À l'issue du conseil des ministres de ce mercredi, le président de la République a tenu à annoncer en personne les propositions du Gouvernement pour moraliser la vie politique. Elles devraient déboucher sur la création d'une super-autorité et la fin des paradis fiscaux. Si les annonces ne sont pas une surprise, leur application sera plus délicate. Décryptage en cinq points des grandes propositions de François Hollande.
1/ Les déclarations de patrimoine deviennent obligatoires
En soi, la déclaration de patrimoine, brandie comme une réponse aux dérives de Jérôme Cahuzac, n'a rien de bien nouveau. Les ministres tout comme les parlementaires doivent déjà s'y soumettre. "L’obligation de déclaration de patrimoine en début et fin de mandat a pour objet d’éviter qu’un parlementaire ne profite de ses fonctions électives pour s’enrichir abusivement", peut-on lire sur le site de l'Assemblée nationale. Ce principe est entré en vigueur en 1988. Jusqu'à présent privées, ces informations deviendront désormais publiques, selon les préconisations du président de la République. Surtout, elles seront enfin soumises à un contrôle. Aujourd'hui purement déclaratives, elles ne font l'objet d'aucune enquête. "Il ne s’agit pas d’exhiber, il ne s’agit pas de mettre en cause, il s’agit pour les Français d’être sûrs que ceux qui les gouvernent, ceux qu’ils ont élus, ceux qui sont responsables des deniers publics puissent, pendant la durée des mandats qui leur ont été confiés, ne pas connaître d’enrichissement", a déclaré François Hollande. Au passage, une Haute Autorité, dont le nom reste à inventer, sera créée pour mener le travail de recoupement et d'investigation. Sitôt la déclaration du chef de l'État terminée, des responsables de l'UMP s'amusaient de la création d'une structure qui doublonnera avec l'actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique. Pour Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche, il ne s'agit ainsi que de "recycler de vieux outils institutionnels"."Cette déclaration n'aura de valeur que si elle est rendue publique", confie à Lyon Capitale Antoine Gaudino, ancien inspecteur de police à la brigade financière, qui est à l'origine de la découverte de l'affaire Urba à la fin des années 1980.
Des informations privées ?
La publicité de ces données est justement le point d'achoppement sur cette mesure voulue par le chef de l'État. Claude Bartolone, président socialiste de l'Assemblée nationale, a ainsi déclaré au Figaro, ce jeudi : "Déclarer, contrôler, sanctionner, c'est de la transparence. Rendre public, c'est du voyeurisme." Il rejoint ainsi la longue liste des responsables socialistes qui affichent leurs réticences. Razzy Hamadi, député (PS) de Seine-Saint-Denis, s'est livré à l'exercice de transparence mais refuse de le voir généralisé :"Notre patrimoine engage aussi nos enfants ou nos épouses. Ces informations relèvent des libertés individuelles. Je suis totalement convaincu par la nécessité de transparence, mais je ne veux pas que l'on fasse des députés des potentiels suspects et des a priori coupables. Nous partons de l'affaire Cahuzac où il s'agit d'une personne qui a travaillé avec les laboratoires pharmaceutiques, il a bien gagné sa vie et fait de l'évasion fiscale, et cinq jours après on nous demande de rendre public notre patrimoine."
La transparence peut-elle mener à la défiance ?
Le refus de la publicité des déclarations de patrimoine dépasse aussi les clivages politiques. "Je suis sceptique, je trouve que l'on entre dans une société "big brother". L'élément d'un patrimoine personnel relève de la vie privée. Étaler sur la place publique son modèle de voiture ou le prix de sa maison, à quoi ça sert ? s'interroge le député (UMP) du Rhône Georges Fenech. “Je suis d'accord avec la création d'une Haute Autorité qui contrôle la réalité de nos déclarations, qui aujourd'hui ne sont pas contrôlées, mais les rendre publiques nous fait tomber dans le voyeurisme. J'ai peur qu'au final ces informations suscitent encore plus d'interrogations chez nos citoyens." Pour les ministres, la publicité de ces informations sera effective le 15 avril. Les parlementaires y seront astreints dès que la loi aura été votée, vraisemblablement avant le début de l'été. Les grands élus locaux (maires de communes importantes, présidents de région ou de département) devront aussi se soumettre à cette opération transparence, ainsi que les membres de cabinets ministériels ou les patrons de grandes entreprises publiques.
2/ Des moyens d'investigation renforcés
Pour prouver la détermination de son gouvernement à lutter contre les affaires et la fraude fiscale, François Hollande propose la création d'un parquet financier spécialisé dans la lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Il se bâtirait sur le modèle du parquet antiterroriste, qui regroupe des unités spécialisées et qui est doté d'un statut de juridiction nationale. Le juge d'instruction qui sera nommé pourra se saisir de n'importe quel dossier sur le territoire français. Aujourd'hui, il existe des brigades financières dans chaque ville abritant une cour d'appel. Le territoire est maillé pour lutter contre la corruption et donc les affaires politico-financières, mais les passerelles ne sont pas toujours faites. Avec la création d'un super-office, le vide serait comblé. "Cette mesure va apporter un vrai plus : les informations seront centralisées, là où elles sont saucissonnées entre plusieurs villes aujourd'hui. Nous ne pouvons que nous féliciter de voir des moyens supplémentaires donnés à la lutte contre la corruption. Je retiens aussi la création d'un office central d'investigation qui regroupera les Douanes, la police et l'administration fiscale", se réjouit Georges Fenech, député (UMP) et ancien juge d'instruction, qui pour une fois est d'accord avec le Gouvernement.
3/ Des métiers interdits pour les politiques encore flous
Il s'agit de l'annonce la plus floue de l'intervention du président de la République. François Hollande n'a donné qu'un exemple : "Un médecin peut soigner, tout en étant parlementaire. Est-ce qu’un médecin peut travailler dans un laboratoire pour qui il aura à fixer un certain nombre de règles ? Vous avez la réponse." Elle est négative. Le chef de l'État n'a, en revanche, pas cité l'exemple des avocats, qui sont nombreux à l'Assemblée nationale, à droite comme à gauche. La liste des professions interdites de par les possibles conflits d'intérêts qu'elles peuvent engendrer risque d'être difficile à élaborer. 35 avocats siègent au palais Bourbon et 24 médecins. "Si nous supprimons le lien direct avec la vie professionnelle, la politique ne sera plus exercée que par des gens pour qui il s'agit d'un métier à plein temps. Un chirurgien acceptera-t-il de tout abandonner pendant cinq ans et de se retrouver après son mandat plus à jour des nouvelles techniques d'opération ? Un chef d'entreprise est-il en conflit d'intérêts quand il vote l'accord avec les syndicats sur la compétitivité ? Ne rentrons pas dans une société de défiance. Je préfère que l'on donne des moyens à la justice pour qu'elle traque les conflits d'intérêts ou les trafics d'influence plutôt que de voir la politique réservée à des apparatchiks", estime Georges Fenech, député (UMP).
Conflits d'intérêts plus que de métiers
À l'Assemblée nationale, la mesure imaginée par François Hollande paraît à certains trop radicale. Jérôme Chartier, député (UMP) du Val-d'Oise, croit difficilement en une liste des métiers incompatibles : "Je conçois mal que l'on vérifie client par client l'activité des avocats d'affaires. Pourquoi ne pas interdire aux médecins de voter le budget de la Sécurité sociale ? Aucun d'eux ne s'abstient car ils votent en leurs âme et conscience. Il n'y a pas de solution miracle, c'est une question de responsabilité personnelle." "Pour moi, l'incompatibilité ne se pose pas en termes de métiers mais d'intérêts. Que Gérard Longuet appartienne à un cabinet de conseil en énergie qui travaille avec des grands groupes du secteur et travaille sur ce même sujet au Sénat, il n'y a pas besoin d'avoir fait l'Ena pour voir un conflit d'intérêts. De la même manière, si un avocat d'affaires conseille des fonds d'investissement et défend à l'Assemblée nationale des déductions d'intérêts pour les fonds d'investissement, la notion de conflit d'intérêts est manifeste. Dans le droit français, cette pratique n'existe pas. Il faut la définir juridiquement au cours d'un travail parlementaire. Après, il faudra contrôler les déclarations de chacun, mais je ne veux pas que l'on crée une culpabilité a priori des députés", abonde Razzy Hamadi, député (PS). Les mesures prononcées par François Hollande devront être validées par le Parlement, qui semble pour le moment réfractaire. Jusqu'à aujourd'hui, François Hollande s'est toujours montré réticent à brusquer ses sénateurs et députés, comme en attestent le renoncement sur le cumul des mandats ou l'éparpillement de la réforme de la décentralisation. Acculé par l'affaire Cahuzac, saura-t-il imposer ses vues au Parlement ?
4/ La fin des paradis fiscaux, une utopie française ?
L'affaire Cahuzac est aussi celle des paradis fiscaux. Ils entrent donc logiquement dans le viseur du président de la République. "Ce que je veux, et avec d’autres pays en Europe – encore récemment l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Espagne se sont jointes à nous –, ce que je veux, c’est qu’il y ait un échange automatique d’informations sur les revenus et les patrimoines détenus par les Français à l’étranger ou par des étrangers en France. Cela doit être la règle en Europe pour que nous puissions mettre un terme au secret bancaire et à la dissimulation des avoirs", prévient François Hollande. De fait, cette mesure si elle était validée par les autres États membres correspondraient à la fin des paradis fiscaux, au moins sur le territoire européen. Les entreprises comme les particuliers français n'auraient plus intérêt à disposer de comptes dans les paradis fiscaux européens que sont dans des proportions différentes les îles anglaises de Guernesey, Jersey, Mann, le Luxembourg, l'Irlande, l'Autriche. Pour la Suisse qui n'est pas membre de l'Union Européenne seule une solution diplomatique peut offrir une pareille transparence. Les États-Unis l'ont imposé à la Confédération helvétique. L’Europe en sera-t-elle capable ? L'enjeu est de taille, à elle seule la Suisse représente près de la moitié des sommes soustraites au fisc dans les pays de l'Union Européenne (798 milliards d'euros).
L’Angleterre, un allié inattendu
L'idée de mettre fin au secret bancaire gagne du terrain au sein des États membres mais prendra du temps. Le Luxembourg se donne ainsi jusqu'en 2015 pour échanger ses données avec les autres pays. L'Autriche, initialement réfractaire, devrait emboîter le pas. Pour les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey comme pour l'île de Man, tout dépendra de la volonté des anglais souvent tentés de faire bande à part au sein de l'UE. David Cameron, le Premier ministre anglais qui préside cette année le G8 a fait de la lutte contre l'évasion fiscale sa priorité. Le contexte français et aussi un peu européen lui donne l'occasion de passer des paroles aux actes. "Je sens que l'Union Européenne est mure. C'est le moment ou jamais. Pour les îles anglaises, il faudra bien qu'elles se soumettent. L'Union Européenne peut, en dernier recours, leur supprimer leurs licences bancaires", prévient Razzy Hamadi, député PS de Seine-Saint-Denis.
Hors de l'Union européenne, une solution : la liste
L'affaire Cahuzac a toutefois démontré que l'étau se resserrant autour de la Suisse les candidats à l'évasion fiscale pouvaient s'aventurer dans des contrées plus éloignées mais tout aussi accueillantes : Singapour pour l'ancien ministre du Budget, les îles Caïman pour d'autres. Pour lutter contre ces États fiscalement avantageux, François Hollande se heurte à un mur. Pour tenter de le fissurer, François Hollande veut prendre en tenaille le secteur privé. "Les banques françaises devront rendre publique, chaque année, la liste de toutes leurs filiales, partout dans le monde, et pays par pays. Elles devront indiquer la nature de leurs activités. En d’autres termes, il ne sera pas possible pour une banque de dissimuler les transactions effectuées dans un paradis fiscal", précise le Président. Dans un second temps, ce contrôle des flux financiers s'opérera sur les grandes entreprises. À défaut de supprimer les paradis fiscaux, le gouvernement veut en rendre l'accès plus compliqué. Le tout ne rendra pas une affaire Cahuzac impossible à l'avenir mais surement plus délicate à opérer. "Les banques qui bénéficient des paradis fiscaux sont aussi celles qui détiennent nos dettes. Le rapport de force politique peut changer, nous pouvons desserrer l'étau", anticipe Razzy Hamadi. Ce député de la frange gauche du PS voit dans l'opération main propre du gouvernement une occasion de rappeler aux établissements bancaires que le candidat Hollande avait ciblé la finance comme son adversaire.
5/ La fin des affaires ?
Cette loi de moralisation n'est pas la première du genre. Presque tous les gouvernements se sont soumis à l'exercice. Certains avec plus ou moins de poigne. "Les hommes politiques ne tirent pas les enseignements des vingt dernières années. À la fin des années 1980, après la découverte de l'affaire Urba, François Mitterrand est monté à la Roche de Solutré pour annoncer la moralisation de la vie politique. Des lois de financement de la vie politique ont été mises en place pour finalement aboutir à l'amnistie de 1990. De nouvelles lois ont suivies mais elles n'ont pas empêché des scandales comme récemment à la fédération PS du Nord-Pas-de-Calais ou à Marseille. Chaque scandale est suivi d'annonces mais ce ne sont souvent que des effets d'annonces", constate Antoine Gaudino, ancien policier spécialisé dans les affaires politico-financières. Georges Fenech, magistrat et député UMP qui se targue d'être un pionnier de l'instruction politico-financière, se montre tout aussi désabusé : "il n'y aura aucun système qui empêchera totalement la corruption. Peut être de la poudre aux yeux. Toujours des annonces, des mesures, mais il y aura encore des affaires".
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FIN Les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite' quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent » (article L161-77 al. 3 code de la sécurité sociale)