Benoit Hamon présente cette semaine sa loi de consommation au Sénat. Parmi les volets qui sont détaillés au palais du Luxembourg, l’action de groupe fait office d’avancée en matière de possibilité de recours pour les consommateurs. Pourtant, si ce dispositif peut faire trembler les banques ou compagnies d’assurance, les laboratoires impliqués dans certains scandales sanitaires sont tranquilles : l’action de groupe exclut le domaine de la santé.
Lancer des actions de groupe devant la justice. C’est une des mesures phares de Benoît Hamon, le ministre de la Consommation, qu’il défend cette semaine au Sénat. Il s’agit, selon le ministère de rééquilibrer la balance entre le consommateur et les entreprises.
A la différence des class actions américaines, l’action de groupe française se fait via une association agréée par l’État de laquelle se sont rapprochés au moins deux consommateurs s’estimant lésés. C‘est alors l’association qui agit en justice. Le juge établit alors la responsabilité du professionnel, définit les modalités d’indemnisation et ordonne des mesures d’information des consommateurs potentiellement concernés, aux frais du professionnel. Les clients lésés se manifestent alors directement auprès du professionnel condamné ou de l’association qui a porté l’affaire devant la justice et obtiennent réparation.
En ce qui concerne la vérification de l’exécution de la décision de justice et donc l’indemnisation, le ministère n’est pas encore en mesure de préciser les modalités du contrôle mais assure qu’un "volet y sera bien évidemment dédié dans le décret d’application de la loi".
Banques, assurances, téléphonie...
Mais si elle se révèle être un levier intéressant pour la défense des consommateurs, l’action de groupe a également un périmètre contraint. Elle ne peut être menée que dans le secteur de la consommation et concerne exclusivement la réparation des préjudices matériels excluant de fait les préjudices écologiques, moraux ainsi que les dommages corporels.
Cœur de cible de ce volet de la loi de consommation donc : les "petits litiges du quotidien qui empoisonnent la vie et qui nécessiteraient trop d’argent de temps ou d’énergie pour mener une action en justice". 20, 30, 40 euros... Il n’y a pas de montant minimum du préjudice pour intégrer une action de groupe, pas de plafond non plus.
Par exemple un client souscrit un contrat auprès d’un opérateur de services financiers. Ce contrat contient une clause entrâinant le versement annuel de 50 euros pour un service non-rendu. Si à l’échelle de l’individu la somme n’est pas exorbitante, à l’échelle de l’entreprise si 200.000 clients sont concernés, le gain est de 10 millions d’euros. Soit au moins autant à rembourser après décision de justice. "Ce mode d’action se veut comme une arme de dissuasion contre les pratiques borderline de certaines entreprises", précise-t-on au ministère.
On décrypte donc assez rapidement que les domaines de la banque, de l’assurance ou encore de la téléphonie qui concentrent les recours aux associations de consommateurs, sont plutôt ciblés.
La consommation, pas la santé
Dans sa forme actuelle, l’action de groupe ne pourrait donc pas s’appliquer dans le cadre d’affaires qui ont récemment marqué l’actualité, comme le scandale des prothèses mammaires PIP. "Dans ces domaines très particuliers et notamment les préjudices corporels, nous sommes obligés d’individualiser", affirme le ministère. Et pour cause, le système actuel prévoit une indemnisation identique pour chacun (au prorata temporis le cas échéant). Difficile, voire impossible donc de définir une indemnisation globale pour des préjudices corporels souvent très différents.
Le ministère se dit conscient d’un manque qui pourrait exister dans ce domaine mais préfère se réjouir de la présentation de ce projet de loi "dont on parle depuis 16 ans". Néanmoins il précise qu’il s’agit ici d’éprouver le modèle de l’action de groupe dans le domaine de la consommation, mais que son périmètre aura vocation, à terme, à s’ouvrir à l’environnement et à la santé.