La fausse-victoire des opposants au Grand Stade

Le tribunal administratif a annulé la cession des terrains du Grand Lyon à l'OL sur le site du Montout répondant ainsi aux demandes des opposants. Mais ce jugement dessine paradoxalement une autoroute pour les porteurs de ce projet de grand stade de football. Si d'ici avril 2013, la communauté urbaine remédie à son erreur de forme, la vente sera bien effective et à un prix avantageux pour l'OL.

Le tribunal administratif a donné raison aux opposants en prononçant l'annulation de la délibération de vente des terrains du futur Grand Stade votée au Grand Lyon. La cession des terrains de la communauté urbaine à l'OL est, à l'heure actuelle, caduc. Toutefois, le tribunal administratif donne le mode d'emploi au Grand Lyon pour rendre de nouveau légale la délibération cédant les terrains à l'OL via sa filiale immobilière la Foncière du Montout. D'ici au 1er avril 2013, le Grand Lyon doit procéder à un nouveau vote qui mettra fin au manque d'informations des élus retenu par le tribunal administratif pour annuler la décision de la communauté urbaine. Les juges ont, en effet, estimé que n'ayant pu lire l'avis complet de France Domaines, le service public chargé de déterminer le prix de vente des terrains, les élus ne pouvaient voter en pleine connaissance de cause. Conséquence, ils doivent revoter. Le Grand Lyon a toujours su bousculer l'ordre de ses délibérations pour accélérer du Grand Stade, l'affaire semble donc entendue. Le nouveau vote pourrait intervenir bien avant la date butoir du 1er avril.

Manque d'informations des élus

Concrètement, c'est un vice de procédure qu'a retenu la justice administrative. Ce manque d'informations qui entache la cession des terrains n'a pas de conséquences directes sur le projet de Grand Stade. Il pourrait même s'avérer indolore sur le calendrier de l'OL Land. En adressant aux élus du Grand Lyon l'intégralité des préconisations du service des Domaines en matière de prix de vente, Gérard Collomb remettra le dossier sur des rails "légaux". "Le Grand Lyon constate que le juge n'a pas remis en cause le prix de vente des terrains. Cette décision est donc sans conséquence ni sur la vente des terrains ni sur l'avancement du projet en lui-même", commente le Grand Lyon dans un communiqué de presse faisant suite au rendu du jugement. Même son de cloche du côté de l'Olympique lyonnais pour qui la décision du tribunal administratif "n'aura pas d'impact particulier sur la réalisation du projet".

L'accord secret entre Aulas et Collomb survit au jugement

Pour les opposants au projet, cette petite victoire a des allures de défaite puisque seul un défaut d'information est caractérisé quand leurs demandes portaient aussi et surtout sur le prix de vente qu'ils estiment anormalement bas. Comme nous le révélions en mars 2012, le Grand Lyon et l'Olympique lyonnais avaient noué dès 2007 un accord secret sur le prix de vente autour de 40 euros le m2. Quatre ans plus tard, c'est à ce prix que s'est actée la cession des terrains. Les terrains vendus à l'OL avait été considérés comme non-constructibles par France Domaines, un service rattaché à Matignon qui fixe la valorisation terrains publics. La future vocation du terrain du Montout est pourtant connue à l'époque ; de même que la volonté de l'OL de financer son projet de stade par des ventes ultérieures de terrains. Acheté 22 millions d'euros au Grand Lyon, les terrains propriétés de l'OL pourraient être valorisés à la livraison de l'enceinte 200 millions d'euros. Cette culbute immobilière est l'un des points clés du financement de l'OL Land. Le fait que prix de vente n'ait pas été évoqué par le jugement du tribunal administratif a donc engendré une vague de soulagement à l'OL. "Le jugement est plutôt correct pour nous. Surtout sur la valorisation des terrains qui était importante pour nous", glisse Patrick Illiou, vice-président de l'OL en charge du Grand Stade.

Un jugement, deux lectures

La bonne nouvelle pour le club de football et la communauté urbaine tient en un mot : "rétro-actif". La justice administrative glisse en effet dans son jugement la possibilité de revoter le texte dans les conditions du mois d'avril 2011, c'est à dire avant que le terrain ne soit constructible. Le prix peut donc rester à 40 euros le m2. Quand bien même aujourd'hui, le terrain est devenu constructible et donc que sa valorisation est significativement supérieure. Pour les porteurs du projet de grand stade de football dans l'Est lyonnais, la vraie mauvaise nouvelle aurait été une injonction de remettre à plat le prix de vente des terrains.

Le jugement est suffisamment difficile à décrypter pour permettre aussi aux opposants de nourrir leur optimisme. "Le prix n'est pas validé par le tribunal administratif. Il n'est pas invalidé non plus. En apparence, les juges disent deux choses contradictoires. Ils annulent la délibération sans se prononcer sur le prix mais du moment que la décision est cassée, ils n'ont plus à se prononcer sur le prix", souligne Étienne Tête, élu écologiste et avocat des plaignants. Si le Grand Lyon et l'OL ont retenu le mot "rétro-actif", les opposants ont préféré souligner que la vente doit se faire "dans des conditions régulières". Pour les porteurs de l'OL Land les bonnes conditions de la cession impliquent une meilleure information des élus. "La délibération est annulée et doit redémarrer de zéro, lit à l'inverse Étienne Tête. Cela m'amuserait que la Courly prenne le risque de revoter une délibération se basant sur un avis caduc de France Domaines. Ils vont devoir redemander un avis qui se basera sur l'état actuel des terrains qui sont aujourd'hui constructibles. S'ils repartent comme avant, il y aura un nouveau contentieux. Le rapporteur public a estimé lors de l'audition que le prix de vente était trop bas car France Domaines avait été mal informé par le Grand Lyon qui avait omis de leur préciser que l'attribution d'un permis de construire était l'une des conditions suspensives de la vente. De fait le terrain vendu était constructible". Dans cette possibilité de double lecture, chaque partie trouve ce jeudi soir son bonheur.

Une suite au pénal ?

Le rendu du jugement semble pourtant penché nettement en faveur de l'OL et du Grand Lyon qui pourront conclure la vente sur les bases de la délibération de 2011. La rétro-activité s'apparente aujourd'hui à un sésame pour le Montout. Mais les opposants ne sont pas prêts de désarmer. Et après la justice administrative, Étienne Tête pense éventuellement au pénal. "En s'exprimant sur le prix de vente, les juges auraient mis en valeur une faute pénale. Ils ne voulaient pas dire qu'il y avait une faute pénale, c'est un avertissement. Ils leur tendent la main pour faire les choses comme il faut. Si le Grand Lyon représente la délibération de 2011, je pourrai attaquer au pénal pour détournements de fonds publics", souligne Étienne Tête. Comme souvent avec ce dossier de grand stade, quand une bataille judiciaire s'achève, une autre commence.

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