Forte affluence mardi 9 mars pour le grand meeting du Front de Gauche, à la Bourse du travail (Lyon 3). Jean-Luc Mélenchon, plein d'ambition, espère que ce rassemblement électoral préfigure d'un "nouveau Front populaire", à même à gouverner.
Le moment de vérité approche pour le Front de Gauche. En-deça de 5% dimanche soir, il aura complètement raté son pari, excluant les communistes de l'Assemblée régionale. Au-delà, il aura fait preuve d'une belle indépendance à l'égard du parti socialiste, même si aucun doute ne plane quant à son ralliement futur à Jean-Jack Queyranne. Distancer le NPA serait aussi une belle opération, imposant un rapport de force favorable à la gauche de la gauche.
Mais ce mardi, à la Bourse du travail, les candidats disent exactement le contraire. Aucune malveillance à l'égard des anticapitalistes : "on n'est pas pour la concurrence libre et non faussée", plaisante Elisa Martin, tête de liste du Front de Gauche. Et face aux socialistes, il est question de faire monter les enchères, redoublant de conditions. Notamment l'exclusion du MoDem, "parti libéral" d'une alliance de second tour. "Nous n'allons pas signer sur un coin de table la nuit de dimanche à lundi, sur quatre ou cinq propositions", balaie Marie-Georges Buffet. Pour quatre ou cinq places, probablement plus. Relativement fort dans les sondages (1), le Front de Gauche réussit à mobiliser ses militants.
Duel de rouge à la tribune
Pour le grand meeting de mardi, la Bourse du Travail est bien remplie, bondée au rez-de-chaussée. Le démarrage est laborieux. Des jeunes filles intimidées qui amorcent le show, avec un micro aphone puis récitant des gags qui tombent à plat. C'est après Marie-France Vieux-Marcaud, vice-présidente du conseil régional muée en chauffeuse de salle, tellement plongée dans ses notes qu'elle en lirait presque la ponctuation. C'est enfin des vidéos annoncées qui ne se lancent pas, puis qui se lancent mais sans le son. Duel coloré à la tribune : Marie-France Vieux-Marcaud, en chaperon rouge, est assortie aux fauteuils, au rideau, aux drapeaux. Mais c'est Elisa Martin qui gagne, rouge des bottes aux cheveux.
Entre chaque intervention, les têtes de liste départementales déclinent des éléments de programme. Gilles Ravache (Haute-Savoie) compte aider les villes qui remunicipalisent leur service de l'eau et pénalisent celles qui ne construisent pas suffisamment de logement social. Antoine Fatiga (Savoie) veut annualiser la rémunération des saisonniers. Et Corinne Morel-Darleux (Drôme) souhaite que la Région soutienne davantage les AMAP (1) et les circuits courts favorisant l'agriculture locale. A la tribune, se relaient d'illustres responsables de groupuscules. L'un s'insurge contre les gouvernements socialistes du Portugal, d'Espagne ou de Grèce qui mettent en oeuvre des plans d'austérité frappant les plus modestes. Il crie, il s'époumone. Malgré plusieurs rappels, il ne veut pas céder l'estrade aussi vite.
"Le nouveau Front populaire"
Michèle Dessenne (M'PEP) se chargera de dégommer les listes concurrentes. "Le capitalisme et l'écologie sont incompatibles", assène-t-elle, à l'adresse d'Europe Ecologie. Louant le rapprochement opéré grâce au Front de Gauche entre des formations diverses, elle attaque ensuite "ceux qui ont préféré jouer perso (ndlr : le NPA)", coupables "de calculs à petite vue". Elle aussi ne va pas rendre le micro facilement. La salle est désormais alerte, les drapeaux s'agitent frénétiquement. Ils ne cesseront plus de flotter.
Jean-Luc Mélenchon peut s'élancer. "La campagne prend la tournure nationale qu'elle doit prendre", constate-t-il, plein de gourmandise. Il cible Nicolas Sarkozy. Aux victimes de la tempête, le Président de la République a promis qu'une réflexion serait lancée pour que ce type de catastrophe ne se reproduise plus. "Il ne va pas pas arrêter la mer avec la main", s'esclaffe l'ancien socialiste qui exhume une citation du même Sarkozy prêt à construire en zones inondables. Prêt à en découdre avec la droite, Mélenchon promet une "nouvelle situation politique", après le 21 mars. "Nous sommes le nouveau Front Populaire", affirme ce tribun plein d'énergie et d'humour.
"Dégagez !"
"Qu'on fasse 6, 7 ou 8%, ce sera le retour de la gauche historique, un point d'appui" pour gouverner un jour. Il s'adresse au monde rural, électorat de droite abandonné qui va se rallier selon lui à la gauche. Il veut porter un discours commun aux "travailleurs de la terre et de l'usine".
Mélenchon se fait le défenseur des "huit millions de pauvres". "La France est riche, nous ne sommes pas condamnés à cette affreuse comptabilité, devoir compter pour se loger, pour se nourrir". Après les élections, le prochain rendez-vous de la gauche de transformation sociale est la réforme des retraites qui promet de belles mobilisations. Mélenchon en a parlé hier, s'adressant au gouvernement. "Si vous ne savez pas garantir la retraite à 60 ans, dégagez, nous on sait faire". Il égratigne au passage François Hollande, ce "couillon", qui estime normal de travailler plus longtemps puisque l'on vit plus longtemps. "Si on travaille plus longtemps, on vivra moins longtemps", corrige-t-il, sûr de son effet. Pour financer les retraites, comme pour résorber la dette, il préconise de taxer le capital. "9/10e de la dette accumulée depuis 1981 l'a été par la droite qui a appauvri l'Etat, notamment en baissant l'impôt sur le revenu". On le comprend, plus que les Régions, c'est gouverner la France qui l'intéresse. Et avec 6, 7 ou 8% des voix, c'est un peu irréaliste.
(1) crédité de 6% des voix selon le sondage du Progrès.
(2) Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne
Les commentaires sont fermés