L'UMP entre poussivement en campagne

Le parti présidentiel a vraiment lancé vendredi sa campagne, avec son premier meeting à Villeurbanne. Françoise Grossetête, qui se voit "outsider", attaque l'état des finances laissées par l'exécutif de gauche et le nouveau siège de la Région. "On ne laissera aucune minute de répit à la gauche", prévient Nora Berra.

Peut-être Françoise Grossetête devrait-elle laisser planer le doute sur sa participation aux régionales. Car pour contrarier le tête à tête PS/Europe Ecologie, présenté comme le seul enjeu du scrutin de mars, il n'y a bien que le MoDem qui fasse parler de lui, avec ses faux mails, ses vrais lâchages, et l'incertitude qui demeure sur la capacité d'Azouz Begag à aller jusqu'au bout.

"La démocratie en Rhône-Alpes, c'est foutu ?"

Vendredi, l'UMP tenait son premier meeting. Une nécessité démocratique pour que vive enfin le débat. La campagne de la droite n'en finit pas de ronronner, d'une discrétion exemplaire. Pourtant tout avait si bien commencé avec l'étripage public d'octobre dernier entre Françoise Grossetête et Damien Abad. Depuis calme plat. Exfiltré dans l'Ain où il est tête de liste, ce même Damien Abad (Nouveau Centre) tente de mobiliser les troupes. "Cette campagne, nous devons la mener avec l'âme du conquérant et non la désinvolture de l'abdiquant, avec la fierté du militant et non la fatalité du perdant, avec la volonté du combattant et non la crainte du défaitiste". Du rythme, des rimes : on y croirait presque.

A la fin de son discours, Grossetête vient lui claquer deux bises. Chaque tête de liste suit. Étonnant que de voir la campagne régionale se départementaliser tout à coup. Christian Rochette (Savoie) promeut le tourisme, qui "concentre 50% de notre PIB et de nos emplois". Marie-Pierre Mouton (Drôme) défend l'agriculture et la filière nucléaire. Son co-listier, Patrick Labaune, député, s'extasie de voir la salle aussi pleine. "Si on écoute les sondages, c'est foutu, si on écoute les commentateurs, c'est foutu, alors la démocratie en Rhône-Alpes, c'est foutu ?". Il s'en tiendra là, un peu flemmard. Sophie Dion (Haute-Savoie) défend le sport, et Annecy 2018 en particulier, assurant qu'à Vancouver et en Corée du Sud (Ndlr : les autres villes candidates pour les JO), "il n'y a pas de neige". Si elle le dit...

Queyranne en prison ?

Fabrice Marchiol (Isère) dénonce la majorité "radis pastèque", rose à l'extérieur, blanc à l'intérieur pour les socialistes, d'apparence verte mais en réalité rouge pour Europe Ecologie. Il décrie l'empilement absurde et coûteux des structures et note que si l'exécutif sortant pense au "développement durable pour les générations futures", il devrait regarder de plus près "la dette multipliée par trois et les frais financiers multipliés par six".

Une critique reprise par Jean-Pierre Taite (Loire). "Si Jean-Jack Queyranne était chef d'entreprise, il serait en prison", attaque-t-il avec brutalité, visant les + 253% de dettes, les + 23% d'impôts ou la hausse des dépenses de fonctionnement "pour placer ses copains et ses copines". Ca frôle la sortie de route, heureusement il ne parle pas longtemps.

Nora Berra veut faire peur

Illustration de la supposée dérive des finances régionales : le "palais" de la région et ses 150 millions d'euros. Au petit jeu du qui mieux mieux, c'est Jean-Claude Carle, tête de liste Haute-Savoie, le plus inspiré qui compare Queyranne à un empereur romain qui érigerait son arc de triomphe. Et Grossetête de baisser le pouce ? Vient ensuite le tour du Rhône. Philippe Meunier grille la politesse à Nora Berra, la secrétaire d'Etat pourtant leader. Il voulait, semble-t-il, respecter le protocole républicain. Le député commence par saluer les ex, le travail de Charles Millon et d'Anne-Marie Comparini qui a eu un mandat "difficile et décrié". N'a-t-il pas commis, distrait, une inversion ? Se définissant comme "chasseur et pro-nucléaire", il regrette "l'EPR que nous aurions pu avoir et qui aurait fait travailler des milliers d'ouvriers, de techniciens et d'ingénieurs". Lequel EPR nous a été soufflé par la Basse-Normandie.

Nora Berra lui succède, relevant qu'il reste "44 jours pour mobiliser". "On ne laissera aucune minute de répit à la gauche", assène-t-elle promettant être, malgré son brushing impeccable et sa voix-comptine, "le cauchemar permanent du candidat sortant". Peut-être que Dracula, Freddy Krueger ou Godzilla seraient meilleurs qu'elle pour le casting mais qui sait, elle peut étonner... Lors de ces brefs exposés, il sera souvent question d'infrastructures défaillantes, comme l'A47 Lyon-Saint-Etienne saturée, l'A51 Grenoble-Sisteron qui existe en pointillé ou les presque deux heures de trajet de TER entre Lyon et Grenoble.

Président de l'Assemblée Nationale et haut-savoyard (l'un n'étant pas incompatible avec l'autre), Bernard Accoyer préside aussi le comité de soutien de Françoise Grossetête. Un cumul peut être moins compatible pour ce 4e personnage de l'Etat supposé être un médiateur entre les différents groupes à l'Assemblée. S'appuyant sur son rôle institutionnel, il regrette "que la Région soit devenue une machine de guerre contre le gouvernement".

Recentrer l'action de la Région sur ses compétences obligatoires

Entre en scène Françoise Grossetête qui se présente d'emblée comme "outsider". Mais elle y croit Françoise, en tous cas elle donne le change. "Ce ne sont pas les sondages qui font une élection, ce sont les citoyens", martèle-t-elle. Tiens, on nous l'avait jamais faite, celle-là. Sa force : l'unité. Comme les candidats UMP le répètent, ils auront le même programme au 1er et au 2e tour. Et pour cause : personne ne viendra les rejoindre. D'où la martingale de l'UMP : virer nettement en tête le 14 mars, pour empêcher les adversaires de faire leur retard. Et espérer que PS et Europe Ecologie s'écharpent bien d'ici là.

La tête de liste attaque pèle-mêle l'augmentation des agents territoriaux, passés de 877 à 1400 en six ans, cible l'effectif pléthorique du cabinet (37 salariés), "le château Queyranne pour les héberger", le changement de logo de la collectivité, les 248 000 km et 30 voyages effectués à l'étranger par le président sortant. Elle promet, elle, 0% d'augmentation des impôts. Et pour y parvenir, elle veut recentrer l'action de la Région sur ses compétences obligatoires.

Une vice-présidence à l'agriculture

Au-delà de la question fiscale, le bilan sortant, en Rhône-Alpes ou ailleurs, n'offre pas une grande prise aux franches oppositions. La faute aux compétences de la Région, souvent dépolitisées. Le dossier des transports ? Absurde de décrier l'amélioration des TER mais Queyranne a procédé, selon elle, à une "taxation punitive" des automobilistes, augmentant la part régionale de la TIPP (1). "On a oublié que parfois, on n'avait pas d'autres choix que de prendre sa voiture pour aller à la gare", soutient la candidate. La question de l'environnement ? Délicat de s'opposer aux aides à l'agriculture bio ou aux éco-rénovations des bâtiments. Grossetête promeut une "écologie populaire", contre la décroissance portée par Europe Ecologie. La rénovation des lycées ? Difficile de contester leur nécessité mais elle souhaite de la vidéo-protection dans les établissements scolaires et les gares.

Elle veut aussi une vice-présidence dédiée à l'agriculture qui n'existe pas aujourd'hui. Une proposition qui entre en contradiction avec son propos liminaire, l'agriculture ne faisant pas partie des compétences obligatoires de la Région. Plutôt que s'appuyer sur un programme vraiment détonnant - Queyranne, après tout, ne fait pas mieux -, elle met en avant sa bonne volonté. "Députée européenne, je mettrai mes réseaux au service de la Région" ou encore "je ne suis pas là pour faire carrière". Un peu court tout de même.

(1) taxe intérieure sur les produits pétroliers

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