Pour l'occasion, et à la veille de la sortie du Lyon Capitale de novembre (demain dans tous les kiosques, 3 euros), nous mettons en ligne un article du mensuel d'octobre.
L'heure de collomb
"Le maire de Lyon, c'est qui ?" Depuis son élection en 2001, la notoriété de Gérard Collomb avait un peu de mal à dépasser les collines du Beaujolais. La presse nationale qui se passionnait pour Raymond Barre et Michel Noir a longtemps ignoré le premier maire socialiste de Lyon. Ce n'est plus le cas. Depuis sa réélection, il ne se passe pas un jour sans que Gérard Collomb ne soit cité dans un quotidien ou un hebdomadaire national. Les grands papiers se multiplient. "Au moins un par semaine" assure le service de presse, qui ne sait plus où archiver les cartons de revues de presse qui s'entassent. "On est obligé de refuser des entretiens. Il y a des jours où il n'a même pas cinq minutes pour répondre aux journalistes parisiens..." Collomb n'a pas encore les honneurs du 20 heures ou des matinales à la radio, mais des directeurs de rédaction l'invitent désormais à déjeuner pour sonder ses opinions, comme récemment Laurent Joffrin (Libération).
Sa victoire éclatante face à l'ancien ministre Dominique Perben lui a valu un certain crédit. Et quand L'Express lui a tendu le micro fin mars, Collomb a tenu à prouver qu'il avait des choses à dire ("Les quatre vérités de Collomb", jeudi 27 mars). Défendant 'un socialisme à visage urbain', il s'est même permis de faire la leçon aux éléphants. Bertrand Delanoë ? Il aurait dû faire alliance à Paris avec le Modem pour "faire chuter Jean Tiberi dans le Ve arrondissement." Ségolène Royal ? 'Son problème est qu'elle semble plus obsédée par l'ambition d'être candidate que par l'envie de rénover la pensée du PS'.
Depuis, Collomb suscite un intérêt certain. Son initiative de "la ligne claire", pour "déprésidentialiser" le prochain congrès du PS,a été très largement relayée. Parfois avec une pointe d'ironie, un certain mépris,mais aucun journal n'a fait l'impasse.
Reste à concrétiser. La dernière semaine de septembre,les jeux d'alliances au PS sont venus rappeler à Gérard Collomb qu'il n'y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéïenne... Le lundi, sa motion semblait à même "d'unifier" le PS, de Ségolène Royal à Bertrand Delanoë. Et on parlait même de lui comme premier secrétaire, bien qu'il n'en ait jamais exprimé l'ambition. Le mardi, Pierre Moscovici plaquait tout pour se ranger derrière Delanoë, laissant Collomb dans un face-à-face inconfortable avec Ségolène Royal.
Dans la foulée,la plupart des élus du Rhône ont fait de même. 'La ligne claire devient la motion de Ségolène Royal' résume Jean-Paul Bret, maire de Villeurbanne. Christiane Demontès rejoint aussi Delanoë, à contrecœur. Tout comme Farida Boudaoud, pressentie pour lui succéder comme première secrétaire du PS du Rhône : 'Je n'y vais pas de grande gaieté de cœur. Je ne sais pas bien comment ça s'est goupillé avec Moscovici... Mais la ligne claire n'avait d'intérêt qu'avec lui. Rester avec Ségolène Royal, ce n'est pas possible. Je ne crois pas du tout en elle pour 2012'. Yves Blein, maire de Feyzin, ne dit pas autre chose. Il rejoint Delanoë en espérant qu'un candidat de synthèse l'emporte.
L'ironie de la politique fait donc de Bertrand Delanoë, une fois de plus, le principal rival de Gérard Collomb. Le maire de Paris a le chic pour éclipser les moments de gloire de son ami lyonnais. La victoire historique de la gauche à Lyon en 2001 ? Celle de la gauche à Paris a plus marqué les esprits. Vélo'v ? On parle bien plus de Vélib. La fête des Lumières ? Elle brille moins que les Nuits Blanches... Collomb a d'ailleurs confié son amertume à une journaliste du Monde (Le baron contrarié, 24 septembre), jugeant Delanoë 'trop bling-bling, trop proche de Jospin' : 'D'accord, il a marqué les esprits avec Paris-Plage ! Mais nous avons fait dix fois plus à Lyon (avec les berges, ndlr)!'
Cette fois, Delanoë menace Collomb sur son propre territoire : la fédération PS du Rhône. Forte du soutien d'une majorité d'élus, la motion Delanoë pourrait y devancer en novembre prochain celle conduite par Collomb et Royal... Symboliquement, la couleuvre serait dure à avaler. Mais Collomb n'a pas dit son dernier mot. Les partisans de Delanoë ne mèneront pas tous une campagne acharnée. "On a aussi nos intérêts locaux" reconnaît Farida Boudaoud.
La force de Collomb, c'est qu'aucun des différents candidats à la succession de Christiane Demontès n'entend partir en campagne sans son onction. 'C'est un compagnon de route de longue date, je n'imagine rien sans son soutien' assure ainsi le maire de Feyzin, Yves Blein. 'Aux derniers congrès, on n'a pas toujours eu un premier secrétaire qui ait la caution ex-cathedra de Gérard Collomb. Mais l'intérêt collectif, c'est de travailler en bonne intelligence avec les maires : Gérard Collomb, Jean-Paul Bret... Un secrétariat fédéral en opposition avec eux, ce ne serait pas très heureux' poursuit Jacky Darne, le seul candidat en lice qui soit resté fidèle à "la ligne claire".
Le bateau Gérard Collomb pourrait tanguer un peu d'ici au congrès de Reims. Mais il tient toujours le cap. Pour l'instant, sa "ligne" - éviter qu'un présidentiable prenne la tête du parti - semble minoritaire. Beaucoup espèrent en effet, à l'image du député de Lyon Pierre-Alain Muet (partisan de Delanoë), que le PS sortira du congrès avec 'un vrai leader, capable de s'exprimer au nom du parti'. Le maire de Lyon reste cependant convaincu que la logique d'union l'emportera : 'Aucune motion n'aura la majorité. On a affaire à trois motions de taille similaire. Ce sera donc forcément un premier secrétaire de synthèse' confie-t-il. Si c'est effectivement le scénario qui l'emporte, Gérard Collomb n'aura pas consacré inutilement la majeure partie de son temps depuis sa réélection aux tractations socialistes. Et il aura démontré sa capacité à peser au sein du PS. Quitte à contrarier un peu les ambitions de Bertrand Delanoë
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