l'Assemblée ? C'est dans cette cuisine politicienne que se joue l'avenir du "pacte Hulot". Le capitaine a quitté le navire, peut-il aider ses moussaillons à arriver à bon port ?
RRF
Lyon Capitale du 23 janvier 2007